Edith Ochs. Juifs d’Algérie: 2000 ans d’histoire (suite)

Chers amis, Voici le deuxième volet de l’article sur l’histoire des Juifs d’Algérie, dépossédés, chassés, expulsés en 62, réfugiés en métropole. L’illustration est toujours de Bernard Nantet, qui s’était rendu à Marseille pour photographier l’arrivée des Juifs d’Algérie. Il  était alors le reporter de L’Arche, créé en 57 par Michel Salomon qui, s’inspirant de L’Express, accordait une importance nouvelle au photo-reportage. Edith Ochs

Photo Bernard Nantet

Coincée entre « l’antisémitisme français et la méfiance arabe », dira Camus en 1955, la communauté juive louvoyait péniblement entre les périls. L’assassinat de Cheikh Raymond (Raymond Leiris), le maître du « malouf », sur le marché de Constantine, le 22 juin 1961, donna le premier signal du départ.

Les juifs d’Algérie ont quitté leur terre où ils étaient installés depuis 2000 ans. Pour ces communautés ancestrales, ce départ vers la métropole, maquillé en « retour », fut un cruel déracinement et un déni, un exil. En 1940, Vichy décide l’abrogation du décret Crémieux, dépouillant les juifs d’Algérie de tout statut officiel jusqu’en 1943. Cette période a douloureusement marqué les mémoires.

Il y a 70 ans, le 8 novembre 1942, les Alliés débarquent à Alger (opération Torch). Quatre cents résistants y participent. Les deux tiers au moins sont des jeunes juifs français déchus de leur nationalité, avec à leur tête José Aboulker, 23 ans.

Le général Giraud prend le commandement civil et militaire d’Alger, mais fait arrêter et déporter dans le Sud algérien les chefs de la résistance algérienne, y compris le jeune Aboulker et son père, mutilé de la Première Guerre. Pour lui, les juifs doivent rester des « indigènes ». Il faut attendre fin 1943 pour que le décret Crémieux rentre en vigueur.

1954-1962. Huit ans d’une guerre fratricide: la vie sociale se dégrade brutalement. « Au collège, tout se passait bien, il y avait peu de débats politiques, raconte Raphaël Draï. C’est quand il y a eu des bombes dans les cinémas, les stades, les cafés et les synagogues que tout s’est dégradé… »

Coincée entre « l’antisémitisme français et la méfiance arabe », dira Camus en 1955, la communauté juive louvoyait péniblement entre les périls. Mais le massacre de Constantine, vingt ans plus tôt, était dans tous les esprits. Dans le contexte, l’assassinat de Cheikh Raymond (Raymond Leiris), le maître du « malouf », sur le marché de Constantine, le 22 juin 1961, donna le premier signal du départ.

Puis le jour de l’Indépendance de l’Algérie, il y eut le massacre d’Oran. « Qui se souvient en France du massacre au faciès des Européens dans les rues d’Oran le 5 juillet 1962 ? » demande Tarnero.

C’est ainsi qu’on vit la foule des « pieds-noirs » affluer sur le quai de la Joliette et le tarmac de Marignane et d’Orly. Ceux qui s’étaient engagés dans le combat au côté du FLN tentèrent l’aventure, brièvement. Juif et communiste, Henri Aleg était à la tête d’Alger républicain, quotidien d’opposition dénonçant les exactions et la torture de l’armée.

Torturé par l’armée française, emprisonné, il s’évada, revint à Alger après les accords d’Evian, mais fut déclaré persona non grata après le coup d’Etat de Boumédiène en 1965. D’autres juifs disparurent sans laisser de traces.

Hier les juifs d’Algérie, aujourd’hui les chrétiens : le continent détruit les traces de son histoire pour mieux la réécrire.

© Edith Ochs

Article initialement publié dans le Huffington Post

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