Le Français de Tunisie et le racisme anti-juif

L’image du Juif dans la presse de droite et d’extrême droite des années 1920-1930 était une image négative, très négative même. Les Israélites étaient très mal perçus car différents des Français de souche « par leurs traditions et leurs aspirations profondes », et donc étrangers à la France.

Elie Cohen Hadria

Le racisme anti-juif était largement répandu dans tous les milieux français de Tunisie. Il était plus virulent et agressif même chez les nationalistes et l’extrême droite. Elie Cohen Hadria confirme, dans ses Mémoires, l’existence de ce sentiment antisémite et de la judéophobie en milieu français :

« Nombreux étaient les Français de Tunisie qui étaient antisémites. Les uns ouvertement, insolemment… D’autres, de manière plus insidieuse et surtout plus inconsciente, qui se révélait parfois par leur comportement quand ils s’adressaient à des Juifs. Un ton quelque peu condescendant et protecteur… et quelquefois plus humiliant et plus vexant. »

Il est vrai que les Français d’extrême droite ne cherchaient pas à cacher leur haine du Juif. La rédaction de La Voix Française, du 21 novembre 1920, lance un appel aux Français pour faire bloc face au « péril juif » et reconnaît sans rougir le racisme anti-juif en ces termes :

« Nous sommes, parce que Français nationalistes, antisémites. Nous ne pratiquons pas un antisémitisme farouche, consistant à organiser des pogroms, mais nous organiserons l’éducation anti-juive des Français en signalant à leur attention les desseins infernaux d’Israël.

« Nous ne tolérons pas de ce fait que les Juifs s’occupent de notre politique, ou qu’ils en soient les inspirateurs occultes. Nous ne pratiquerons à leur égard les lois de l’hospitalité qu’après une sévère sélection, et tant qu’ils le mériteront, mais avec défense expresse d’en abuser, comme malheureusement le cas s’est trop souvent présenté. »

LA FRANCE AUX FRANÇAIS

Dans la presse nationaliste, le Juif « cet éternel profiteur », cet être « cupide », « ce produit inférieur des races humaines », était présenté comme un « spéculateur né », l’usurpateur des « places dues aux Français » dans l’administration. Ce peuple « crapuleux », était monté à l’assaut de la Régence, pays « particulièrement infesté du virus juif ». On se plaignait, en effet, de ce que :

« toutes les branches du commerce et de l’industrie sont judaïsées, toute la presse est à la solde d’Israël. Ils ont l’or, et ils font l’opinion. La conclusion de tout cela est très simple : nous sommes les esclaves des Juifs. »

Les autorités coloniales étaient prises à partie par la presse nationaliste. Elle leur reprochait leur libéralisme envers les Juifs, d’ignorer et surtout de feindre « le péril juif » qui menaçait les intérêts vitaux des Français de souche. Déjà, le 31 octobre 1920, André Nicolaï s’érigeait, dans un article intitulé « L’action juive en Tunisie », publié par La Voix Française, contre la transformation de la Tunisie en une colonie juive en écrivant ce qui suit :

LA TUNISIE A LA FRANCE

« Quarante ans ont suffi pour voir dominer dans un pays ceux qui par tradition y étaient esclaves. Aujourd’hui, toute la tourbe fangeuse des cohortes mélano sémites, quitte ses quartiers ancestraux, et comme une masse mouvante aux effets vampiriques, envahit la ville européenne. »
Le Gouvernement est vertement critiqué car il « ne cherche d’aucune façon à enrayer les effets de la marée juive. » Treize ans plus tard, c’est au tour de L’Echo de France du 1933 de reprocher à la plus haute autorité française de Tunisie, c’est-à-dire le Résident Général, de s’ingénier « à combler tous les vœux des Israélites et se conformer à leurs moindres désirs. »

Ayant « une identité douteuse » ( Le Réveil National ), « une abjecte mentalité », de « louches instincts » et portant en eux « la trahison », les Juifs étaient accusés d’éprouver « de la haine pour nous Français du pays réel.” ». Les « Nationaux », c’est-à-dire les vrais et bons Français, les Patriotes de la Régence, devaient se mobiliser, et surtout se regrouper pour contrer les projets « diaboliques » des Juifs, ces « cavaliers invisibles du cheval de Troie. ». Denys Aréna, accusait dans un article intitulé « La France aux Français » publié par La Voix Française, «la juiverie sournoise » de contrecarrer les bons Français dans leur « noble voie de régénérescence nationale. » À la fin de son article, il lance un slogan qui sera toujours repris : « La France aux Français, La Tunisie à la France ».

La question juive en Tunisie était débattue lors des rencontres et des conférences organisées par les groupements de droite et d’extrême droite. Les intervenants arrivaient difficilement à cacher leur méfiance à l’égard du Juif et surtout leur antisémitisme. Ainsi, au cours d’une réunion de la section du Parti Social Français de Sfax, tenue au cours de mai 1939, l’orateur déclara que son parti « se dresse contre les Juifs lorsque ceux-ci se proclament les premiers citoyens de la nation. »

Toute la presse de droite et surtout d’extrême droite qui allait envahir les kiosques dans les années 1930, (parution de L’Echo de France en 1932, du Réveil National en novembre 1936, etc.), se faisait l’écho d’un antisémitisme de plus en plus virulent et agressif. Cette presse reprochait aux Juifs de Tunisie de rejoindre en masse les partis de gauche et de financer leurs journaux :

« Il faut savoir, écrit L’Echo de France du 1933, que les Juifs de Tunisie ont jusqu’ici rempli en masse les cadres locaux du parti socialiste SFIO, qui serait squelettique en ce pays s’il était réduit aux seuls militants français.

L’internationalisme et le pacifisme ont leur appui constant et c’est grâce à leur réclame, à leurs subsides que Tunis Socialiste peut prêcher chaque jour l’antimilitarisme et la haine du nom français. »

Ce n’étaient pas les Juifs restés tunisiens, mais surtout ceux ayant obtenu la nationalité française qui étaient visés par les attaques des nationalistes français. Ceci nous conduit à évoquer la question de la naturalisation et les prises de position des groupements français de droite pour contrer la politique menée par les autorités métropolitaines et coloniales dans ce domaine.

Source CRIF

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