Sarah Cattan. Le Procès

Le procès de la lâcheté collective de tous nos dirigeants confondus[1] relayés par nombre de media. Celui du déni. De leurs soumissions et renoncements successifs, de leurs petits arrangements pour acheter la paix sociale, s’est ouvert ce matin 2 septembre, à 9 heures 30, 5 ans après les faits. Le procès des attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015, à Charlie Hebdo, à Montrouge, et dans l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes.

17 victimes, 3 barbares

En préalable et pour ne jamais les oublier, le nom des victimes :

Rédaction Charlie Hebdo

-Frédéric Boisseau, 42 ans, employé dans l’immeuble

-Charb, 47 ans, dessinateur et directeur de la publication

-Franck Brinsolaro, 48 ans, policier, garde du corps de Charb

-Cabu, 76 ans, dessinateur

-Tignous, 57 ans, dessinateur

-Honoré, 73 ans, dessinateur

-Wolinski, 80 ans, dessinateur

-Bernard Maris, 68 ans, économiste et chroniqueur

-Mustapha Ourrad, 60 ans, correcteur

-Elsa Cayat, 54 ans, psychanalyste et chroniqueuse

-Michel Renaud, 69 ans, journaliste et grand voyageur

-Ahmed Merabet, 40 ans, policier


Fusillade à Montrouge

-Clarissa Jean-Philippe, policière municipale


Hyper Cacher porte de Vincennes

-Philippe Braham

-Yohan Cohen

-Yoav Hattab

-François-Michel Saada

Tous morts sous les tirs des frères Chérif et Saïd Kouachi et ceux d’Amedy Coulibaly.


Nous ne renoncerons jamais

Ce matin 2 septembre 2020, Charlie Hebdo, sous la bannière Nous ne renoncerons jamais. “Tout ça pour ça“, republie les caricatures de Mahomet publiées la première fois en 2006, à la suite du quotidien danois Jyllands-Posten et qui avaient fait de l’hebdomadaire une cible des djihadistes. Il va de soi que le minimum eût été de se joindre, tous media confondus, à ce nouvel acte de vaillance et de tous publier, en Une, la couverture de Charlie Hebdo. Outre que ça aurait eu de la gueule, ça aurait eu un sens. Fort. Ça aurait permis de se regarder dans son miroir et de croiser le regard de Riss : Nous ne nous coucherons jamais. Nous ne renoncerons jamais, écrit, seul, le Directeur de Charlie.

Une menace terroriste élevée

Cinq ans après lesdits attentats, il s’ouvre donc, ce procès, dans une France tétanisée par la pandémie mais encore par des violences inédites. Une France surtout où la menace terroriste reste élevée : le chef du Parquet national antiterroriste, après avoir affirmé qu’une demi-douzaine d’attentats avaient été déjoués ces derniers mois, a bien dû acter que 170 djihadistes français avaient été rapatriés dans le cadre des accords de coopération policière avec la Turquie. Gérald Darmanin ne déclare-t-il pas croire plus encore à la menace dans nos murs, celle nourrie par la propagande des groupes terroristes, inspirée par les vétérans du djihad, mais également par l’emprise des tenants d’un islam radical s’efforçant d’avoir la main sur nos quartiers. Ne parle-t-il pas de la menace représentée par des individus adeptes d’un islam radical, sensibles à la propagande, mais non nécessairement liés à un groupe constitué, mais encore du suivi de quelque 8 132 individus inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste[2]. Mais encore de la menace des … sortants de prison : À ce jour, 505 détenus terroristes islamistes en lien avec la mouvance islamiste sont recensés, auxquels s’ajoutent, selon le ministre, 702 détenus de droit commun susceptibles de radicalisation. Cherry on the cake : la sortie prévisionnelle, en 2021, de 63 terroristes islamistes condamnés. En somme, une menace multiple : menace exportée, lorsqu’elle vient principalement de la zone irako-syrienne, et menace endogène, qu’on pourrait qualifier de menace inspirée par l’idéologie islamiste. Elle peut atteindre des individus tout à fait isolés.

Il s’ouvrira donc ce matin, ce procès, à Paris, devant une cour d’Assises spéciale, où une régie technique a été installée dans la salle d’audience.

Un sondage explicite: “Ils” ne sont pas … Charlie

Il s’ouvrira alors même qu’un sondage a pointé la veille que la condamnation des djihadistes n’allait pas de soi au sein de toutes les franges de la population, surtout chez les jeunes, qui sont 21% à ne pas condamner les djihadistes et 73%, parmi les Français musulmans, à comprendre que ces caricatures aient pu déclencher de l’indignation. Pour info encore, si 8% des Français n’expriment pas de condamnation à l’égard des auteurs de l’attentat, ils sont 18% de Français musulmans à avoir le même point de vue, et 26% chez les jeunes … Français musulmans.

C’est le procès des seconds couteaux

Il reste que ce procès aura une valeur essentielle, même si les trois terroristes principaux sont absents puisque neutralisés : On y jugera les seconds couteaux, les pourvoyeurs de logistique, les complices, les fournisseurs de moyens. Lesquels plaideront tous, d’évidence, ne pas avoir été au courant des intentions des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly : celui-là est soupçonné d’avoir fourni des armes au terroriste de l’Hyper Cacher, l’écriture de cet autre a été identifiée sur une liste dans laquelle il demande le prix d’explosifs, de détonateurs, de munitions et de chargeurs de kalachnikov. Ces deux encore, toujours du réseau Coulibaly, sont eux ciblés pour leur implication supposée, depuis la Belgique, dans le volet armes du dossier. Tel autre dans le volet logistique…

Pour les frères Kouachi, il faudra un autre procès : l’arrestation inespérée en décembre 2018 du jihadiste français Peter Chérif, cadre d’Al-Qaïda au Yémen, fait l’objet d’une instruction toujours en cours.

Et puis il y en aura 3, et pas des moindres, jugés par contumace : encore vivants ou déjà morts, les frères Belhoucine et l’épouse religieuse de Coulibaly, celui-là pour avoir écrit de sa blanche main la prestation d’allégeance au groupe Etat islamique retrouvée en possession d’Amedy Coulibaly à l’Hyper Cacher, celle-là pour avoir aidé au financement de la chose, seront jugés pour association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes et/ou financement du terrorisme.

Un procès filmé

Rappelons que ce qui a été refusé pour le procès Mérah[3] est aujourd’hui accepté : Comme de très rares procès dans l’histoire de la justice française, celui-ci sera entièrement enregistré. Les images, outil de travail inestimable pour les historiens, seront versées aux Archives Nationales, comme le permet la Loi Badinter du 11 juillet 1985 lorsqu’elles présentent un intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice.

C’est donc une première pour un procès de terrorisme : l’ordonnance du 30 juin 2020 autorisant l’enregistrement du procès des attentats de janvier 2015 fait mention d’un retentissement et d’une émotion qui auraient largement dépassé les frontières et profondément marqué l’histoire du terrorisme national et international.

Pour info, jusqu’à cette loi de 1985, il est interdit de filmer une audience en France afin de sauvegarder l’objectivité et la sérénité des débats ; un amendement à la loi du 6 décembre 1954 interdit donc l’emploi de tout appareil d’enregistrement sonore, caméra de télévision ou de cinéma, appareils photographiques. Seuls les dessinateurs judiciaires peuvent venir croquer les prévenus.

Le procès de Nuremberg sera le premier à être filmé.

Maître Malka évoque Le bras armé « intellectuel » des tueurs de Charlie: Qu’ils sont nombreux

Maître Richard Malka

Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, promet de se battre pour mettre en exergue le sens et le but du carnage : une tentative de mettre définitivement au pas une société de libertés, dont la première de toute, la liberté d’expression, permet en France de critiquer librement, religions et idéologies, autorise le rire, la caricature et l’humour : Le mobile du crime, c’est la volonté d’interdire la critique de Dieu, donc la liberté d’expression, donc la liberté tout court, a-t-il  expliqué au Point. “Ils sont morts pour que nous puissions rester libre. Si nous renonçons au blasphème nous préparons un avenir bien obscur pour nos enfants, a déclaré ce matin l’avocat de Charlie Hebdo à son arrivée au tribunal de Paris. Il demande, Richard Malka, si l’on osera dire que depuis 2006 et la publication par Charlie des caricatures de Mahomet, nombreux sont ceux dans la classe politique, les médias, parmi les universitaires, qui ont été le bras armé « intellectuel » des tueurs de Charlie. En toute inconscience. En toute bonne conscience. En pointant du doigt la rédaction de Charlie Hebdo, au lieu de rester droit dans leurs bottes républicaines en vertu du principe de la liberté d’expression. En accusant l’hebdomadaire de « provocations susceptibles d’attiser les passions[4].  De blesser inutilement les convictions religieuses[5]. D’amalgame inadmissible car l’islam est une religion de paix[6]. (Sic)

Parmi ceux qui ne sont pas Charlie, On n’oubliera pas Virginie Despentes, icône féministe anticapitaliste, qui osa proclamer[7], six jours après la tuerie, son amour pour les frères Kouachi, damnés de la terre, sublimes, forcément sublimes : J’ai aimé aussi ceux-là qui ont fait lever leurs victimes en leur demandant de décliner leur identité avant de viser au visage.

On vomira encore l’abjection à laquelle nous avait pourtant accoutumés un Plenel, qui tint un meeting avec Tariq Ramadan pour parler de … l’enfance malheureuse des frères Kouachi, et qui accusa en 2017 Charlie de participer à une campagne générale de guerre aux musulmans.

On n’oubliera pas La marche contre l’islamophobie organisée par les mafieux traitres à la France Jean-Luc Mélenchon, Danièle Obono – qu’il faudrait aujourd’hui défendre pour une fiction d’un goût contestable -, Olivier Besancenot, Benoît Hamon, Yannick Jadot, Rokhaya Diallo, Esther Benbassa … et consorts.

Gardez, Ô les hésitants, gardez bien en mémoire la déclaration d’Obono : Je n’ai pas pleuré Charlie. J’ai pleuré toutes les fois où des camarades ont défendu, mordicus, les caricatures racistes de Charlie Hebdo ou les propos de Caroline Fourest au nom de la “liberté d’expression” (des Blanc-he-s/dominant-e-s) ou de la laïcité “à la Française”. Mais se sont opportunément tu-e-s quand l’État s’est attaqué à Dieudonné, voire ont appelé et soutenu sa censure.

Les représentants du CFCM, qui, après avoir déclaré que le terrorisme, c’était mal, condamneront vite, très vite, la Une du Numéro des survivants.

Tous ceux qui refusèrent de respecter la minute de silence en hommage aux victimes.

Ceux qui participèrent aux explosions de joie là où vous savez…

Et j’en oublie. Comment lister tous ceux qui mirent genou à terre devant les tenants de l’islam politique, lesquels avaient réussi à faire passer la critique de la religion pour un crime raciste et avaient permis le retour … du crime de blasphème.

Le déroulé prévu d’un procès inédit …

La salle d’audience 2.02 du tribunal judiciaire de Paris, où vont avoir lieu les dix semaines d’audience

50 jours, du 2 septembre au 10 novembre : Plus de deux mois, une telle durée est inédite en matière terroriste. On sait déjà que si la cinquième semaine sera consacrée au déroulement de l’enquête judiciaire, les sixième, septième et huitième semaine seront dédiées aux interrogatoires des 11 accusés présents et aux auditions des témoins en lien avec ces suspects.

Les avocats des parties civiles plaideront les 27, 28 et 29 octobre. Le lundi 2 novembre sera réservé aux réquisitions des deux représentants du PNAT[8]. Les plaidoiries des avocats de la défense se dérouleront du 3 au 6 novembre. Le 9 novembre, les accusés auront la parole en dernier avant que la cour ne se retire pour délibérer. Le verdict est prévu le 10 novembre.

Beaucoup, beaucoup de monde :

1 Président : Régis de Jorna

2 représentants du Parquet National Anti-Terroriste

5 juges professionnels

14 accusés, dont 3 absents

14 experts cités

70 médias accrédités

94 avocats

144 témoins cités

Près de 200 parties civiles

La salle 2.02 du nouveau palais de justice de Paris ne pouvant accueillir l’ensemble des personnes souhaitant assister à l’audience – avocats, parties civiles, presse, public…, 5 locaux de retransmission ont été mis en place : trois salles au deuxième étage du tribunal, l’espace Grand Procès réservé aux journalistes, et l’auditorium du rez-de-chaussée.

Juge et partie, Charlie Hebdo va couvrir son procès

Quel enjeu pour une Rédaction ! Charlie, Partie civile mais aussi media, a confié la couverture du procès à l’écrivain Yannick Haenel et au dessinateur Boucq, 2 personnalités extérieures au journal, mais qui y écrivent régulièrement.

En souvenir de ce qu’est L’Esprit Charlie, ce dessin de Charb, le jour du massacre, ainsi titré : Toujours pas d’attentats en France. Il montre un jihadiste barbu avec une kalachnikov en bandoulière qui dit : Attendez ! On a jusqu’à la fin janvier pour présenter ses vœux ! 

Pour info, très vite arrivera un autre procès, d’une envergure plus grande encore : celui des attentats du 13 Novembre. Censé durer six mois, il aura lieu au Palais de l’île de la Cité.


[1] Certains députés ont fait la courte échelle aux pires formes du sectarisme islamiste, tout cela pour avoir quelques votes supplémentaires. Certains partis politiques aussi. Zineb El Rhazoui

[2] FSPRT

[3] En 2017 la cour d’appel de Paris a considéré que l’enregistrement du procès du frère de Mohamed Merah (accusé de complicité d’assassinats terroristes) ne présentait pas un intérêt proprement dit pour les archives historiques de la justice.

[4] Chirac, président de la République

[5] Villepin, Premier ministre

[6] Élisabeth Guigou

[7] Inrockuptibles

[8] Parquet National Antiterroriste

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7 Comments

  1. La manifestation du 11 janvier n’a servi à rien. La preuve en est que les nazis indigénistes progressent de manière exponentielle et que l’inversion des rôles médiatique est totale : les racistes et les antisémites sont présenté(e)s comme des victimes du racisme et des antiracistes. Ces honteuses manifestations de soutien à Obono (y compris de la part de Caroline Fourest et du printemps républicain) prouvent que de facto Charlie a perdu et Coulibaly a gagné.

  2. au Bataclan l’attaque mortelle qui tua le fils d’une cousine, eu lieu un vendredi soir. C’était Shabbat, alors on ne peut pas dire que ce fut un crime antisémite, tous étant à la synagogue, ou à la mosquée.

  3. Une seule sanction pour ces traîtres de la nation , de la république, delà France et sa civilisation,une seule sanction pour ces complices d assassins de monstres islamiques, c est la mise hors d état de nuire , de ces collaborateurs de l hydre islamique pour préserver la sécurité et à la vie des citoyens de France
    Il serait judicieux et moral de faire un référendum national sur l opportunité de restaurer des peines d exception dont la peine de mort pour des assassins et leurs odieux complices physiques et idéologiques

  4. Nous devons respecter les religions ce journal sème la discorde dans notre pays les musulmans sont des êtres humains comme les juifs où catholiques eux n’ont pas le droit de pratiquer donc où est la liberté d’expression ?

  5. Peut-être manque-t-il les principaux responsables parmi les accusés :
    Ces hommes politiques qui, depuis des dizaines d’années, par leur renoncements successifs ou par intérêt electoral, ont laissé faire.
    La lâcheté collective, comme pendant la guerre à l’égard des juifs
    Et aujourd’hui, à l’egard de toute une nation !

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