Richard Rossin. Yom Kippour

Le temps solennel de la responsabilité est en face à face,

Instant du temps de confrontation de l’homme à son humanité.

La confrontation sans complaisance possible, l’instant est terrible,

Le présent est terrifiant entre les comptes du passé et le rêve du futur.

Le compte du passé met à la mesure vraie dans la création et dans l’univers,

Voici la petitesse en devoir de concevoir la grandeur de son histoire à construire.

Dans son orthographe Kippour a deux mains pour prendre le sort,

Caf et Iod sont deux mains pour le prendre en charge et bâtir l’avenir,

Deux mains, celle de l’homme et celle de sa perception du Divin Infini,

A deux mains prends le chemin d’exil créateur hors du soi et du temps !

Caf et Iod se prennent la main, Caf et Iod avancent main dans la main,

Un instant solennel de communion cosmique qui emplit l’univers

Pour affronter le sort au-delà du destin et en faire un avenir,

Pour affirmer haut que les sorts ne sont jamais scellés.

Shabbat des shabbats arrive maintenant le temps

De la main tenant le temps d’un demain du temps.

A la descente lente au profond de soi, il faut un guide

Qui tende sa main, un Autre qui tient la main qui tâtonne.

D’abord se délier de tous engagements de la légèreté d’être,

S’en dénuder comme à l’aube de l’histoire, avant la connaissance,

Assembler toutes ses forces et s’exposer ses faiblesses. Regarde le ciel,

L’immensité du temps et de l’espace, la puissance de la poussière pensante.

Le jeûne commencé fait le vide, dépouille plus encore l’intérieur, marque les limites

Et rend, non pas plus pur, mais plus clair, aiguise les sens, rétablit un ordre des valeurs.

Techouva, la repentance, dévêt le soi du confort de l’habitude avec la vacuité du jeûne,

Le lavage n’est plus nécessaire, ni le cuir pour se couvrir les pieds sur ce chemin.

La prière emplit l’univers, la confession lue est exposée à voix haute et claire,

La lecture communautaire, que la ferveur scande, donne de l’épaisseur

Aux vingt-deux points énoncés, les vingt-deux lettres de l’aleph-bet

Qui créèrent le monde, les lettres du temps d’avant l’espace.

Vingt-quatre termes dans ces vingt-deux points répètent

Par deux fois Tav, sa lettre symbole de perfectibilité,

Le symbole de ce temps qui se rêve dans l’avenir,

Et battre sa coulpe du passé au bénéfice du futur.

Rien jamais n’est scellé, l’histoire appartient à l’homme,

En arbitre libre, la liberté c’est le choix, il implore un pardon,

Un acte gratuit d’amour et se rêve prendre un avenir plus éthique

En reconnaissant les fautes, l’inscription dans l’histoire est indélébile.

Le grand pardon inscrit la dynamique contraire à la démission, à l’oubli,

Il exprime une volonté de s’orienter ; la prière d’inscription dans le livre

De la vie n’est pas supplique pour une survie mais vœu de possibilité

De la mériter dans le dépassement permanent vers le changement.

Ce sens essentiel fit jeûner au sein d’Auschwitz des hommes jetés hors de Hongrie*

Mêlant leurs supplications rituelles aux lamentations de l’infernal de leur présent.

L’acte collectif d’expiation unit les êtres dans le recueillement puis la joie

Au cours de ces cinq offices, un soir, un matin, des prières et le livre

De Jonas, chant de l’espoir pour tout homme de bonne volonté.

Une marée de châles s’étend puis s’élève le son du chofar.

La vacuité du jeûn est alors rompue, joie et confiance.

© Richard Rossin

*(G.Snyders, le Monde 22/1/95)

Richard Rossin. Ancien vice-président de l’Académie européenne de géopolitique. Ancien secrétaire général de MSF. Cofondateur de MdM.

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