Tout dire et ne rien faire : gouverner sans gouvernail, par Cécile Attal

Napoléon avait-il prévu la décadence du XXIe siècle lorsqu’il déclarait « Il y a des gens qui se croient le talent de gouverner par la seule raison qu’ils gouvernent[1] » ?

Aujourd’hui, se croient talentueux ceux qui communiquent au lieu de gouverner

La première chose qu’explique un prof de com’ à ses étudiants de première année, c’est que la communication est une discipline, dans les deux sens du terme, qui recourt à des techniques afin de formuler les messages le plus précisément possible et de s’assurer qu’ils atteignent bien leurs destinataires. La communication n’a pas vocation à se substituer aux actes : la meilleure preuve en est l’échec de toutes celles qui s’y sont essayées.

Les conseillers en com’ de nos dirigeants/élus ou aspirant à être l’un ou l’autre ne font pas partie des étudiants qui ont eu à méditer ces sages paroles… ou alors ils les ont oubliées, signe que la communication de leur prof était inefficace.

Comment échouer en communication ? Le nec plus ultra

La méthode la plus efficace tombe sous le sens : il faut et il suffit d’échouer dans l’action que l’on veut communiquer. Pour potentialiser l’échec, on peut, de surcroît, mépriser l’axiome de ToutanKhommunikation : toujours cerner le sujet afin d’y répondre le plus précisément possible. L’échec est résumé dans le titre du Huff Post du 27 novembre : « Face aux gilets jaunes, Macron va répondre écologie ». Les gilets jaunes parlent de leurs fins de mois difficiles, le Président de la République leur répond « fin du monde ». Aucune mesure n’étant prise pour améliorer leur sort, le ressentiment des Gilets jaunes va croître et leur nombre se multiplier.

Le souci écologique est un sport de riche : la fin du monde, on ne peut s’en soucier qu’une fois satisfaits nos besoins primaires (le gîte et le couvert), secondaires (chauffage & électricité, éducation…) et tertiaires (culture, loisirs…).

L’écologie devient « le polo de la politique[2] » quand les puissants essaient de satisfaire ce besoin du quatrième type en le faisant payer par ceux qui ont du mal à satisfaire leurs propres nécessités secondaires. Il ne s’agit pas d’une simple formule : l’État cherche à payer les intérêts de son emprunt en multipliant les taxes, sans faire un centime d’économie sur ses dépenses, voire en les augmentant. Prétendre le contraire ne fera jamais disparaître la dette ni les intérêts qu’elle génère.

Mentir et se faire prendre la langue dans le cul-de-sac

Cela se multiplie évidemment si l’on multiplie les émetteurs et les mensonges. En ce qui concerne la crise des « gilets jaunes » on a eu droit à une symphonie.

Dans leur tropisme obsessionnel anti-droite, les alliés objectifs de la politique et des médias ont entonné le refrain « retour des heures sombres ». Exemples :

Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a évoqué la présence de groupuscules d’extrême droite. Réflexe conditionné, Europe 1 a renchéri : « Gilets jaunes″ : 200 militants d’ultra-droite ont participé aux débordements à Paris »… tout en observant, photos à l’appui, qu’il « semblerait que les casseurs soient plutôt d’extrême gauche. »

Google fait la même remarque : « Gilets jaunes, Castaner ment-il ? Aucun militant d’extrême-droite parmi les 130 interpellés. Des tags et drapeaux d’extrême gauche trouvés aux Champs-Élysées (Photos, Google). »

Eh oui, le doute s’est installé, quand bien même la Team Macron avait ajouté sa petite touche de peste brune pour enfoncer le clou de la bien-pensance :

TEAM MACRON@TeamMacronPR
Tranquille, un salut nazi sur les Champs-Élysées #SansMoiLe24 #24novembre#GiletsJaunes
13:13 – 24 nov. 2018

On n’est jamais trahi que par les siens : c’est Libé qui a vendu la peau de l’ours brun. CheckNews de Libé« Une membre du service RH du groupe NextRadioTV, Marine Elisabeth, qui sait lire sur les lèvres, a bien voulu traduire la vidéo pour nous. Résultat : « on voit bien le « ve » prononcé », estime-t-elle. Le gilet jaune semble bien dire Ave Macron. Son salut est donc plus vraisemblablement un salut dit romain et non un salut nazi (Libération). »

Créer l’événement ? Oui, à la rigueur. L’inventer ? Jamais !

La journaliste Laura Cambaud aurait dû poser la question au prof et écouter la réponse, au lieu de se lancer tête baissée dans l’invention pure et simple. Hélas, en direct d’une place de la Concorde entièrement vide où il ne se passait strictement rien, elle commentait : « Regardez, les casseurs ont lancé plusieurs bouteilles en verre, regardez, ils lancent aussi des bombes artisanales, des bombes agricoles. » Le téléspectateur avait beau écarquiller les yeux, il ne voyait rien, car il n’y avait rien à voir. Ce qui n’a pas empêché l’héroïque Rouletabille d’ajouter : « et les forces de l’ordre répondent par des bombes lacrymogènes, regardez, il est très difficile de respirer… » L’homme présent à ses côtés n’avait pas l’air de souffrir de la moindre obstruction respiratoire et encore moins d’occlusion oratoire : « elle raconte n’importe quoi, il n’y a pas de bombes ni d’armes ! » s’est-il indigné en montrant l’espace vide et le ciel clair. L’inventeuse du reportage l’a interrompu pour l’interroger sur la raison de sa présence (Twitter) : prise la main dans le pot de réécriture, elle a détourné la conversation, comme n’importe quel enfant de plus de trois ans l’aurait fait.

Pour se décrédibiliser rapidement : promettre ce qu’on ne pourra pas tenir

Cette méthode n’est pas réservée à la communication : les pédiatres la déconseillent à tous les parents. Or justement, l’attitude de la « France d’en haut » se situe dans le registre du parent exaspéré par une progéniture aussi insolente qu’ignorante. D’où cette pose bravache de notre Président qui, dans un premier temps, clame haut et fort qu’il ne cèdera pas à la pression de la populace : « ‘’Gilets jaunes’’ : Pourquoi Macron ne veut pas renoncer aux taxes sur le carburant » titrait, le 20 novembre 20 minutes, analysant en trois points, le refus du gouvernement de céder, « quitte à creuser un peu plus son impopularité », le calcul électoral sur lequel se fonde cette posture : « cimenter sa base électorale notamment grâce à l’écologie, et au passage capter une partie de l’électorat vert et de gauche » et la raison extérieure qui l’amènera certainement à en changer : « l’opposition, dont le Rassemblement national, en tête des sondages, compte faire de ce scrutin un référendum sur le gouvernement (20 minutes). »

La langue du bois dont on fait les gourdins

Cela n’a pas raté : « ″Il n’y aura pas de virage″, selon un poids lourd de la Macronie, mais un « discours de la méthode » quelque peu corrigé afin de « surmonter les résistances » (Le JDD) ».

Qu’en termes délicats ces choses-là sont dites ! Et qu’en énarque dans le texte la décision est prise de noyer le poisson : les « forces vives de la nation » seront consultées grâce à la création d’un Haut Conseil pour le climat.

Il faut vraiment vivre hors sol des réalités quotidiennes de ce pays pour agiter le chiffon rouge d’une nouvelle couche au mille-feuille des comités Théodule financés à fonds perdus (et dans un trou sans fond), face aux Gilets jaunes exaspérés par les dépenses somptuaires que leur porte-monnaie doit financer !

L’élite se délite

« L’art de gouverner n’a encore été que l’art des expédients. Ne serait-il pas temps qu’il devînt l’art de tirer des principes toutes leurs conséquences et de remonter des effets aux causes ? »

Quel journaliste politique a si clairement résumé le mal qui ravage la France de 2018 et la crise des Gilets jaunes ? Hélas, il s’agit d’Emile de Girardin, fondateur du quotidien parisien La Presse, décédé en 1881. Au temps pour ses successeurs, convaincus que Macron est moderne et qu’eux-mêmes sont infaillibles !

Cécile Attal, mabatim.info

[1] Napoléon Bonaparte, Maximes et pensées (1769-1821)
[2] © Serge Skrobacki

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