Michèle Chabelski. Souvenirs, Souvenirs ( XVII)

Bon

  Lundi

   Résumé des épisodes précédents

     Le mariage a eu lieu.

     La pièce montée a suscité un grand étonnement chez belle maman qui attendait une pyramide de choux au caramel et vit arriver trois énormes génoises laquées de blanc illuminées de bougies crépitantes…

Mais Baroukh Hachem les personnages figurant les mariés trônaient au sommet…

   On dansa

  On mangea

   On but.

    J’avais ouvert le bal avec Papa qui s’était effacé pour me laisser dans les bras de Paul.

    Ma nouvelle vie…

     La suite

      Avant d’évoquer un traditionnel voyage de noces, je voudrais évoquer le lieu de résidence du nouveau couple.

  Classiquement, nous vivions tous deux chez nos parents.

Il nous fallait donc trouver un lieu de résidence commune.

  Fidèle à ses qualités de leader rapide et décisionnaire, Paul dénicha un programme de constructions dans le 13 ème arrondissement qui serait prêt dans des délais raisonnables.

   Va pour le 13 ème arrondissement dont je ne savais même pas qu’il existait.

    Engagement

    Signature

   Il suffirait de louer un studio en attendant, et notre nid serait prêt…

  Bonheur anticipatif

   Et si on mettait de la moquette blanche ?

  Et des rideaux turquoise assortis au-dessus de lit (je rappelle qu’on était dans les années 70- pas encore de couette, couverture et dessus de lit étant les deux mamelles d’un lit attrayant) …

   Et un salon marron ?

   Avec quelques touches d’orange ?

   Je rappelle…

    Bref…

Mon fiancé n’était pas intimement convaincu, mais mon enthousiasme eut raison de ses dernières réserves.

   Et puis une chose l’autre…

    Et un soir, gaiement, au restaurant, l’air de ne pas y toucher, heureux néanmoins de m’offrir une surprise, il m’annonce qu’il a en fait acheté deux appartements dans le même immeuble, ce qui nous permettra d’être proches de ses parents et d’économiser ainsi des heures de route pour leur rendre visite et que nos futurs enfants seront heureux de…

    ????

    Il me faut quelques secondes pour redescendre…

   Les enfants disent : T’étais perchée ?

   Dans le même immeuble ?

    Oui, mais attends, pas au même étage…

  On a besoin d’intimité, tu vois…

   Je ne voyais pas trop, non…

Ou ce que je voyais avait la couleur de la cendre, mais nous les ashkénazes avons la fâcheuse tendance à dramatiser et …

Les fiançailles venaient d’avoir lieu, je n’avais pas encore étrenné la puissance de feu de belle maman, je nageais dans l’excitation et les projets, et après tout, comment refuser ce plaisir à mon fiancé si heureux de naviguer dans l’ascenseur entre ses deux amours ?

    Comment ? Oui…

    Comment ?

     Ben fastoche…

      En lui disant après quelques mois d’expérimentation de la belle famille, ses préjugés, ses superstitions, son inflexibilité religieuse, sa hiérarchisation des relations en approximation totale avec mon inculture religieuse, ma désinvolture, mon enracinement dans le monde post soixante huitard, mon insouciance, mon féminisme proclamé et ma tendance à désamorcer la gravité des choses par une dérision toute ashkénaze, bref en prononçant le mot maudit : incompatibilité.

   Voilà

Je l’ai dit:

  Incompatibilité

   Cohabitation impossible.

    T’as rien compris !

    Qui parle de cohabitation ?

   Ben toi.

    Mais non.

 Je suis juste heureux d’avoir ma mère près de moi et…

Et moi je serai juste heureuse de la savoir un peu plus loin et…

   Dialogue de sourds…

    Mais la soumission filiale du fiancé dont les yeux de braise parvenaient difficilement à faire oublier le pouvoir autocratique de belle-maman couvrait d’ombres inquiétantes des lendemains qui devaient chanter et qui ne faisaient plus que fredonner…

   Le voyage de noces fut assez réussi…

  A Florence le thermomètre de la voiture affichait 53 degrés, à Rome un peu plus, nous visitions les sites le matin et suivions la coutume italienne de la sieste post prandiale qui aidait à digérer rigatoni et raviolis…

   Musées, balades, restos, nous goûtions avec délectation le plaisir d’être ensemble.

  Enfin.

Quand je dis “nous”

 Je veux dire moi surtout.

  Loin de sa bande, de sa mère, de sa secrétaire, de Duchemin, et d’une autre chose que je découvrirais plus tard, il s’ennuyait un peu.

 Pas mal même…

    Et les derniers jours sur une plage de sable doux bercés par le ressac lui furent les plus heureux du voyage, car c’était ceux qui lui rappelaient le retour imminent…

    Et moi je savourais ces instants d’intimité, un peu gênée parfois par des rencontres avec d’adorables Italiens bavards…

 J’étais désormais une femme mariée et je m’inquiétais de l’attitude à adopter…

 Mon inclination naturelle me portait au rire et au babillage, mais je sentais une réserve chez mon époux qui me soufflait que je ferais bien de respecter un certain quant-à- soi…

    Je me tenais donc un peu raide et retenue comme j’imaginais qu’il seyait à une femme mariée…

   Malgré le mini bikini jaune plus compatible avec un célibat de jeune fille exultant dans son corps de nymphette…

   L’époux chantant a tue-tête : Ah les guiboles, les guiboles de ma femme !!!!

  La magie du tête à tête amoureux connut un cruel dénouement dans le retour à Paris en plein Ticha Beav, période où il est interdit de consommer de la viande.

  Direction le poissonnier, évidemment.

   Vous avez des soles ?

   Bien sûr.

    Deux belles soles pour Mademoiselle.

  Madame…

   Deux soles pour Madame

  Du coup elles n’étaient plus belles.

   Je vous les prépare ?

   Qu’est-ce que tu veux préparer ?

   Elles sont pêchées, non ?

   Non merci.

    Le poissonnier en grand tablier me regarde du coin de l’œil…

    En silence…

   Jolie table de dîner…

   Poissons jetés dans une poêle…

   Et voilà comment je servis à mon jeune époux une sole ni épluchée ni vidée…

   Mon impéritie fit le tour de la famille qui se gaussa bruyamment, Ha Ha une sole pas vidée…

    Elle l’a prise pour une carpe, elle a fait une sole farcie…

   Et Findus ?

Ils vident les soles chez Findus avant de les couper en bâtonnets ?

   Bah ce sera désormais Findus…

    Vous voulez savoir la suite du choix d’habitat des Cohen ?

     L’usage de la liste de mariage ?

     Ben demandez…

   Que cette journée préfigure une semaine d’espérance où se profile un allégement des mesures sanitaires qui nous empêchent d’embrasser ceux qu’on aime.

      Je vous embrasse

© Michèle Chabelski

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