La Leçon de chose, ou La mise à mort d’un Covid par la psychanalyse, via le jeu de lettres. Par Dominique Itzkovitch, psychanalyste

Je ne sais pas si je mets leçon de choses ou de chose

Le mot chose me plaît car il ne définit rien

Il reste en suspension, en suspicion

Le doute est-il de l’incertitude

Je vais m’en servir et m’en amuser

Et cette chose deviendra une drôle de petite chose, sans intérêt.

Je crois que je vais divaguer sur les flots de la psychanalyse… La faute en revient à Lacan, dont je me suis lancée le défi, pendant cette période de confinement, de relire, dans l’ordre, et sans passer par- dessus les parenthèses, car il y en a pléthore, chez lui, Les 25 séminaires

Et sans sauter, non plus, un mot

Jeux de mots

Car tous ses mots ont une valeur, il y a des bons mots, il a de l’humour, et il y a aussi des inventés… des compliqués, des à dormir debout, où une chatte n’y retrouverait pas ses petits

Ça, c’est son expression qu’il rabâche à longueur de temps et d’espace de chapitres

Mais ça me plaît, et moi aussi, en digne psy lacanienne, j’aime à jouer des mots, et même des lettres.

Mots d’esprit, calembours, witz, selon le terme employé par Freud, emprunté aux blagues juives des askenazes.

Il faut lire Le Mot d’esprit et son rapport avec l’inconscient de FREUD… Un chef d’œuvre d humour et d’intelligence, et un livre-clé de la psychanalyse.

Lacan ne cesse d’y revenir

C’est de ça qu’il s’agit.. Du rapport du mot d’esprit avec l’inconscient, rapport des MOTS.

Création de lettres, comme le mot famillionnaire, célèbre condensation à partir de Heine se rendant, invité par son cousin très riche, et disant qu’il avait été reçu comme un famillionnaire.

Magnifique… Je nage dans le bonheur, et Freud en fut tout autant réjoui.

J’ai été élevée par un père qui aimait à faire des bons mots.

De là à me dire que je suis née pour être psy… Why not ?

Jouer avec les mots, ce n’est pas se tourmenter les méninges, c’est essayer d’en sortir la substantifique moelle, le suc du nectar le plus pur, le plus riche de sens.

Car il faut faire exploser le mot, le déchiqueter en lettres, et trouver tous les sens possibles, les combinaisons multiples.

Lacan, intéressé par les maths, y a pris son pied.. Combiner, croiser, ajouter, enlever. Jouir.

Voilà, jouer, non jouir des mots : ça commence ainsi, remplacer une lettre, mettre une lettre à la place de l’autre.

Toujours un problème de place, en psychanalyse.

Et d’association. Avoir l’esprit rapide, se hasarder, ou le faire croire.

Car il n’y a pas plus de hasard que de golem.

Et parler… Des mots pour combler les vides.

Des paroles vides, car conventionnelles, à l’opposé des pleines, car chargées de sens en accord avec une pensée qui défile.

Aux psys comme aux analysants, il est requis d’avoir un déroulé rapide, et une attention à ce qui échappe.. Qui voudrait fuir… Mais non. L’écoute est là…

Création de mots…

Il est de bon ton, en psychanalyse, d’inventer, d’être créatif de mots, comme en littérature.

Prenons Perec, c’est un magicien, il a décidé d’ôter les E, et il en a fait un bel ouvrage.

Mais il n’y rien d’étonnant à lire, tonnant, pour me mettre à son diapason, Perec a fait un passage chez LACAN, donc, il a entrevu certains ressorts.

Et il était juif, ce qui ne va sans dire en rapport avec l’histoire du peuple juif et avec les textes sacrés.

Il a choisi de supprimer les E, comme en écho avec la disparition de ses parents, pendant la Shoah.

Et d’autre part, il a compris que l’alphabet hébreu avait commencé avec le Beth, le B, annulant l’aleph, devenue lettre muette sauf revenant voyelle en étant accompagnée.

A l’origine, berechit, était le verbe.

Lacan écrit… A l’origine, était la parole.

Ne pas oublier ce jeu de lettres, dans l’histoire d’Avraham et Sarah… Une lettre ajoutée, changée et le cours de l’histoire du peuple juif a changé… Le couple a pu surmonter l’infertilité. Rien que ça.

Ce lien entre la psychanalyse et la Bible, le Talmud, la kabbale

Et voilà aussi le lien entre la psychanalyse et la Bible, le Talmud, la kabbale.

Tant de liens que je pourrais vous donner…

Et qui a fait dire que ce ne pouvait être qu’un Juif qui pouvait inventer la psychanalyse.

Oui, c’est sûr.

Mais Lacan, aussi, a continué dans cet esprit sur la lettre.

Si l’alphabet hébreu a laissé de côté le a comme première lettre, LACAN a utilisé la lettre a pour inventer l’objet dit petit a, désignant une notion essentielle… Celle de l’Objet cause de désir. Celui qui nous harcèlera toute la vie.

Reprenant, à peu près, l’Objet perdu de FREUD, tous deux apparaissant comme en quête de LA CHOSE EN MAJUSCULES, DAS DING, OU DÉSIR ABSOLU, PUR DÉSIR

Platon parlait de beauté pure

Kant de raison pure

Les psys sont en quête de désir… C’est la chose qu’on n’a plus, qu’on n’a pas, qu’on Naît pas sans avoir et au mieux, qu’on s’imagine qu’on n’est pas sans avoir.

To get or not to get

Comme pour le ohzllus, phallus, signifiant symbolique du pouvoir mâle.

Alors, on en vient à mon idée, à ma trouvaille, dirait Lacan.

Le COVID

Cette chose invisible, innommable, le COVID, qui sévit dangeureusement, s’infiltre dans les corps. Je lui ai ôté son O, une lettre, et par là, lui ai ôté aussi son pouvoir de vie et de mort. Car il devient C VID

Ou C’est vide.

Je l’ai évidée, cette chose… Je l’ai maîtrisée. Banalisée. Nommée comme chose existante, mais vide.

Pas d’étrangeté, la magie du psy opère par le jeu de la lettre.

Autre truc de psys…  Les rêves

J’ai fait passer une annonce sur Facebook : Si vous avez eu des rêves sur le COVID, je prends.

Deux réponses très intéressantes, et qui vont dans le sens de ma démonstration :

L’une m’a dit : C’était comme une tête de mort que je voulais piétiner

L’autre m’a parlé de cafards en grand nombre

Interprétation que je tente : Dans les deux cas, il y a monstration de la chose. Elle devient VISIBLE.

Son pouvoir, qui était d’être invisible, part. Elle est nommée, cafard, tête de mort, donc imagée, concrète, dédramatisée. En tant que cafard, elle est désinfectisable… Tuée. En tant que tête de mort, elle est piétinée, et déjà morte : Les deux choses restent à l’état de Traces, de restes.

Ainsi, les rêves avaient joué à la réalisation de désirs, de souhaits de voir ces choses réduites à des Traces de peur, à des restes d’objets mortuaires, de cadavres. D’objets semant la mort, elles sont devenues objets morts.

De même que par le jeu de lettres, le COVID est devenue lettre morte, chose   sans pouvoir, réduite à devenir le jeu de lettre d’une psy se riant de sa néantisation. D’une psy amusée, qui se mit à rire de son tour de magie.

A ce propos, encore sur Facebook, où il m’arrive de sévir, sans sérieux, deux amies, à la lecture de cet article, et ayant compris cet amusement, m’ont dit que c’était écrit dans mon prénom : en enlevant les O, j’étais … Dminik, celle qui s’amusait, avait trouvé mon amie poète, Elham Bussière, selon un dialecte tunisien.

Quant à mon amie Myriam Atlan, elle a aussi usé de mon fameux procédé d’ôter les o et à trouvé que izst, en hébreu, signifie… Il rira

 Alors, merci à toutes. D’avoir participé à ce jeu de lettres, qui aurait beaucoup plu à FREUD comme à LACAN, sans aucun doute, et je constate qu’il a porté ses fruits.

Belle leçon de… O


Dominique Itzkovitch, aux initiales en accord avec l’importance qu’elle donne aux dits et dires. Docteur en psychologie et Politologue, puis productrice de télévision et radio , elle est Psychanalyste. D. I. vient de créer le THINK TANK DEVENIR, qui se veut un centre de réflexions interdisciplinaires sur les grands problèmes de société et de démocratie face à un monde en perte de valeurs démocratiques et en butte à des questions majeures de société.

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2 Comments

  1. Et merci Dominique Itzkovitch pour cet article brillant, érudit et accessible. Sans oublier l’humour… Que l’on s’intéresse à Lacan, à la psychanalyse où tout simplement aux mots pour dire, pour se dire, pour mieux entendre aussi, on est captivé de bout en bout. Pas si simple sur une telle thématique. Très fort 👍

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