Michèle Chabelski. 6 janvier. Chronique, suite

Bon

Mercredi

Résumé des épisodes précédents

Lena a été opérée de l’appendicite en urgence..

Paul, appelé avant son entrée en salle d’opération cherche une lune et des étoiles à accrocher au chariot qui l’emmène, pour l’assurer de son amour et la rassurer dans cette houle d’angoisse qui nous engloutit tous..

Elle demande la réconciliation de ses parents.

Paul me regarde : la supplique de la petite balaie le choix.

Je ferme les yeux silencieusement en signe d’assentiment..

J’aurais, je crois accepté de me faire Hara-Kiri.

Mais c’est presque pareil.

La suite

L’intervention s’est bien passée. Après un court séjour en salle de réveil, Lena a été reconduite dans sa chambre où Paul est revenu cueillir son premier sourire.

Je rentre retrouver Melissa et tâcher de trier les émotions de mon cœur en miettes..

Le sas de décompression où s’épanouissaient mes espérances d’une vie prochaine nouvelle s’est transformé en geôle..

J’ai fini par arracher les fils de la petite lumière verte qui pendouillent désormais piteusement..

Il est envoûté par la créature qu’il a installée à une encâblure de chez nous depuis qu’elle a quitté sans se retourner mari et enfants..

Enfants ??

Une fille et deux garçons qui pèseront leur poids de testostérone dans la balance..

Un beau petit garçon chez toi mon fils, est chez elle, mais il s’appropriera le package dans une compensation névrotique de mon incapacité à lui offrir le fils rêvé..

Mais la lumière verte de l’espérance, même arrachée de la prise qui l’alimente, est un phénix capable de renaître de ses cendres.

Elle repapillotera quelques jours, mais Paul s’attachera à l’étouffer sans trop d’efforts dans la tempête où je tangue entre une irréparable lucidité sur le monde perdu et un irrésistible éblouissement sur celui à venir..

Pour l’heure, il rentrera, tard, épuisé, et s’endormira dans le lit dit conjugal où il a rapporté son oreiller ..

J’attendrai en vain le mot, le geste, qui pourrait réparer le cataclysme affectif, reconstruire la maison familiale mitraillée par la brutalité de l’adultère et qui gît dans l’éboulis d’un passé agonisant..

J’ai eu plusieurs fois Jacques en ligne, à qui je n’ai encore rien dit de la promesse arrachée au bord de l’angoisse partagée avec Paul..

Il le faudra bien pourtant.

Et vite.

Car les portes de la prison conjugale se sont refermées au retour de Lena, plus de week-ends sur les terres de Sologne embrasées au soleil couchant, plus de regards complices devant le châtelain compassé qui me propose une gorgée de son vin dûment maturé dans un étincelant fût de chêne verni et à qui je répondrai non merci je ne bois pas de vin… Une main sur la bouche pour dissimuler le rire et la chaleur du regard bleu qui remplace celle de l’alcool..

Plus de nuits aussi étoilées sous la voûte céleste qu’au ciel de lit où crépite le brasier d’un enchantement longtemps déserté..

Plus de dîners fins où sous la lumière tamisée brille le feu d’un regard bleu avide et affolé..

Affolant aussi..

Plus de papiers glissés subrepticement dans mon sac où sont tracés d’une écriture délicate les mots troublants d’un poème ardent..

Expositions, concerts, films, ces nourritures de l’esprit crayonnées des feutres pastel d’une indestructible connivence, vais-je devoir y renoncer comme une Ursuline ayant prononcé d’irrévocables vœux ?

Il faudra bien expliquer la nouvelle donne.

Une vitrine conjugale derrière laquelle macèreront mensonges et petits arrangements d’un côté et allégeance aux vœux vertueux de l’autre dans une fidélité quotidiennement ébranlée par l’amour et les regrets..

On verra bien si ça peut résister ..

En attendant il faut dire la vérité..

Quels mots trouver devant le regard incrédule et vacillant, la lividité inquiétante, le silence tragique ?

Quels mots trouver pour remplir le gouffre de sidération et d’incompréhension qui s’ouvre sous ses pieds?

Quels mots trouver pour répondre aux pourquoi, pourquoi, mêlés de larmes amères, écho du ruissellement torrentiel qui me ravage les joues?

N’empêche..

Une promesse est une promesse..

Enfin dans mon paradigme perso qui conjugue fidélité et parjure interdit..

Je ne mettrai pas beaucoup de temps à comprendre la duperie, et ce simulacre de mariage donnera un goût de fiel au potage conjugal..

Conjugal étant un bien grand mot pour définir les heures aigres qui couvrent de poussées éruptives les journées passées ensemble…

Les enfants flairent les brandons de guerre..

Le restaurant du dimanche midi où il traîne sa famille dans une sortie expiatoire de ses péchés luxurieux, figure longue et blême qui tamise les rires des enfants, me laissera une cicatrice cuisante creusée par l’exaspération d’un propriétaire soumis à l’astreinte de l’inévitable balade dominicale d’un clébard malencontreusement adopté..

Combien de temps peut-on tenir entre douleur présente, regrets du passé et rêves d’avenir ?

Moi je sais..

Vous, pas..

Mais rien n’est perdu puisque vous pouvez revenir lire la suite de l’histoire demain…

Alors on dit….

Demain ?

Même heure ?

Même endroit ?

Que cette journée signe l’arrivée des gants et des bonnets sortis de la naphtaline pour résister aux frimas glaçants..

Je vous embrasse

© Michèle Chabelski

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