Le Pen et Mélenchon : Prasquier explique

La marche du 28 mars en mémoire de Mme Knoll a été suivie de critiques acerbes visant le Crif qui en était l’organisateur. Le président de la France insoumise et la présidente du Front National en avaient été exfiltrés par la police en raison de mouvements de foule hostiles. La responsabilité de cette exclusion fut attribuée à la décision du Crif d’interdire leur venue, alors même que le fils de Mme Knoll avait déclaré qu’il souhaitait que tous puissent être présents.

Or, Francis Kalifat, président du Crif, n’avait pas « interdit » à Marine Le Pen et à Jean-Luc Mélenchon de participer à cette marche : il avait souligné qu’ils n’y seraient pas les bienvenus. La nuance est d’importance. Sur une photo souvenir de la manifestation, subliminalement consensuelle, leur image n’était pas souhaitable. Mais leur présence au milieu du public anonyme relevait de leur décision citoyenne. Il ne s’agissait pas d’une marche « blanche » compassionnelle: qui n’est pas horrifié par l’assassinat d’une vieille dame invalide ou par les attentats de Trèbes, s’exclut de notre société. Mais cette marche silencieuse avait un objectif politique, alerter la cité contre un antisémitisme qui s’étend, qui fait peur, qui tue et qui a trop été tu pendant ces dernières années.

Comment obscurcir la clarté de ce combat qui est celui du Crif depuis qu’il a été créé en 1943, en laissant en tête de manifestation des dirigeants de partis où se réfugient beaucoup d’antisémites à la mode d’hier et beaucoup de négationnistes de l’antisémitisme d’aujourd’hui ?

Certes de nombreux dirigeants, militants et électeurs de ces partis ne sont pas antisémites. Mais les amitiés ou les complaisances avec d’authentiques antisémites laissent de lourdes ambiguïtés.

En France, en dehors du père Hamel, les seules victimes d’assassinats pour motifs religieux sont des Juifs, pointe d’un maelstrom de violences et d’insultes dont certaines font partie du quotidien d’une partie des Juifs de France. Le moteur de ces actes est univoque, c’est la propagande islamiste. Le moteur du déni et de la minimisation de ces actes est également univoque, c’est l’israélophobie dont une partie de notre société considère qu’il s’agit d’un viatique pour se placer dans le camp du bien. Le Mouvement des Insoumis a largement puisé dans le réservoir de complaisance qu’offrent les concepts piégés d’antisionisme et de lutte contre l’islamophobie. La polémique actuelle l’incitera peut-être à réfléchir à ses surprenantes alliances. Elle serait alors loin d’être inutile.

Quant au Front National, il n’a pas eu de part dans les violences contre les Juifs au cours de ces dernières années et sa présidente a rejeté les allusions antisémites ignobles qui ont rendu le nom de son père odieux. Mais un Juif ne peut accepter un discours qui conduit à stigmatiser certains groupes d’individus pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils font.

Les manifestations d’hostilité envers Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont pris un caractère regrettable . La première a pâti de son nom alors que le passé de Mme Knoll était dans les mémoires .Le second a subi les attaques verbales de militants de la LDJ dont l’importance est surestimée pour le faire passer en équivalent juif de l’islamisme radical. Faire croire que ce mouvement est un pseudopode du Crif est un stupéfiant mensonge: tous les présidents du Crif depuis une vingtaine d’années ont été trainés dans la boue par ce groupuscule.

Nous sommes avides à juste titre de paix civile et de fraternité, même si nous percevons mieux les limites du « vivre ensemble » quand les slogans mettent un anesthésique trompeur sur les plaies de notre société. La nécessaire décision du Crif ne pouvait pas être populaire. Elle témoigne de la situation sans la colorer par des lunettes roses. Cette attitude a valu au Crif les critiques des idéologues les plus engagés et des optimistes les plus angéliques. Si on y ajoute les jalousies, les ignorances et les doutes devant la déferlante des critiques, la position de président du Crif n’est pas confortable. L’ayant exercée, j’ai un peu appris sur les déclarations qui génèrent l’approbation et la désapprobation du résonateur médiatique, dont l’avis, qu’on s’en réjouisse ou non, porte loin. Mais en faire son fil directeur eût été une tentation dangereuse. L’exigence de lucidité n’exclut pas des maladresses, mais elle permet des avertissements lucides quand la société préfère fermer les yeux sur la triste réalité du « nouvel” antisémitisme. Comme un symbole, la marche du 28 mars a eu lieu la veille du procès en appel de Georges Bensoussan, à qui certains ne pardonnent pas d’avoir été dirigé le livre des « territoires perdus de la République », qui mettait dès 2002 le doigt sur la haine anti juive et anti française qui contamine une partie de la jeunesse de notre pays.

Casser un thermomètre ne soigne pas une fièvre.

Richard Prasquier

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3 Comments

  1. Ecoutez Serge Klarsfeld très clair et pertinent à ce sujet,

    https://www.youtube.com/watch?v=T0wXPtyjI_0

    Le déni et l’accusation de communautarisme du Crif et, par rebond, de Serge Klarsfeld lui-même par les journalistes et l’homme politique présents sur le plateau est une infâmie se parant des couleurs avantageuses de l’empathie envers le fils de Mireille Knoll qui, de sa place, ne pouvait pas et n’avait pas la force de dire autre chose que ce qu’il a dit, ce qui ne veut pas dire qu’il avait raison. Un crime antisémite a été l’occasion de repeindre, sous prétexte d’union nationale la République aux couleurs d’une étrange réminiscence néo-pétainiste qui ne se connaît pas et ne veut pas se connaître pour ce qu’elle est. Car Pétain lui aussi avait été élu démocratiquement pour collaborer avec l’ennemi nazi – puisque là était l’argument-force des contradicteurs de Klarsfeld. Il a manqué à Serge Klarsfeld juste cet a-propos qui aurait consisté à rétorquer qu’il aurait aussi fallu accepter les représentants français des Frères musulmans (UOIF) et autres wahhabites dans le cortège puisque eux aussi élus démocratiquement et ayant l’oreille de nos gouvernants. Serge Klarsfeld a gardé toute sa tête et sa lucidité en ces temps sombres quand il a remarqué l’absence du peuple dans cette marche, en-dehors des responsables politiques. C’est lui le représentant des Lumières et ces journalistes et ce politique les représentants de la peur qui finit en collaboration.

  2. Avec Richard Prasquier, les choses qui se sont compliquées par les “dires” et les “allégations” de certaines personnes qui se parent du savoir, deviennent claires. Il explique comme toujours, avec des mots bien choisis ce qu’il en est. Merci.

  3. Une réponse de TRIBUNE JUIVE au délire de Mme Lamm aurait été souhaitable.
    Le maréchal Pétain était devenu auparavant président du conseil mais le vote, non particulièrement démocratique, des pleins pouvoirs afin “de préparer une constitution nouvelle sous l’autorité du maréchal Pétain” n’était pas l’autorisation d’assassiner la République, de suspendre le Parlement et de “légiférer” par actes réglementaires, appelés “lois, décrets…” par le Journal Officiel de l’Etat Français. Pétain s’était nommé tout seul Chef de l’Etat Français. Il n’a jamais été élu. Son coup de force fut bien un coup d’Etat.
    De la même façon, Hitler ne fut jamais élu démocratiquement. Le NSDAP, minoritaire en voix et en sièges, reçut l’appui du Zentrum (sic) qui permit la législation d’exception, grâce à la complicité du président Hindenburg qui signa tout, et le coup de force de la prise de pouvoir.
    Il faut en finir avec la fable que les démocraties se sont suicidées.

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