Maxime Tandonnet a lu “Dessine-moi une église”, d’Emmanuel Belluteau


L’incendie de Notre-Dame, le 15 avril 2019 s’est imposé comme un emblème de la crise profonde que traversent l’Eglise catholique et au-delà le christianisme en France.

Dans un ouvrage aussi dense que passionnant, Emmanuel Belluteau, président de l’Office chrétien des personnes handicapées qui mêle expériences personnelles et références évangéliques, ne lésine pas sur la gravité du constat.

D’ailleurs n’hésite-t-il pas à citer les paroles cinglantes de Bertrand Vergely: “Le christianisme, qui est originellement une religion de vie, est tombé en décadence. Il devenu un ordre conservateur frileux et saupoudré de sentimentalisme misérabiliste et bêlant*”.Comment en sortir?

A juste titre, E. Belluteau évite les sujets polémiques et autres serpents de mer habituels autour de la la réforme de l’Eglise catholique (par exemple la question du mariage des prêtres) qui divisent plus qu’ils n’apportent de solution. Il nous entraîne bien loin de toute forme d’hystérie pour se concentrer sur l’essentiel à ses yeux. Son intérêt se porte bien davantage sur l’état d’esprit de l’Eglise, évidemment l’Eglise au sens le plus large de la communauté des catholiques et même au-delà, de tous ceux qui se reconnaissent dans le message évangélique.

En 11 brefs chapitres, il propose un retour aux sources de la religion chrétienne et de ce message évangélique “Ce n’est pas en recourant à des solutions toutes faites que nous rebâtirons l’Eglise, ni par des pansements ou des formules faciles. Il nous faut au contraire revenir à ce qui constitue le cœur du témoignage que nous avons à porter et remettre ces fondamentaux au centre de la réflexion pour relever l’Eglise que nous aimons […] On a coutume de dire que c’est au sort qu’elle réserve aux plus fragiles de ses membres qu’on juge une société. Il en va de même pour l’Eglise, qui a tant fait pour affirmer la dignité de toute vie, qui a souvent été la première – et parfois la seule – au chevet des pauvres et des affligés et qui aurait tout à gagner à se souvenir de cette priorité […] Parce qu’ils ne peuvent souvent vivre que l’essentiel, sans calcul et sans artifice, les plus fragiles nous donnent à voir, dans la vérité et la simplicité de leur existence chahutée par la maladie ou le handicap (physique, mental, psychique, social), un témoignage étonnement proche du message évangélique.”

L’auteur met en avant les piliers d’un renouveau de l’Eglise tel qu’il l’envisage. Il préconise par exemple de redécouvrir le sacrement de la joie, au cœur de l’héritage du Christ: “Je vous ai dit ces choses afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite.”

De même, il valorise le message d’audace et d’optimisme qui imprègne les Evangiles: “Pourquoi avez-vous peur, hommes de peu de foi?” 

Une Eglise, fière et humble, mais aussi forte et fragile ne doit jamais céder à la facilité du siècle et savoir tenir un cap dans la tempête “pour annoncer à un monde qui doute, y compris à contre-courant et parfois “en défendant l’homme contre lui-même” (Jean Marie Lustiger) que Dieu sauve et que la pardon est toujours possible.”

Enfin, l’auteur lance un appel à la fraternité qu’il illustre d’une anecdote bouleversante, à l’image de tout son livre: “Au cours d’un pèlerinage qu’il effectuait avec sa famille à medjugorje […] un journaliste a demandé à l’un de nos jeunes amis, Thibaud, s’il espérait être guéri miraculeusement de la myopathie qui l’empêchait de vivre normalement. Sa réponse a été édifiante pour tous ceux qui se trouvaient là […] Après avoir réfléchi un instant, Thibaud a relevé la tête vers son interlocuteur et lui a dit de sa voix faible et belle qu’il ne le souhaitait pas si les autres personnes souffrant de cette affection n’étaient pas guéries aussi!”

Je recommande chaleureusement la lecture de ce livre, mince par le volume mais épais par la richesse des sentiments et de la pensée qui l’inspirent et l’animent.
La tentation de l’homme Dieu, le Passeur, 2015.

© Maxime TANDONNET

Haut fonctionnaire français, ancien conseiller à la Présidence de la République sur les questions relatives à l’immigration, l’intégration des populations d’origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l’Intérieur, Maxime Tandonnet, contributeur régulier du FigaroVox, a notamment publié André Tardieu. L’incompris (Perrin, 2019).

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