Michèle Chabelski. Le régime communiste est instauré à la maison, La pute et la nonne

Résumé des épisodes précédents

Le ménage Cohen cohabite avec ses deux petites filles.

Un week-end par-ci, une semaine de vacances par-là, un dîner d’affaires partagé, un anniversaire où on se retrouve – moi Paul, toi Michèle.

La suite

Il existait dans le bien aimé régime soviétique un système d’appartement communautaire et même de lit collectif.

Ça signifie qu’au moins deux personnes louaient le même lit dans un coin de l’appartement, leurs horaires décalés leur permettant d’occuper la couche à tour de rôle.

On savait gérer l’espace sous Staline.

Pourquoi j’évoque ça?

Parce qu’il m’arrive de penser, au regard de l’espace conjugal partagé, de songer qu’un petit lit communautaire suffirait à notre bonheur, puisque nous l’occupons bien souvent à tour de rôle.

Je m’en ouvre à Paul.

Que cette analyse- pourtant fondée sur des faits réels, loin de moi l’idée de trafiquer la vérité- contrarie profondément.

Ce garçon ne connaît rien à l’histoire passionnante de l’URSS.

La guerre froide est terminée, l’URSS aussi, le quotidien des citoyens du paradis ex-communiste le laisse de marbre.

C’est là que je comprends que nos communautés sont parallèles et ne se rejoindront jamais.

Moi fille de moujik[1].

Toi fils du soleil et du jasmin[2].

Nous en étions au baptême de Melissa qui fut moins féérique que celui de Léna mais plus intime et plus affectif.

A l’aune de l’attente, le quota était dûment respecté.

Shoshanna fut présentée au Très Haut qui l’adouba comme membre à part entière de la communauté, acceptant de fermer les yeux sur le prénom initial de cette créature qui laissait entrevoir le mystère enfoui sous la soie de sa jupe fendue.

Mélissa fera mentir la chanson.

Sage, presque puritaine, elle n’offrira ses secrets qu’aux privilégiés soigneusement choisis. Elus presque.

En attendant la vie continue, ma garde prétorienne se rapprochant de plus en plus pour m’aider à tenir debout…

Copines tendres et raisonnables, copains blagueurs et chaleureux, leur affection ceinture mes éboulements persos, les enfants sont petites, il est urgent d’attendre chantent ceux qui m’aiment.

Papa ne dit rien.

A ma gauche, deux petites filles serties dans un écrin de velours douillet, à ma droite une jeune femme qui attend son Godot éthéré, qui peut anticiper un avenir pour l’instant crayonné d’ombres grises?

Et puis un dîner s’annonce, on nous présente un couple de parents dont les enfants fréquentent la même école que les nôtres.

Ca alors!!!

Leurs deux fils partagent les mêmes bancs que nos deux filles.

C’est drôle, n’est-il pas?

Il est.

Il est même désopilant.

J’ai pour l’occasion troqué ma robe rouge pour une grise qui me bat les mollets, je la joue bourge sage, mère modèle, épouse vertueuse qui ne montre ses genoux que le soir à la lueur de la chandelle qui signe le couvre feu.

Pas le nôtre d’aujourd’hui.

Un autre, symbolique, celui là.

Bref …

Une sorte d’Alma Mater[3], qui tente de donner au couple Cohen les couleurs d’une sobriété parentale et sociale propre à cacher les ébréchures conjugales.

C’est lui le pêcheur, et c’est moi qui m’habille en nonne, comme pour expier ses fautes à lui.

Alors que je n’hésite jamais à exhiber mes genoux dans de ravissantes mini jupes qui consternent belle maman et son vertueux fils.

Patatras!!

Mauvaise pioche.

Le mari, le docteur B, est d’une beauté à couper le souffle.

Très grand, mince, athlétique, le visage légèrement doré par les brumes parisiennes, mâchoire carrée, les yeux lapis lazuli, je me demande s’ils l’ont sorti des pages de Play Boy pour l’installer sur ce canapé, levant son verre avec grâce dans un sourire aussi chaleureux que ravageur.

Ils l’ont peut-être loué pour la soirée à une société de production hollywoodienne.

Sa femme est une pâle blonde, relativement mince, assez fade, qui tente d’éclipser l’éclat de son mari par une robe presque entièrement transparente.

Je me dis que Adonis[4] doit être sacrément radin pour n’avoir offert à sa femme qu’une seule épaisseur de mousseline.

Elle se lève souvent, virevolte, vibrionne, senza vergogna , dans ses atours maigrichons qui ne dissimulent aucun secret de son anatomie.

Je suis gênée pour elle.

Je ne le devrais pas, elle semble très à l’aise, brûlée par le regard tétanisé de Paul Cohen statufié sur son fauteuil, la coupe immobilisée dans sa main tremblante.

On dirait un bal costumé.

La pute et l’abbesse.

Toi Messaline

Moi Carmélite

Toi Ursula

Moi Ursuline

Bref…

Le dîner roule d’abord sur les enfants, c’est l’objectif premier de la rencontre, enfin c’est ce que je crois, l’Apollon chante les chansons apprises à l’école par nos petits écoliers, le bougre n’est pas que beau, il est drôle aussi, puis bien sûr arrivent les cavaliers de l’Apocalypse, Mitterrand et ses sbires qui nationalisent même les cliniques, le médecin dit qu’il va partir, sa femme dit qu’il n’y a pas d’urgence avec le ton d’une poissonnière vendant ses dorades à la criée au petit matin.

Quelque chose de faubourien leste sa voix, ses gestes sont néanmoins très étudiés, des heures de répétition devant la glace sans doute, jambes haut croisées, poitrine en avant- poste, cigarette pincée entre deux doigts manucurés, elle connaît les secrets d’alcôve de tous les présentateurs de télé, une aubaine pour les maîtresses de maison qui cherchent l’archétype d’une Suzette ayant gagné ses galons à la sueur de ses seins.

C’est un gadget utile aux autres femmes qu’elle met royalement en valeur.

Paul en fait des tonnes, dans le registre # je suis ptet moins beau que lui mais je suis plus riche#.

Elle n’en perd pas une miette.

Des dollars, des livres, des pesos dansent devant ses yeux.

Pas de roubles, non.

C’est moins porteur.

Pour l’heure, Paul est fasciné, moi je m’ennuie un peu, les grimaces du playboy ont fini de m’amuser.

Mes yeux deviennent une supplication muette devant Paul qui ne voit rien, je bâille ostensiblement la main devant la bouche, une invitée dit Michèle est fatiguée, je rebondis d’une voix agonisante , je me fais enjôleuse, on rentre, chéri? Il est tard.

Chéri n’entend rien d’autre que la voix traînante de la sirène qu’il prend pour le chant de Circé, je commence à saturer,  je me lève, ça le réveille, merci de cette merveilleuse soirée, le dîner était exquis, vos amis délicieux, dites à son mari de lui offrir une vraie robe pour Noël, quelle chance nous avons eue, merci, merci.

J’ai hâte d’ôter ma robe de bure, chanoinesse d’un jour, j’ai raté le dress-code de la soirée, à poil et pis c’est tout.

Jalouse, moi?

Vous n’y songez pas.

Il m’appelle d’une voix pressée quelques jours plus tard, m’enjoignant de prendre un papier et un crayon, ça y est? T’as de quoi écrire? Soupir de soulagement, bécassine a compris l’ordre.

Note.

Il m’indique une adresse où je ne suis jamais allée, me donne une heure de rendez vous, comme je suis drôle je dis c’est un lupanar ?

Je n’aurai pour réponse que le clic du téléphone qu’on raccroche.

Je me prépare, je connais cette rue, mais pas ce numéro, je…

Ben quoi?

Vous pensiez que la Harlan Coben de l’ouest parisien allait vous révéler la suite du…

J’en ris encore.

Quelle naïveté!!

Mais, amis lecteurs, insulteriez vous copieusement l’initiateur d’une série à épisodes ?

Alors de grâce, manifestez-moi la même indulgence.

Et revenez demain si vous voulez.

Je serai là.

Que cette journée signe l’entraînement nécessaire à ce nouveau sport: être rentré avant 20h.

Je vous embrasse

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La vieille dame et le majordome

Résumé des épisodes précédents

Les Cohen, et les B, un chirurgien esthétique et sa femme, se rencontrent à un dîner organisé par une amie commune. Leurs enfants partagent la même école et il semblait indispensable à l’hôtesse de mettre en relation ces parents d’élèves.

Il n’est pas beaucoup question d élèves ni d’écoles lors de cette soirée où l’épouse du médecin effectue une lascive danse des sept voiles , vêtue d’une robe complètement transparente, devant un Paul statufié de sidération et de désir.

Le loup de Tex Avery ne fit pas mieux que Paul ce soir là.

Red Hot Riding Hood, le Petit Chaperon Rouge de Tex Avery, qui plongea le loup dans une renversante transe d’excitation lubrique par sa danse voluptueuse et lui fit tirer une langue chargée de désir jusqu’à la garde, avait dû servir de modèle référent à la blonde ce soir là.

Le loup Cohen restait muet de saisissement pendant que l’époux me chantait mon âne, mon âne a bien mal à la tête, Madame lui a fait faire un bonnet pour sa tête… la chanson préférée de ses fils.

Je tentai de partager son enthousiasme pour cet ébouriffant chef d’œuvre.

La suite

Nous finîmes par quitter notre hôtesse, Paul en serpent fasciné, moi en abbesse vertueuse dans mon improbable robe grise assortie à ma mine du moment.

La vie reprit son cours et le couple rencontré s’avisant que nous étions d’incontournables piliers de la vie sociale du moment, nous invita chez eux.

Je rechignai, regimbai, mais mon époux doté d’un solide sens des convenances me fit valoir qu’il eût été malséant de refuser, eu égard à nos enfants qui partageaient la même école.

Elle devait posséder une collection de mousselines transparentes puisqu’elle bissa la prestation et que j’en tombai muette d’horreur. Au sens propre!

´tain!!

Est ce que toutes les femmes mariées offrent leurs appas sur le même plateau que les carottes râpées industrielles proposées?

J’en perdis la voix.

Cette histoire m’avait coupé le sifflet.

Voulant répondre à un voisin par souci de courtoisie, je ne pus émettre qu’un souffle qui nous laissa tous deux dans un état de consternation totale.

Je fis une nouvelle tentative.

Même résultat.

Mutisme absolu, un voile d’air en lieu et place du brio et de l’esprit dont j’aurais voulu éclabousser la tablée.

E basta cosi

Enough is enough

Je levai le camp au dessert en mimant l’accident avec force gestes et grimaces, suivie d’un Paul déconfit que cette soirée réjouissait grandement.

Je rentrai chez moi, retrouvai immédiatement ma voix pour répliquer à Paul qui m’accusait d’avoir usé de talents de comédienne peu communs.

Une comédienne sans voix? Pourquoi pas une patineuse sans jambes? Ou un boxeur sans bras?

Une odeur de moutarde me chatouillait les narines, je déclarai l’incident clos sans faire allusion à Tex Avery, et partis me coucher, heureuse d’une guérison si expéditive et radicale.

A quelque temps de là, je reçus cet appel dont je vous ai déjà fait part.

Rendez-vous à la rue Machin Chose à 15 heures.

Ne passez pas par la Case Départ.

Ne recevez pas 20000 francs.

En vrai, une adresse indiquée comme d’habitude d’une voix pressée.

Je me rends au rendez-vous où je découvre un immeuble cossu.

Les portes de l’ascenseur couinent un peu.

Un monsieur grand et raide m’ouvre la porte avec componction.

Votre mari est déjà arrivé.

Il me conduit vers un grand salon où Paul se lève pour m’accueillir.

Monsieur Martin va te faire visiter, moi je l’ai vu.

Visiter quoi?

Voir quoi?

Le monsieur me précède d’un air compassé dans un dédale de couloirs sur lesquels donnent des pièces décrépites, la chambre, la salle de bains, une salle de bain, ça?

Faut une combinaison de scaphandrier pour entrer là dedans sans dommage.

Nous avons tourné dans cet appartement escargot pour nous retrouver à notre point de départ où Paul m’attend, déjà pressé.

Nous remercions le général, il m’a fait cette confidence au détour d’un sombre corridor, et gagnons chacun notre voiture.

Alors?

Ca te plaît ?

C’est pourri

Oui faut envisager des travaux.

Mais ça te plaît ?

Oui.

J’ignorais qu’il prospectait, vu le marigot dans lequel clapotait le ménage Cohen.

Nous apprendrons d’un appel sec que le monsieur a changé d’avis, qu’il ne vend plus, en tout cas pas à des possesseurs d’enfants en bas âge qui vont courir bruyamment partout et seront une nuisance pour cet immeuble par ailleurs bien fréquenté.

Dont acte.

Nous apprendrons quelques jours plus tard que le même appartement se vend à l’étage inférieur.

Retour sur les lieux du crime.

Un monsieur nous ouvre la porte, dont nous apprendrons qu’il est le régisseur de Madame.

Madame vous attend.

Il nous conduit vers un petit salon, inutile d’user le grand, et nous découvrons une dame, recroquevillée sur un fauteuil .

Une dame, probablement un rien plus âgée que Mathusalem…

S’il y avait aux Jeux Olympiques une discipline où l’on dispute la médaille d’or de la saleté, elle l’emporterait haut la main avec les félicitations du jury.

Vêtue d’une robe noire raide de crasse où ne se trouve plus de place pour accueillir la moindre nouvelle tache, elle nous observe d’un regard de vautour et tend à Paul une main molle qu’il honore d’un cérémonieux baise main.

Un baise main !!! Il connaît maintenant les belles manières.

Elle me tend une main sèche et sale, que je secoue avec effusion.

Ronald va vous faire visiter.

Mais je vous préviens : je ne vendrai pas à n’importe qui!

Elle aussi !!

C’est une tradition dans cet immeuble ?

Mettre son appartement en vente et refuser in fine de le céder?

Paul regarde la vieille avec un sourire enjôleur.

Nous ne sommes pas n’importe qui.

Du Carreau du Temple et d’Oujda, la route fut longue et accidentée pour gagner les quartiers huppés de la capitale, on peut dire qu’on est arrivé ici à la sueur de notre front.

Enfin surtout celle de Paul.

Genoux écorchés, cœur ébréché, écueils, chausse-trappes, embuscades et souffrances de toute nature ont jalonné ce chemin de croix qui mène au pont branlant sur lequel nous tanguons aujourd’hui, et voilà que nous caressons un projet commun propre à entailler l’étoffe sombre qui obstruait notre horizon devenu de moins en moins commun.

Non Madame.

Nous n’étions pas n’importe qui.

Visite des lieux , encore plus malpropres que ceux du dessus que nous connaissons déjà, et retour vers la dame.

Paul s’incline.

Lui saisit la main.

L’embrasse avec chaleur.

Plus un baise-main, non, il embrasse vraiment la main crasseuse de la semi-clocharde dont nous avons appris de la bouche du régisseur qu’elle possédait la moitié des immeubles élégants de l’ouest parisien.

Et quand je dis la moitié… c’est peut-être même un peu plus, ajoute-t-il d’un air de conspirateur.

Elle vend tout, elle n’a pas d’enfant et veut constituer une fondation.

Paul entre deux baisers la félicite de son bon goût, de sa créativité de décoratrice, de son stupéfiant sens des affaires, de son généreux projet caritatif.

Elle l’interrompt :

Vous n’avez pas d’enfant, j’espère?

Signe de dénégation outragée.

Nous?

Nous avalons notre salive.

Pas du tout.

Parce que vous comprenez, je ne souhaite pas vendre à des petits boutiquiers qui ont des enfants mal élevés.

Nous nions avec empressement.

Non seulement nos enfants ne sont pas mal élevés, mais en plus, nous n’avons pas d’enfants.

Et je voudrais être sûre que vous ne toucherez à rien.

J’ai habité plus de quarante ans ce lieu avec mon défunt mari, il est rempli de souvenirs et je ne voudrais pas qu’on brise ce passé.

La main sur le cœur nous promettons.

Cette crasse, cette rouille, qu’elle appelle patine, ces fils qui pendouillent, cette pourriture environnante dans un décor d’aristo ruiné, jamais nous n’y toucherons.

Paul se redresse.

Jamais répète-t-il avec solennité.

Jamais dis-je, en épouse solidaire.

Elle sourit enfin.

Pas d’enfant, respectueux de l environnement calamiteux, nous avons le profil idéal .

Le régisseur vient nous annoncer que Madame est fatiguée, qu’il serait temps de lever le camp et de requérir un éventuel second rendez-vous.

Tout juste s’il l’appelle pas Sa Grâce.

Sa Crasse plutôt.

Bon …

Dans le large escalier que nous empruntons pour éviter les gémissements de l’ascenseur plaintif, il m’informe d’un ton désinvolte :

Tiens je ne t’ai pas dit qu’il y a quelques jours.

Que s’est-il-passé quelques jours auparavant ?

Ben …

Nous sommes lundi.

Revenez donc mardi si vous voulez savoir ce qui…

Que cette journée qui préfigure une semaine pluvieuse vous soit active dans les derniers achats précipités de Noel ou vous aurez l’autorisation de renouer avec un dîner postérieur à 20h.

On en frissonne d’excitation.

Je vous embrasse

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La bimbo et la crasseuse (22 Décembre)


Résumé des épisodes précédents

Les Cohen viennent de visiter un appartement dans un quartier chic de l’ouest parisien.

La propriétaire, une clocharde crasseuse milliardaire, souhaite monter une fondation et se montre pointilleuse sur la nature de ses futurs acheteurs.

Deux critères prévalents:

Ne pas y installer d’enfants, cette infâme et inutile engeance sale et bruyante.

Les enfants ne sont pas tous…

Elle me jette un regard perçant.

Non mais de toute façon nous n’avons pas d’enfants.

Pardon mes chéries, pardon, je ne révélerai jamais cette immonde trahison parentale, comment a-t-on pu?

Ben on a pu, ça c’est sûr.

Promettre de ne pas profaner ce mausolée de crasse et de rouille par d’intempestifs travaux de rénovation.

La main sur le cœur, ils jurent.

Des enfants ? Doux Jésus! Jamais !!

Des travaux ? Grands dieux!

Irait-on installer un marteau piqueur , une ponceuse, une visseuse, une perceuse, des sacs à gravats , un compresseur ou une pompe à peinture au château de Chambord par exemple ?

Bien sûr que non.

Ben là c’est pareil

Un petit lessivage symbolique et le tour est joué.

La vieille est satisfaite.

Son régisseur vient annoncer qu’il faut lever le camp, elle est fatiguée et c’est l’heure de la bouillie de quatre heures, un nouveau rendez-vous est organisé.

Les négociations vont commencer .

La suite

Nous redescendons à pied les larges escaliers moquettés de rouge, Paul est d’humeur guillerette, léger, disert, et m’informe dans un sourire tu ne devineras jamais qui j’ai rencontré l’autre jour par hasard.

Par hasard a pour but de souligner qu’il s’agit bien d’une rencontre fortuite.

Même si rencontrer par hasard est une tautologie, on ne va pas pinailler sur la faute grammaticale.

Qui?

Chantal B

Qui?

Tu sais bien, Chantal, avec qui on a dîné il y a quelques semaines.

Elle attendait un taxi, alors je l’ai raccompagnée.

Elle portait un très joli tailleur blanc, ajoute t il , pensif, déjà plongé dans ce duvet de satin qui lui caresse le cœur quand il parle d’elle.

Et alors?

Ben on pourrait les inviter.

Pour quoi faire ?

Parce que ce sont des gens adorables, que nos enfants vont à l’école ensemble, qu’il est d’usage de rendre les invitations.

Est-il aussi d’usage d’organiser un bal lubrique, une exposition publique de mamelles pâles offertes au regard concupiscent de mecs grisés d’envie ?

Ben réfléchis, ajoute-t-il sèchement.

J’aimerais pas qu’on passe pour des gougnafiers.

J’adore le on de solidarité conjugale.

Et le hasard, toujours espiègle et mutin, poste près de moi à la sortie de l’école une Chantal volubile qui agite ses cheveux jaunes en ponctuant ses bons mots de rires tapageurs, en décolleté vertigineux et talons hauts qui provoquent les sourires entendus des mamans présentes en jupe sage et mocassins plats.

Elle se colle à moi, parle fort, vibrionne, accueille ses enfants étonnés d’étreintes bouillonnantes comme s’ils venaient d’échapper à l’incendie de l’école, propose un déjeuner , non je ne peux pas, un autre, on verra, scénarise nos adieux en m’enlaçant affectueusement, ouf, le spectacle est terminé, on peut rentrer.

Je l’oublie dans les rendez vous avec la vieille propriétaire où il semble que Ronald le régisseur ait accès à des informations extorquées. Comment dire… en douceur.

En douceur et profondeur comme dit la chanson.

Une secrétaire complète la camarilla, et leurs regards échangés laissent planer peu de doutes sur la nature de leur relation.

Bonnie and Clyde en habits de velours.

La richissime gueuse m’en deviendrait presque sympathique.

D’autant que les rendez-vous ont maintenant lieu dans un bureau clair aux placards de laque blanche qui donnent à l’endroit un air de laboratoire médical qui accentue l’aspect insalubre de la vieillarde qui a enfilé la même robe maculée que celle qu’elle portait à notre précédente entrevue.

Elle doit dormir avec, incapable de se défaire de cette guenille rigidifiée par la crasse.

Papiers, notes, archives, plans, factures jonchent le bureau qui disparaît sous les dossiers poussiéreux, la secrétaire connaît mieux les chiffres que les lettres, Ronald pose de temps en temps une main affectueuse sur le dos de l’ancêtre, ne vous inquiétez pas, Madame, tout va bien.

C’est avant que Madame aurait dû s’inquiéter, il semble que maintenant la messe soit dite, un tunnel de satin a fait transiter ses biens sans anesthésie et sans douleur, mais ce ne sont pas nos affaires.

Et puis Paul s’avise que mes connaissances en matière de négociation se sont bêtement interrompues en CE1, et que mes compétences n’ajoutent qu’une note de gaité à ce qui est devenu le théâtre du sérieux et de la gravité.

Je suis donc tacitement invitée à retourner à mes aptitudes reconnues, constituées de décalcomanies, coloriages et autres laborieux découpages.

Que je réalise sans brio excessif, il faut bien le reconnaître, mais dans un écrin d’amour et de tendresse qui me laisse parfois pantelante de bonheur.

Quoi?

C’est moi qui ai réalisé ces deux merveilles, ces fées célestes qui ensorcellent mon quotidien de perles de joie qui cascadent sur mon cœur ?

Seigneur !!

Je ne sais pas trop qui remercier, les Baroukh Hachem de belle maman me balafrent l’enchantement, je viens d’un monde laïc, moi. Un simple merci docteur ne reflète pas suffisamment la puissance de ma reconnaissance, je cherche encore qui remercier. Si ça se trouve je vais finir par glorifier le Très Haut qui n’existe peut-être pas, va savoir, mais dans le doute…

Certains l’ont exprimé mieux que moi, mais littérature et philosophie n’appartiennent pas à l’arsenal culturel du moment… Moi je suis juste heureuse d’avoir des gosses, voilà c’est tout.

On dit le cœur gros quand on est triste.

Le cœur gonflé d’allégresse quand on est heureux.

Dilatation incontrôlable quand se télescopent des émotions qui vous jettent parfois à terre , les yeux perlés de larmes, bonheur ou affliction.

Ou les deux mélangés.

Paul , qu’on a juste entr’aperçu ces derniers temps, affaires importantes obligent, dame c’est pas en rentrant à 18 h qu’on peut …. – je connais la chanson – m’informe entre deux portes qu’il s’apprête à partir pour New York dans quelques jours.

Il n’est nulle-part fait mention d’une quelconque collaboration, étonnante récusation de mon statut de traductrice homologuée, je tente néanmoins de réfléchir à l’hypothétique contenu de la valise que je vais…

Te casse pas, la belle, t’es pas invitée…

Laisse la valise où elle est et laisse-le.

Le téléphone sonne un matin, je n’ai pas le temps de décrocher, il sonne derechef, apparemment quelqu’un a une urgente nouvelle à m’annoncer.

Je décroche et…

Et…

Ben sérieusement, vous pensiez que??

Je le crois pas!!!

Après tout ce temps passé ensemble, ces émotions partagées, cette amitié germée dans le creuset d’un vécu presque commun, vous vous imaginiez que j’allais ????

Ben le téléphone sonne et je crois bien qu’il va sonner encore un peu si vous m’accordez le plaisir et l’honneur de me retrouver ici même demain mercredi.

On dit même heure ?

Que cette journée signe les emplettes de foie gras et de saumon qui raviront les papilles des convives de jeudi, les huitres attendront le dernier moment..

Je vous embrasse

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Tu pars aussi à New York ? et moi ? (23 décembre)

Les Cohen ont entamé des négociations avec la vieillarde crasseuse en vue d’acheter son appartement.

Ils se sont rendu compte qu’elle était salement escroquée par son régisseur et sa secrétaire, des Bonnie and Clyde nouvelle version.

Un jour Paul annonce à Michèle qu’il part en voyage d’affaires à New York.

Sans elle.

Quelques instants plus tard le téléphone sonne.

La suite

D’un air dégagé je demande à Paul s’il a appris l’anglais en accéléré pendant la nuit.

Car je lui sers d’ordinaire de traductrice, eu égard à l’indigence de sa connaissance de la langue de Shakespeare. Il a appris l’arabe au lycée, que son père considérait comme l’idiome d’un avenir dont il pressentait l’influence sarrasine.

Un visionnaire, cet homme!!!

Bref

Il fait donc appel à mes services et dans la foulée j’assure à ses dîners d’affaires cette touche de féminité et de charme qui édulcore l’austérité de la rencontre.

Entendre une tablée de Russes ou d’Espagnols s’esclaffer à un de mes bons mots lui inspire une conversion immédiate, les rétro commissions étant indexées sur leur hilarité.

Plus ils se marrent et rivalisent de blandices a mon égard, plus il visualise de zéros sur le contrat à venir…

My kingdom for a horse[5] !!!

My wife for a deal[6]!!

Il est en même temps très ambivalent sur ce rôle qu’il me demande de jouer.

Satisfait de l’esprit dont me créditent ses clients par leur enjouement ravi et de l’ambiance bon enfant qui règne autour de la table, il est fier d’avoir misé sur un cheval gagnant, mais jaloux des approches séductrices de ces tycoons grisés de champagne rosé.

Un côté un peu marlou revisité à la sauce juive.

Sa femme pour un contrat, certes, mais…

Ho!!! Manant!

Cesse de la dévisager, c’est une vitrine, un hameçon, pas une proie, on ne chasse pas sur les terres de la puissance invitante. c’est un code tacite de bienséance sociale.

Le code tacite de convenance sociale n’est pas universel.

Les Espagnols, par exemple, respectent une sorte de constitution interne, parallèle aux lois qui régissent le pays: ils sont presque tous bigames.

Une bigamie officielle qui signe le statut social du janissaire du business envoyé par une grosse société, officialisée sans retenue dans le milieu des affaires capable de désolidariser clairement le devoir et le plaisir.

Voyages à l’étranger en compagnie d’une créature du diable, enlacée senza vergogna au dîner où chacun ferme les yeux sur le statut de la dame .

Et puis brusquement, inopinément, on ouvre la porte à Pedro Gonzalez qu’on croit accompagné de Carmen, et c’est Maria Alejandra, Madame Gonzalez, qu’on trouve au bras du signor Gonzalez, couple iconique de l’Intelligentsia espagnole.

Madame Gonzalez la vraie fait un peu la gueule, elle ne comprend pas l’anglais qui est la langue des affaires internationales et baragouine un français approximatif dont elle a oublié les fines arcanes, étudié il y a longtemps dans un couvent castillan.

Si bien qu’on ne sait jamais si on va accueillir Madame Gonzalez ou Madame Gonzalez, car on appelle cérémonieusement Carmen Madame Gonzalez par respect pour son amant qui officie sur les hauts plateaux de la société espagnole.

Bref

Fermez la parenthèse.

Ce doublage des chances a quand même allumé des petites étoiles dans l’esprit licencieux de Paul.

Pour l’heure, le téléphone sonne pour la seconde fois.

Je décroche

Chantal et ses cheveux de paille

Tiens! Que me vaut le plaisir et l’honneur ?

Elle babille, m’écrase d’informations cueillies à la fraîche dans Voici, me détaille le décolleté en V de sa dernière emplette qu’elle ponctue d’un rire niais, puis d’une voix désolée m’annonce qu’une de ses amies , souffrante à New York, l’appelle dans un râle déchirant, et qu’elle part la soulager toutes affaires cessantes.

C’est quand toutes affaires cessantes ?

La, demain.

C’est incroyable !

Paul part aussi pour New York dans quelques jours.

Qui?

Paul

??

Paul! Mon mari!

Ah oui bien sûr..

Tu vas peut être le voir..

Je ne crois pas.. je vais être très occupée avec mon amie..

Il t’appellera peut-être..

Je ne crois pas..

On en est au stade un de la maladie. On ne dit pas encore toute la vérité, le supplice du pal ne fait que commencer..

Je dis à Paul tiens Chantal part aussi à New York..

Ah bon !

Sera la seule réponse qu’il offrira à mes interrogations désinvoltes..

Je savais pas..

Je considère le hasard comme un heureux bienfaiteur pour les élus qu’il couvre de largesses parfois inattendues..

Je n’ajouterai rien à ce départ programmé, il emmène une pouf en week-end prolongé, la belle affaire, je ne vais pas m’abaisser à entrer en compétition avec cheveux jaunes, ce n’est ni la première ni la dernière créature qui chauffera le matelas d’un époux excité par la clandestinité autant que par les œuvres de son accorte escorte..

Je ne vais pas me mettre la rate au court-bouillon, la Carmen Gonzalez du moment sera vite remplacée par une nouvelle Carmen Gonzalez plus jeune et plus mamelue..

Il reviendra, maussade, et quand j’ouvrirai sa valise..

Ben quand j’ouvrirai sa valise… quoi?

Vous voulez savoir ce que j’y trouverai ?

Ben j’y trouverai…

Oh et puis assez pour aujourd’hui..

Demain c’est jeudi, réveillon de Noël, trouvez donc une seconde entre saumon et foie gras pour venir me rendre une petite visite..

Parce que je le vaux bien, nan?

Que cette journée de température agréable vous soit douce, on annonce d’inattendus frimas pour Noel..

Je vous embrasse

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La valise et les facturettes (24 décembre)

Résumé des épisodes précédents

Michele, restée à Paris, a reçu de Paul, parti en voyage d’affaires à New York maints coups de fil lui enjoignant d’organiser avec faste la fête de la Mimouna, qui célèbre la fin de la Pâque juive. Les Juifs ont achevé leur traversée du désert, la manne céleste leur a congrûment permis de se sustenter pendant ce périple, et ayant gagné la Terre Promise, ils peuvent enfin abandonner la galette azyme pour des nourritures plus roboratives.

C’est ce que me rappelle Paul depuis New York où l’ont appelé d’importantes affaires, et il me demande de veiller à organiser cette libération avec le lustre qu’elle mérite.

Tu sais qui inviter, commande les gâteaux et rachète des verres pour le thé à la menthe, on n’en a pas assez.

Du concret, du solide, du concentré de conjugal.

Il a l’air satisfait de la bonne marche de ses entreprises, je ne lui demande pas s’il a rencontré dans la Grosse Pomme Chantal B, que d’importants enjeux appelaient aussi aux Etats Unis.

Le ciel jouerait-il aux Petits Chevaux en posant dans la même case à la même heure deux citoyens français pertinemment retrouvés, vaquant dans la Ville Qui ne Dort Jamais ?

Il me rirait au nez.

Je ne demande donc pas.

Puis Paul m’annonce son retour, inquiet de savoir si les tractations avec la crasseuse pécunieuse vieillarde ont abouti.

Encore du conjugal.

La suite

Le globetrotter, arrivé tôt le matin, me demande de l’aider à défaire sa valise..

Sur le dessus, une pochette de cuir, dont le contenu s’échappe par mégarde, répandant sur le sol un épais paquet de facturettes de Carte de Crédit.

Que croyez vous qu’elle fît?

Ben elle regarda.

Et alors?

Ben elle s’étrangla..

Et alors?

Ben elle vit un nombre substantiel d’achats effectués chez un grand maroquinier français dont l’initiale est un H, puis un nombre conséquent d’achats effectués chez un grand couturier français dont l’initiale est un D, puis..

Bizarre de faire ses emplettes chez des commerçants français quand on est à New York.

Sous la pochette noire, plusieurs chemises couvertes de branches d’hibiscus fushia ou de fleurs de jacaranda bleu violet, des imprimés flamboyants qui éclaboussaient de couleurs les chemises blanches de la garde robe classique du monsieur..

Plus deux maillots de bain indispensables à New York en ce mois d’avril ..

Tu fais dans le marlou maintenant ?

Demande à ton conseiller artistique de s’inscrire à un cycle de rattrapage..

Il marmonne un truc que je ne comprends pas, c’est l’heure de lever Lena pour aller à l’école, j’improvise un nouveau sport matutinal propre à muscler solidement les mâchoires : le serrage de dents appliqué, maxillaires scellés, on inspire, on expire..

Les mots n’essaient même pas de se frayer un passage entre les deux parties de cette opportune soudure..

J’entends la voix de mes potes me soufflant comme au passage d’un coureur haletant : ne lâche rien, avance, avance.. tiens bon..

La guerre des Rose est déclarée (pour ceux qui n’ont pas vu ce film jubilatoire, je le conseille), elle durera longtemps..

Lena s’est jetée au cou de son papa, le mari, la femme et l’enfant, trilogie référentielle de la douceur de vivre en ces années de mitterrandisme déchaîné…

Une image d’Epinal que viendrait fracturer les manœuvres combatives d’une hyène cannibale ?

N’y pensez même pas..

Je me souviens en accompagnant Lena à l’école que j’ai rendez-vous avec la directrice, fervente amateur de puits d’amour..

Munie de mon petit paquet rose ficelé d’or, je pénètre dans l’antre directorial.

La directrice est une fan d’équitation.

Elle monte tôt le matin avant de venir travailler, et me reçoit, exaltée par les endorphines libérées lors de l’exquise communion entre la cavalière et son canasson.

Cheveux très courts, visage nu, elle a la voix de celle qui est plus habituée aux ordres hurlés dans les manèges qu’aux conversations feutrées des salons de thé de l’ouest parisien.

Je dépose mon petit paquet..

Corruption de fonctionnaire, je sais..

Mais je n’ai pas résisté..

Elle sourit .

Nous sommes liées par un passé commun, deux ex-profs d’anglais, inutile de se munir d’un glossaire pour se comprendre..

Bien qu’à vue d’œil, la ressemblance ne saute aux yeux de personne.

Pas grave..

Elle sourit puis reprend son air soucieux.

Lena est une adorable enfant, mais….

Crotte.

Y a un mais.

J’espère qu’elle ne va pas me rendre mon adorable enfant , arc-boutée sur la moquette du salon en hurlant de déchirantes imprécations, puis accrochée à mes épaules dans de bouleversants sanglots tandis que la femme de service me l’arrache, hoquetante, pour l’offrir à la maîtresse et tester ainsi ses compétences pédagogiques.

La routine matutinale, quoi..

Et l’adorable enfant cesse ses vibrantes supplications, sitôt qu’elle a compris qu’elle était là pour quelques heures avant de pouvoir regagner le nid familial.

Deux directrices précédentes m’ont expliqué à quel point les impressionnaient les vibratos de cette douce enfant, mais que non.. vraiment… je ne peux pas..

Dernier essai.

D’où les puits d’amour..

La directrice m’explique alors que mon adorable enfant refuse les injonctions de la maîtresse, qu’elle dessine à l’envi en se préoccupant très modérément de la collectivité, et qu’elle s’assoit au bout du banc où sont installées les instits pendant la récréation qui se déroule dans un parc avoisinant..

Elle ne joue pas, ne parle pas, sauf pour expliquer aux maîtresses qu’elle est confortable sur son banc et n’envisage pas d’en bouger, ce qui lui vaudra le Prix de la Franchise en fin d’année..

Et la directrice m’a donc convoquée pour m’informer de la dissidence préoccupante de la jeune Lena.

Elle souhaite également connaître des détails sur le comportement de l’enfant dans le milieu familial, en louchant sur le paquet de gâteaux qui lui fait de l’œil..

J’explique, la main sur le cœur, que ma fille est un modèle de sagesse et d’équilibre, et ce n’est pas parce qu’elle se nourrit uniquement de jaune d’œuf une semaine et de blanc d’œuf la semaine suivante qu’il y a lieu de s’inquiéter..

Certes, certes, confirme l’émérite cavalière..

J’ajoute que le caractère laïc de l’école qui développe des valeurs en accord total avec mon idée d’une éducation réussie me pousse à y inscrire Melissa qui sera bientôt en âge de bénéficier des lumières de cet établissement si bien géré..

J’ai pas envie qu’elle vire ma fille, vu que l’école est à deux pas de la maison..

La directrice, qui en plus de son cheval s’intéresse aux chiffres, comprend qu’il faut ménager une bonne cliente.

Certes, certes, répète-t-elle pensivement..

Je voulais juste vous alerter, car il est de mon devoir….

Normal d’avoir des devoirs quand on dirige une école..

Merci Madame la Directrice, j’ai hâte de rentrer, les facturettes commencent à me mordre la peau, j’ai envie d’être seule ..

La sonnerie du téléphone me cueille à froid, je décroche, une voix inconnue..

Ben évidemment que je vous dirai qui est au bout du fil et ce que me veut l’interlocuteur..

Mais là, il est 8 h, je suis en retard comme le lapin d’Alice, demain c’est Noël, ça n’interdit pas de se retrouver, si?

Que cette journée signe la fête, la joie des retrouvailles, le plaisir de voir scintiller des paillettes dans les yeux des enfants, le bonheur de sentir la chaleur douce de ceux qu’on aime dans cette glacière où nous frissonnons de solitude depuis des semaines..

Joyeux Noël

Je vous embrasse

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Les dents serrées (25 Décembre)

Bon

Vendredi 25 décembre

Chabbat

Chabes

Noel

Résumé des épisodes précédents

Michèle a assuré seule le rendez-vous avec la directrice qui voulait l’alerter sur le refus de Lena de se socialiser.

Paradoxe intéressant quand on sait qu’elle n’a cessé de fédérer autour d’elle des amis sensibles à son charme, à son humour, à sa joie de vivre.

Démarrage difficile avant une lancée triomphale..

Paul est rentré de voyage, la valise pleine de chemises aux couleurs chatoyantes, de maillots de bain et d’une pochette de cuir d’où se sont échappés des reçus de carte de crédit, preuves d’achats compulsifs chez des couturiers français de luxe..

Et quelques facturettes d’un hôtel sis à Hawaï..

La suite

Nous sommes à une encâblure de Mimouna, la fête qui clôt les épreuves des pèlerins de Pessah qui ont enfin gagné la Terre Promise.

Pour célébrer cette libération, il était de tradition d’inviter familles et amis à partager gâteaux et douceurs dans une liesse gourmande..

La table se couvrait de pâtisseries et de friandises qui balayaient symboliquement l’abstinence des juifs qui avaient fui l’esclavage de l’Egypte et se nourrissaient de galettes de pain azyme non levé.

Dieu complétait avec la manne céleste, supplétif venu en renfort de l’indigent approvisionnement quotidien..

Bref, c’était une fête jubilatoire, pleine d’allégresse et ma garde rapprochée ceintura fermement mon dos qui tanguait au bord de l’abîme, arguant que l’épouse et maîtresse de maison que j’étais, ne devait en aucun cas plier devant les turpitudes d’une fossoyeuse de familles heureuses, appâtée par le gain..

Dont il était évident que Paul Cohen se déferait, une fois les yeux dessillés, et le désir émoussé par la culpabilité et le besoin de rédemption..

Oui oui..

Ils ne prononcèrent pas crûment le mot de rachat ou de salut, mais ils affirmèrent péremptoirement que personne ne pouvait décemment s’attacher à une créature que son propre amant traitait de traînée..

J’en convins..

Qu’est ce qu’un sac Hermès ou une chemise à fleurs pesaient dans la vie d’un couple fédéré par la souffrance partagée et le bonheur familial qui éclaboussait les parents éblouis?

Hein?

Ça pesait quoi, un week-end prolongé sur une plage où le soleil ne filtrait que pingrement entre les rais des volets clos d’une chambre luxurieuse ?

Rien.

Ou pas grand chose.

J’en convins encore.

Surtout quand deux poupées tendent des bras avides vers un papa idolâtré, le regard solaire des enfants disant nument l’émerveillement..

Hein?

On peut comparer ?

Bien sûr que non.

J’en convins de nouveau.

Les facturettes, délibérément déposées sur le dessus de la valise retrouvèrent leur statut initial : celui de facturettes..

Perdant la charge terroriste dont on voulait les lester pour m’exploser la tête dans rafale de mitraille mortifère..

Tu vois bien que tu comprends, disaient les amis, tous les mecs ont des maîtresses..

Toi aussi ?

Ah non pas moi!!!

Maguy, Jacqueline, Sylvie et bien d’autres étaient unies à des mecs fidèles, me juraient-ils la main sur le cœur..

Tu sais bien qu’on ne va pas mettre en danger nos familles..

Je savais surtout leurs dénégations apocryphes, mais leurs arguments me confortaient dans mon aveuglement à juger l’adultère inconséquent et probablement éphémère..

Un sac, une chemise, un week-end, la belle affaire..

Et puis le téléphone sonna intempestivement un matin..

Je voudrais parler à Monsieur Cohen..

Il est absent, qui le demande ? Puis-je transmettre un message ?

C’est personnel..

Dans ce cas, rappelez plus tard..

Pardon. Vous êtes Madame Cohen?

Elle-même..

Je suis Ronald, le secrétaire de Madame P..

Ronald?

Revenu des strates de crasse dans lesquelles marinait sa rance patronne, il avait donc retrouvé suffisamment d’oxygène pour appeler..

Oui?

Voilà..

Madame P souhaiterait revoir Monsieur Cohen pour discuter certains points encore litigieux.

Ah qu’en termes galants….

Les points litigieux étaient les quelques zéros sur lesquels portait le désaccord..

Madame P et Ronald devaient s’être consultés pour conclure qu’il valait mieux peut-être ..

Et peut-être que Madame P avait été très sensible aux baisers appliqués sur sa main avec chaleur et respect par un Paul Cohen que ne rebutait aucune épreuve pour finaliser un contrat..

Je transmets à mon mari..

Bah oui..

Même infidèle, c’était mon mari..

Rendez-vous fut pris..

Nous nous rendîmes chez l’ancêtre avec une nonchalance affectée, mon assurance vacillant dangereusement sous l’élégante vêture, qui était ce mec qui cheminait à mes côtés, sorti du lit tiède de sa maîtresse et qui m’entretenait sur le protocole à suivre pendant la négociation ?

Protocole où l’essentiel de mon rôle consistait à me taire, mains posées sur mes jambes sagement jointes..

Vachement dur, hein..

C’est pas donné à n’importe qui de rester les fesses au bord d’un fauteuil dans un silence complice et solidaire, un léger sourire de compréhension flottant sur des lèvres peintes..

Ca prouve la confiance que mon époux portait à notre collaboration et à mon savoir-faire..

Tu t’assois et tu dis rien..

Sir, yes Sir!!!!

Comme le disaient les vaillants soldats à leur sergent dans le célèbre Full Metal Jacket de Stanley Kubrick..

Les pourparlers reprirent, Paul sentant avec l’instinct sûr du chasseur que la bête se rendait, presque cuite..

Une poignée de main virile avec Ronald et une paire de baisers sonores sur la joue pendouillante de la vieille me sortirent brutalement de la léthargie où je clapotais, je compris que l’affaire était dans le sac, les mecs étaient levés, je sautai sur mes pieds, serrai à mon tour la main des protagonistes, effleurai la joue de Paul, nous étions dehors, chacun regagnant sa voiture, je proposai un resto le soir à Paul qui accepta en pensant à autre chose, la vie continuait..

Etais-je vraiment convaincue que la vie continuerait, telle que mes rêves l’avaient crayonnée, rose au centre et bleu azur sur les côtés?

Oh la!

Attendez bonnes gens!!

Laissez-moi regrouper souvenirs et sensations, réflexions et ressentis, laissez-moi farfouiller dans ma mémoire pleine pour en extraire une réponse aussi sincère que conforme à la réalité du moment..

Ca peut attendre demain ?

Non, parce que je veux bien tout dévoiler, mais dans le barnum qui me sert d’armoire à souvenirs il m’arrive de perdre le fil de ma recherche et..

Bref..

Aujourd’hui c’est Noël que je suis invitée à célébrer par un repas antillais ..

Vision œcuménique d’une naissance annoncée..

Que cette journée signe la chaleur douce de cette fête partiellement estropiée cette année, mais que des rires d’enfants cloutent d’irréductibles éclats de bonheur.

Joyeux Noel 🎅🏻🎅🏻🎅🏻

Chabbat Chalom

A git chabes

Je vous embrasse

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La Générale Michèle se met en ordre de bataille, La résistance s’organise(26 Décembre)

Résumé des épisodes précédents

Les Cohen ont assisté à une enième réunion avec la crasseuse propriétaire de l’appartement et Ronald, son régisseur, d’où il ressort qu’un accord pourrait être trouvé sur le prix ..

Les preuves de l’adultère ont disparu, facturettes vers la corbeille, chemises hawaïennes vers une proche poubelle, l’époux maintient son statut de courant d’air, Madame serre les dents.

La suite

La Mimouna, fête de la libération des juifs après la traversée du désert symbolise dans une prodigalité de gâteaux le retour à une vie de largesses nourricières..

Les rires et les bruyantes conversations cascadent avec allégresse, une débauche de fleurs et de gâteaux éclabousse le salon d’éclats pailletés..

C’est la fête..

Paul est très détendu, prévenant avec ses invités , racontant les difficultés rencontrées à New York dans ses épineuses négociations avec d’âpres partenaires..

Mais Baroukh Hachem, il a signé un juteux contrat, dit-il en embrassant son index replié, en signe de remerciement au Très Haut..

Sa mère l’étreint avec effusion..

Le Bon Dieu, il va toujours t’aider mon fils, affirme-t-elle, des trémolos dans la voix.

Et il va te donner aussi un beau petit garçon..

Une telle persévérance mériterait une médaille ou pour le moins une exceptionnelle sollicitude divine..

Le fils sourit, il rayonne de fierté..

C’est vrai que les tractations new-yorkaises exigèrent des efforts largement récompensés par un succès commercial..

C’est à la fois l’Odéon et l’Opéra Comique..

Le mari, la femme, les enfants et le triomphe professionnel..

Oubliés les emplettes et le séjour à Hawaï en compagnie d’une créature, il fait rouler comme un bonbon des « ma femme » pleins d’amour qui scotchent sur mon visage les regards affectueux et empathiques des amis qui savent tout..

C’est Molière et Ionesco, Shakespeare et Courteline..

Tout y est:

Costumes, décors, duplicité et mystification..

Rideau.

La vie reprend son cours.

Lena se socialise à petits pas, tenue par la main d’un petit garçon qui la conduit doucement vers des jeux à deux, puis collectifs, où elle découvre, protégée par Cyril, la joie des cris et des rires partagés.

Cyril

Étonnante générosité doublée d’une sensibilité rares chez un petit garçon de cet âge..

Il la fera lever du banc où elle était scotchée de timidité pour l’intégrer à la ronde qui signe la découverte et la reconnaissance de l’autre dans un oubli de soi récompensé par une jovialité collective..

Cyril

Lena ira à l’école sans pleurer, réconfortée par l’affectueuse attention de Cyril qui lui offrira ce tremplin social sur lequel elle assoira sa passion pour les relations humaines..

Leur amitié ne se démentira jamais..

Les parents de Cyril, informés par la rumeur, savent que le loup est dans la bergerie et feignent de croire à l’existence d’une famille Cohen assise sur le socle des valeurs bourgeoises de ces années-là..

T’en vas pas chantent Elsa et mes amis fédérés dans un syndicat protecteur des épouses trompées..

Papa me regarde, au bord du désespoir..

Il ne cherchera pas à peser sur ma décision, entourant Lena et Melissa d’une affection passionnée qui fera du trio une inoxydable bulle d’amour que ne fractureront ni les gens ni les accidents..

Melissa grandit, ne sera scolarisée que plus tard, les puits d’amour ont adouci les regards de la directrice qui m’informe des énormes progrès de Lena..

La concubine vient parfois chercher ses enfants à l’école, je la vois de loin, le cœur au bord des lèvres, cherchant l’oxygène qui s’échappe de mon cœur carbonisé..

La vie sociale reprend son cours, je crois l’incident clos, mais l’amie commune qui nous a présenté le couple infernal m’informe que leur histoire va bon train, je réponds que je m’en fous, la guerre des nerfs est largement entamée..

Les commandos sont maintenant en ordre de bataille :

La maîtresse en titre et sa messagère perso chargée de m’indiquer l’avancement des opérations et le succès des premières campagnes..

Ma garde rapprochée auto-proclamée qui ceinture le territoire guigné par l’hypothétique occupant et organise un travail mental de salubrité propre à m’interdire tout départ intempestif..

Et Paul au centre ..

Bigame heureux

Dans cette joute à fleurets mouchetés entre la maman et la putain.

Le travail de sape opiniâtre et plantureux finit par conduire la concubine à la table maternelle..

Un beau petit garçon chez toi offre le couscous de l’hospitalité à la maîtresse en titre..

Je l’apprendrai bien plus tard, ce qui m’évitera sur le coup l’incendie dévastateur qui torpille la tête et le cœur dans les éclats d’obus d’une trahison mortifère..

Entre-temps Ronald a téléphoné.

C’est l’état d’urgence sanitaire..

La vieille a encore vieilli, étonnamment, et commence à manifester des troubles gériatriques qui pourraient obstruer l’arrivée du cash espéré par la camarilla à l’affût..

Faut vous dépêcher, Monsieur Cohen..

Monsieur Cohen, peu habitué aux conseils ni aux ordres, se dépêchera néanmoins et j’apprends qu’une signature est prévue, mais que pour des raisons de haute technicité financière, il sera impossible de..

De quoi?

Ben, vous voulez aussi que je me dépêche?

Vous avez flairé des signes de gériatrie inquiétants dans mon récit?

Nan?

Bah alors attendez demain, là j’ai deux trois trucs à faire qui ne supporteraient aucun délai, on se retrouve demain, c’est possible ?

En tout cas, moi j’y serai..

Que cette journée signe la santé des muqueuses digestives en cette période de sollicitations parfois excessives..

Je vous embrasse

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Réconciliation ? et déménagement (27 Décembre)

Bon

Dimanche

Résumé des épisodes précédents

Les Cohen ont fêté ensemble la Mimouna, souriant couple phare accueillant ses invités avec chaleur devant une opulente table couverte de gâteaux.

Paul poursuit sa liaison avec Chantal B, le mari trompé se console avec une jolie collaboratrice savamment reconstituée par ses soins puisqu’il est, rappelons le, chirurgien esthétique..

Moi j’élève mes enfants, je gère la vie sociale, convaincue que la raison regagnera tôt ou tard l’esprit momentanément dérangé de mon mari..

Mais parler d’esprit dans cette histoire, c’est comme citer Schopenhauer pour décrire un plat de nouilles.

Puis un jour le téléphone sonne, Ronald, le régisseur est assez excité..

La suite

Paul travaille, évidemment, voyage beaucoup, évidemment, et se fait souvent accompagner de sa concubine, comme il l’a vu faire dans l’Intelligentsia espagnole où la bigamie signe le degré de réussite d’un ministre ou d’un homme d’affaires..

Deux femmes..

Une lascive maîtresse..

Une épouse qui voudrait bien être lascive mais n’en a plus guère l’occasion..

Serrer les dents aide à retenir les plaintes mais n’endigue pas les remontées de bile amère, comme un saumon qui remonte la rivière à la saison des amours..

Et puis un jour je tente une opération plus diplomatique que guerrière..

J’appelle le mari.

Nous nous retrouvons dans un café et je lui demande simplement s’il a l’intention de maintenir cette image sociale défigurée sans prendre de décision..

Il rit avec nonchalance..

Je ne vois pas de quoi tu t’inquiètes, bébé, tout va rentrer dans l’ordre.

Question de temps, sois patiente..

Si tu veux on peut dîner ensemble la semaine prochaine..

Ou aller à New York! Ajoute-t-il dans un éclat de rire..

Mon âne, mon âne a bien mal à la tête, chantait-il.

Là, c’est moi qui sens un étau serrer vigoureusement mon crâne défait..

Et aucune Madame n’a préparé de bonnet pour ma tête..

Nous nous séparons, il me sourit tendrement, regagne sa voiture d’un pas désinvolte et démarre en trombe dans une rue en sens interdit où il roule quelques secondes avant de constater sa méprise, brutalement dégrisé..

Le sourire tendre et le pas désinvolte étaient sans doute destinés à dissimuler son émotion et à me rassurer, réflexe de médecin ou expression d une virilité triomphant de la détresse et du flottement ..

Je ne le saurai jamais, il a érigé l’attente en charte sanitaire, un pacte signé avec le temps, un pari un peu fou sur la vertu de la résistance passive..

Comme moi en fait..

Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi..

Les trois enfants grandissent en clopinant dans cette famille chahutée, deux garçons et une fille, portés par le courant des palinodies adultérines d’une mère qui râpe la sérénité familiale de ses épines égotiques..

Deux garçons.. certains ont de la chance..

Paul y sera très sensible..

Ronald a rappelé, la voix cette fois pleine d’urgence, J’ai besoin de parler à monsieur Cohen.

Qu’il informe de l’accord arraché à la vieille, il dit Vous savez j’ai peiné pour vous arracher cet accord..

Le « vous » étant le signe d’une action caritative au bénéfice exclusif des Cohen..

Date est prise pour signer un compromis..

Paul, peu disert ces derniers temps, m’explique avec force détails qu’il ne peut.. ni ne veut..

Que la situation, tu comprends avec les sbires de Mitterrand..

Bref, il va faire acheter cet appartement par un copain posté en Amérique du Sud, et ensuite, je régulariserai, ne t’inquiète pas..

Je te laisse carte blanche pour les travaux, tu pourras..

Je m’inquiète …

Il s’agace …

On offre un appartement à Madame, Madame fait la gueule, jamais contente, j’en connais qui..

Je les connais aussi..

On n’offre pas grand chose à Madame, en fait, mais Madame ne dit plus rien, étonnée de ce projet qui dessine au couple agonisant un avenir commun et réveille des espérances de réconciliation moribondes..

La société étrangère s’empare du logis parisien, Paul tient parole et me laisse carte blanche pour les travaux..

Je me demande parfois s’il ne destine pas ce nid à sa concubine et s’il ne m’utilise pas comme chef de chantier pour exécuter de basses œuvres, mais il semble parfois impatient d’occuper ce nouveau logis..

Avec moi, me semble-t-il..

Il ne manifeste qu’un intérêt poli pour les échantillons de tissus et de peinture que je lui soumets régulièrement, je te fais confiance, je te fais confiance..

Y en a au moins un des deux qui fait confiance à l’autre..

Les chambres des filles seront crème et saumon, on a éliminé le rose dragée de cet environnement dans lequel elles vont grandir et y lover leurs secrets d’adolescentes..

Ben oui..

Si on déménage c’est que…

On peut être une grande personne et avoir des illusions d’enfant..

La concubine multiplie les signes de sa présence dans la voiture conjugale, œuvre en sous main à une reconnaissance sociale qu’il lui accorde sans difficulté, qu’il double même d’une invitation maternelle, je deviens schizophrène, tanguant entre l’espoir encore vivace de nous offrir une vraie famille quand il sera exorcisé et le désir de plonger dans l’abîme qui s’ouvre sous mes pieds..

Plonger

Dormir

Mourir

Survivre

Dûment secouée par ma garde perso qui tente d’éteindre les braises de désespoir qui me calcinent parfois le cœur.

Je ne veux prendre aucune décision que je pourrais regretter..

Il ne manifeste aucun désir de séparation..

Ca veut dire qu’il va revenir, pardi !

Faut pas être polytechnicien pour deviner ça!! Un mec qui veut partir part.

Un mec qui reste est un mec qui reste.

Kant, Spinoza ou Freud expliqueraient ça en termes fleuris, mais personne ne dit que l’espérance est un dard profondément planté dans la chair molle qu’il moleste parfois avec application..

Nous déménageons..

Paul prévoit une crémaillère grandiose, étincelante, jetant des éclats d’or dans les mirettes des invités statufiés, un opulent buffet, des cascades de fleurs dégringolant de vases où clapotent des liquides multicolores, des femmes emperlousées, endiamantées, des hommes prospères et arrogants, un gigantesque pied de nez à cette Union de la Gauche qui voulait nous faire tous mourir…

Et le quatuor familial en surimpression de paillettes de lumière sur ce décor de pharaon …

Le destin s’ennuie parfois, alors il joue..

Il fouille dans son coffre à jouets, en tire quelques noms au hasard, et comme un enfant qui empile des pyramides de plastique, les lance et les rattrape, les entremêle dans un éclat de rire espiègle..

Et…

Et parfois…

Quoi, parfois ?

Que fait le destin, c’est ce que vous voulez savoir ?

Ben je vous rappelle qu’on est dimanche, que je dois faire quelques courses, peut-être passer l’aspirateur ? Non, pas passer l’aspirateur, c’est casse-pieds..

Mais quand même …

Si, je vais passer l’aspirateur, finalement…

Quoi qu’il en soit, je serai là demain matin, bien sûr, guettant votre chaleureuse présence par le petit trou que j’ai creusé sur mon écran..

Vous viendrez?

Que cette journée signe la diète post-agapes nécessaire à la réhabilitation des organes malmenés par les fêtes ..

Je vous embrasse

PS: pas sûr que je puisse vous répondre individuellement aujourd’hui..

Mais sachez que je vous lis tous en me régalant voluptueusement de ces délicieuses coulées de miel.

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Visite de l’architecte (28 décembre)

Bon

Lundi

Résumé des épisodes précédents

Paul Cohen a signé un compromis puis un acte d’achat avec la crasseuse nonagénaire..

M’expliquant que …,  tu veux bien essayer de comprendre, oui?

Il devait utiliser son copain Yves posté à Caracas, pour signer les actes, car lui…

Tu le fais exprès ou quoi? Je prends mon temps pour essayer de te détailler aussi clairement que possible les données du deal et toi..

Toi..

Je ne fais pas semblant de ne pas comprendre.

Je ne comprends vraiment pas.

Je ne comprends pas pourquoi il est si nécessaire d’utiliser un prête-nom qui exfiltre le bien de la communauté..

Tour de passe-passe..

Et moi Gros Jean comme devant..

Co-locataire à titre gracieux d’un appartement qui nous héberge, mes enfants et moi..

J’ai rencontré le mari de la concubine à qui j’ai demandé de brider sa pouliche enragée, qui m’a répondu d’un geste apaisant, t’inquiète bébé tout va bien ,avant d’enfoncer d’un malheureux coup de volant incontrôlé sa voiture dans une rue interdite.

Signe évident que tout va bien, tout le monde l’a deviné..

La suite

Il a fallu décrasser et effectuer moult travaux d’assainissement et de rénovation, puis de décoration dans l’immonde gourbi laissé par la vieille..

Tu as carte blanche.

C’est une preuve de confiance, ça, isn’t it?

Si fait..

It is..

Me voilà investie d’une mission quasi divine : donner à cette sombre crypte l’aspect d’un élégant et pimpant logis abritant le bonheur d’une famille bourgeoise des beaux quartiers à la fin du 20 e siècle..

C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, ça veut dire beaucoup..

Ca veut surtout dire que je ne suis ni électricien, ni plombier, ni peintre, ni maçon, que l’entreprise est colossale et que je ne connais rien des arcanes du gros-œuvre, plus rompue récemment à la gestion de basses œuvres mises en place par le divin époux..

La carte blanche n’est pas un diplôme de reconnaissance de compétences..

C’est plutôt un blanc seing pour assainir, rénover, et donner un lustre flamboyant à cet espace stratifié de rouille et de crasse..

Je ne peux répondre seule à la requête, je fais appel à un ami..

C’est mon dernier mot Jean Pierre..

Il s’agit d’un architecte décorateur fringant du haut de son mètre cinquante, la voix haut perchée et sautillant dans une sorte de transe au milieu du salon vide où je l’ai conduit pour lui montrer l’ampleur du désastre..

Ce tout petit monsieur dépose sa sacoche au sol et arpente la pièce en se trémoussant, alternant pas chassés et entrechats, en couinant des ce que c’est excitant, ce que c’est excitant, me figeant de stupeur dans cette pièce plus coutumière des fastes du début de siècle que des arabesques d’un fougueux décorateur jubilant..

J’attends la fin du ballet solo et des miaulements extatiques pour interroger:

Alors?

Car la diva m’a avertie:

Je ne m’occupe que des chantiers qui me passionnent..

Vous comprenez, je ne suis pas à la solde de béotiens qui ne connaissent rien à l’art, je suis un créatif, un poète, un aquarelliste, un sculpteur qui travaille la matière pour faire du beau avec du laid..

Et ..

Le laid que je vous présente, là, vous pourriez en faire du beau ?

La question me taraude :

Suis-je affiliée à cette horde de primaires lourdingues incapables de distinguer un tableau de Turner d’une toile de Basquiat, un requiem de Mozart d’une chanson de Franck Alamo, ou une poésie de Victor Hugo d’une vibrante interprétation d’Enrico?

C’est ce qu’il croit?

J’en tremble d’épouvante..

Ou bien serai-je élue de ce maître des élégances qui reconnaîtra en moi la partenaire brillante et lettrée capable de partager les délicatesses, sens cachés et alliages ésotériques signant la coterie des happy few de l’intelligentsia parisienne des années 80?

Je retiens mon souffle..

Un dernier balancé dans une exquise cabriole inattendue, il saisit son cartable en silence..

Je n’en peux plus..

L’angoisse est palpable..

L’humiliation d’un refus dessine des ombres grises devant mes yeux fiévreux, j’attends le verdict..

Il s’en va..

L’air vague..

Ahhhhhh

Ma secrétaire vous appellera pour fixer un rendez-vous, mais j’aimerais que mon collaborateur vienne visiter les lieux avant..

Vous pouvez le recevoir quand?

Quand?

Mais maintenant, Maestro, là, tout de suite, immédiatement, quand vous le voulez, quand il le veut, à votre guise, à votre gré, je suis votre homme, merci de m’accorder le droit de poser quelques zéros sur le chèque que je remettrai à votre secrétaire, puisque vous ne touchez pas à l’argent, vous ne connaissez rien à ces choses-là, dites-vous, en balayant d’un revers de la main une audacieuse poussière posée sur la manche de votre veste Hermès..

Je me retiens, l’air de celle qui dans une indifférence totale passe mentalement en revue son agenda serré..

Euh..

Peut-être..

Demain ?

Il me regarde avec étonnement..

Je suppose que ses autres clientes doivent bousculer un calendrier saturé de rendez-vous massages, essayages et autres manucures, pour enfin trouver les minutes jetées en pâture à leur décorateur préféré, moi je propose un rendez-vous hâtif, après avoir accompagné les enfants a l’école et avant de retourner les chercher pour le déjeuner..

Je vais le lui proposer.

J’espère qu’il pourra venir demain..

Un regard étonné, tu crois pov’ tache, que le collaborateur d’une star du papier peint peut se libérer de ses importantes obligations du jour au lendemain ?

Il le pourra.

Un peu échevelée, pas maquillée, couverte des baisers éperdus des filles qui pensent qu’elles ne me reverront jamais, je me hâte vers le lieu du rendez-vous, espérant que l’associé ne sera ni danseur ni baryton et qu’il expédiera la visite assez rondement pour me permettre de rentrer chez moi rapidement ..

J’arrive et découvre un attaché case noir au sol..

Une voix, venue des profondeurs de la grotte, m’informe je me suis permis de prendre la clé chez la gardienne, Frederic m’a dit que ça ne vous dérangeait pas, car je suis assez pressé..

Moi aussi.

Grouille-toi..

Les pas et la voix se rapprochent ..

Je suis soulagée.

Il a fait la visite sans moi, je vais pouvoir rentrer troquer mon jogging un peu fatigué et poché contre une élégante tenue..

Non!!!!

Non!!!!!

Mon Dieu!!!!

Vous n’avez pas fait cela!!

Vous n’avez pas permis que je me présente ce matin, hirsute et dépenaillée, loqueteuse et calamiteuse, devant ce …

Devant ce quoi?

D’abord on dit devant « ce qui », quand ce n’est pas un objet anodin, une chose négligeable, une broutille de la vie chue par hasard un matin de printemps dans le salon dégarni d’un appartement parisien..

Non non.

Il s’agit de…

Oh et puis il est bien tard, là, la description risque d’être un rien roborative et touffue, je ne veux pas abuser de votre précieux temps, c’est lundi, jour de reprise des activités..

Je vous raconterai demain, ça vous va?

Alors a demain..

Que cette journée signe la seconde semaine de vacances pour ceux qui sont partis, et la énième semaine d’incertitude et d’anxiété pour ceux qui sont restés..

Je vous embrasse

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[1] Paysan russe

[2] Fleur emblématique de l’Afrique du nord et qui parfume ces pays

[3] Alma mater est une expression d’origine latine, traduisible par « mère nourricière », parfois utilisée pour désigner l’université dans laquelle une personne a étudié

[4] Dans la mythologie grecque, Adonis est d’une grande beauté 

[5] Mon royaume pour un cheval

[6] Ma femme pour un contrat

© Michèle Chabelski

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2 Comments

  1. Tout ça pour ça?
    Une femme affublée d’un mari volage MAIS qui lui garantit un confort matériel?
    La femme qui est tacitement d’accord puisque finalement ça l’arrange?
    La pute dans cette affaire n’est pas forcément celle que l’on croit.
    Et le plus sympa est encore le dénommé Paul, le mari, qui, à la fois, garantit (copieusement) la subsistance de sa famille et distribue généreusement sa semence là où elle est demandée. Homme à tout faire, quoi.
    Si ce n’était pas long comme un jour sans pain ce serait marrant.

  2. texte très enlevé mais que c’est long !
    Par ailleurs ce récit se passe n 81 -82 (Mitterrand ) ,la narratrice serait donc sptuagénaire et elle ecrit (agréablement ) au présent . Enfin ,dans quel milieu social ça se passerait ?

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