Dominique Itzkovitch. Modi, Soutine, et moi…

Que peuvent avoir en commun Modigliani, le «Prince» italien de Montparnasse, au regard ardent, à la beauté et au charme irrésistible, et Chaïm Soutine, le slave introverti des confins de la Biélorussie, ne parlant pas un mot de français à son arrivée à Paris ? Une relecture très contemporaine de la brève mais intense amitié entre ces deux artistes exilés, fondateurs de l’Ecole de Paris dans les années 1910, permet de comprendre comment, côte à côte, ils ont écrit un chapitre de l’histoire de l’art moderne.

Magnifique émission sur France 5 sur les derniers bohêmes de Montparnasse : Soutine et Modigliani.

Leur amitié dura 5 ans. Elle fut réelle, faite d une origine commune… Juive, pour Modigliani… une bourgeoisie aisée, Et pour Soutine, une famille pauvre en Lituanie.

Modi revendiqua sa judéité, et Soutine s’y définit à un moindre degré. Mais les deux se comprirent, comme immigrés ayant cherché dans la France une terre d accueil, dans les années après la première guerre, et un lieu où faire jaillir leur immense talent.

Mais ce fut dur, et ils vécurent pauvrement, à la Cité Falguière, près de Montparnasse, et fréquentèrent les bars du quartier, en particulier la Rotonde.

Ils furent les représentants d’une vie de bohème, rencontrant d autres peintres et écrivains, Picasso, Foujita, Kisling, Chagall, Max Jacob, Apollinaire.

Après le travail, Modi et Soutine trouvaient de l’amitié en compagnie des autres, et les soirées se terminaient par des verres d’absinthe ou autres alcools aptes à les aider, tous, dans cette vie difficile.

J’ai pensé à ma grand-mère Ida, née Lapidousse, fille de l’antiquaire de la rue Vavin. Elle était une belle slave aux yeux bleus et aux pommettes saillantes … Modigliani fut-il sensible à son charme… Toujours est-il qu’il lui arriva de franchir la porte du magasin pour essayer de troquer quelques dessins ou toiles contre quelques sous pour manger, boire…

Jusqu’au jour où il se fit jeter par le père… disant à sa fille de ne plus laisser entrer les mendiants.

J’en veux à mon aïeul pour sa cruauté et son manque de sens artistique.

S’il avait su que son arrière petite-fille était une grande admiratrice de Modi et Soutine…

Et puis, il y eut l’histoire de l’immeuble de la rue de la Grande Chaumière, qui a appartenu à la famille, mais que la dite Ida dut vendre, pour permettre à son mari et ses frères de faire tenir la compagnie Franco canadienne, une entreprise d’abord florissante de fourrures, puis déclinante, avec une période moins prospère pour les entreprises de luxe.

Je me suis toujours imaginée que c’était l’immeuble où tous les grands peintres se sont formés. Je n’en suis plus si sûre… Peut-être était-ce un autre immeuble…

Mais ce qui est certain, c’est que j’aurais aimé vivre à Montparnasse, à cette époque, être avec avec ces peintres de l’École de Paris, à la Rotonde, à discuter s il y a un Art Juif ou non…

Je suis à Montparnasse, j’aime aller à la Rotonde, et je peins…

Mais l’âme n’est pas là. Alors, parfois, au gré d’un livre sur cette époque, d’un film, ou de la contemplation des tableaux de mes deux peintres préférés, je m’imagine être des leurs, je prends un pinceau…

Et je me surprends à me poser la question… Est-ce que je fais de l’art juif…

C’est quoi… L’âme juive. Mon âme est juive… Oui… Et ce que je fais… avec ma pulsion? Y a t-il quelque chose de l’art juif. L’Âme juive, l’Art juif…

© Dominique Itzkovitch

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Dominique Itzkovitch

Psychanalyste, Politologue, Dominique Itzkovitch a créé le THINK TANK DEVENIR, qui se veut un centre de réflexions interdisciplinaires sur les grands problèmes de société et de démocratie face à un monde en perte de valeurs démocratiques et en butte à des questions majeures de société.

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3 Comments

  1. Très beau texte de Dominique Itzkovitch, qui en quelques mots fait revivre toute une époque.
    Et bien sûr sa question pertinente : Y a-t-il un art juif ?

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