Paula Benichou a lu pour vous “Histoire du fils” et “Lambeaux”

La femme du bitume, nourrie pour l’essentiel de littérature somme toute assez classique, quitte parfois sa zone de confort dans les rayons des librairies et musarde en terre inconnue, quand elle est en manque d’inspiration , et rapporte de temps à autre des pépites littéraires qui résonnent un certain temps dans sa mémoire de lectrice assidue.

Ces derniers jours, sans le vouloir, je me suis aventurée, de nuit, dans le monde paysan d’avant-guerre, celui de la nuit des temps, sans les clameurs et les fureurs de la modernité, le temps du silence.

Deux livres centrés sur des destins où la tragédie intime le dispute à la résilience.

Dans « Histoire du fils » de Marie-Hélène Lafon, et « Lambeaux » de Charles Juliet, le lecteur est immergé dans l’univers âpre et taiseux des paysans de Maupassant, personnages asséchés par la misère, le travail harassant de la terre, les secrets de famille, les chagrins muets, mais traversés aussi par le mirage d’un « autre monde », la ville, ultime promesse de liberté, d’éducation, d’expression de soi.

« Je crève

Parlez-moi

Parlez-moi

Si vous trouvez les mots dont j’ai besoin

Vous me délivreriez

De ce qui m’étouffe ».

«  Dans cet hôpital où tu te trouves, la mortalité augmente. Chaque matin, en ouvrant le portes, les surveillantes ont un mouvement de recul. Les salles sentent le cadavre. Un de ces matins-là, un jour de juillet- tu viens d’avoir trente-huit ans- on constate ton décès. Tu es morte de faim. »

Lambeaux de Charles Juliet.

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Et Paris, ville-lumière, où Gabrielle, l’héroïne de Marie-Hélène Lafon, s’émancipe de sa condition scandaleuse et inavouable de fille-mère, Paris où le fils retrouve les traces d’une dignité retrouvée de la mère, et celles de l’indignité de collabo du père naturel, jamais repenti. André, le fils, élevé dans la pudeur et la générosité d’une famille de paysans auvergnats, qui surmontent la « tâche » sur l’honneur de leur famille, lui préférant la douceur de l’innocence du « fils ».

« Les yeux gris-vert d’André, ses yeux d’océan, Juliette avait lu ça dans un roman au début de leur mariage et l’expression était restée entre eux comme une caresse. Ses yeux d’océan sont ceux de Gabrielle, d’Hélène, de Claire, la cousine du milieu, sa sœur de cœur. Gabrielle ne faisait pas l’unanimité dans la parentèle élargie. André se dit qu’il faut sans doute être de sang pour comprendre et accepter cette dévotion sourde et indéfectible qu’Hélène et les siens ont toujours nourrie à l’endroit de la Parisienne, qui apparaissait, disparaissait, n’élevait pas son fils, faisait mystère de tout et riait pointu avec ses trois nièces sous la tonnelle de glycine au fond du jardin, les soirs d’été. »

Lambeaux, Charles Juliet, Gallimard

Histoire du fils. Marie-Hélène Lafon. Buchet/Chastel Editions. Prix Renaudot 2020

© Paula Benichou

Paula Benichou

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