Pourquoi pas au Panthéon ? Par François Heilbronn

Léon Blum fut un des premiers dreyfusards, aux côtés de Bernard Lazare et de Charles Péguy.

On croyait tout savoir après avoir lu les biographies magistrales de Lacouture et de Greilsammer. Eh, non ! il fallait encore la ténacité, et ce sens des sources et des archives de Pierre Birnbaum, pour encore mieux appréhender à quel point Blum fut courageux et admirable.Léon_Blum_Meurisse_b_1927

Un Blum, en juif fidèle, militant, courageux moralement et physiquement face à la haine antisémite, enfin un Blum, sioniste de la première heure. Blum mange casher jusqu’à son entrée à Normale Sup. Élève à Henri IV, il apporte « des pains azymes et des viandes selon les rites », note l’intendant du Lycée. Blum fut un des premiers dreyfusards. Ce jeune dandy, aux nombreux succès féminins, conseiller d’État, va s’engager avec force et âme aux côtés du prophétique Bernard Lazare et de son complice Charles Péguy, le patron visionnaire des Cahiers de la quinzaine et surtout l’auteur de ce grand texte de défense des juifs ; Notre jeunesse. Blum n’a peur de rien, il n’hésite pas à se battre en duel à l’épée. Il publie des articles de « juriste » dans la Revue Blanche pour défendre celui qui n’a été accusé de trahison que par le simple fait d’être juif. Il l’écrit d’ailleurs dans Souvenirs sur l’Affaire : « Il fallait donc se souvenir que Dreyfus était juif, qu’un juif reste toujours un juif. »

Héritier de Jaurès, démocrate militant, il refuse l’adhésion aux valeurs du bolchevisme. Il prône l’idéal démocratique contre les tentatives révolutionnaires à tendance totalitaires. En 36, il échappe de peu à la mort, quand une foule pogromiste de camelots essaie de l’assassiner en le tabassant boulevard Saint-Germain. Devant les attaques antisémites qui se succèdent jusqu’à la Chambre, il n’a pas honte, il s’affirme toujours comme juif, Français et patriote : « Aussi loin qu’il est possible dans l’histoire d’une famille plus que modeste, mon ascendance est purement française. Depuis que les juifs français ont un état civil, mes ancêtres paternels ont porté le nom que je porte aujourd’hui. »

Blum, Président du Conseil, tint bon contre la haine fasciste, essaya de sauver la République espagnole, mais lâché par les Anglais ne pu envoyer que quelques armes, à son grand regret. Solidaire des réfugiés juifs et antinazis qui affluaient, il leur ouvrit les portes de la France, et conclut un vibrant plaidoyer pour eux par « comment allez-vous leur refuser l’asile d’une nuit ? » et de poursuivre : « votre maison est peut-être déjà pleine, c’est possible, mais quand ils frappent à votre porte, vous la leur ouvrez ».

Blum premier résistant. Il choisit volontairement de rester en France, pour ne pas donner l’impression de fuir : « Je dois prendre ma part dans le sort commun ». Emprisonné par Vichy le 15 septembre 1940. Il ne refuse pas le procès. Ce procès, où âgé et seul, il retourne l’accusation et transforme Pétain et ses alliés en responsables militaires de la défaite. Face à la cour, il n’esquive rien et avec les risques que l’on connaît déclare : « Je suis marxiste, je suis juif. » Très tôt, il apporte son soutien et son poids politique à de Gaulle, qu’il connaît et apprécie. Il est déporté à Buchenwald, avec l’admirable Mandel. Autre grand résistant, visionnaire et courageux. Il survit miraculeusement. Et quand il revient, il ne prône pas la vengeance contre le peuple allemand. Il intercède pour que Laval ne soit pas fusillé : « Je ne demande pas la grâce mais un nouveau procès », puis il accable le traître Pétain lors de  son procès.

Blum sioniste, enfin ! Un beau kibboutz au pied du Mont Hermon, prend en 1943 le nom de Kfar Blum. Blum les avait encouragés en leur écrivant avant guerre : « En tant que français, socialiste et juif, je me sens fier à l’idée que des citoyens américains, des ouvriers américains souhaitent associer mon nom à la fondation de cette institution sur le sol de la Palestine. » Proche de Chaim Weizmann et Marc Jarblum, il militera depuis les années 20 pour la création d’Israël. En 1922, il déclare : « Nous les socialistes français nous vous aiderons de tout notre pouvoir, parce que le sionisme se concilie avec le socialisme international, Jaurès aimerait votre œuvre, elle est socialiste car populaire, juste et humaine. »

En 1926, il devient Président de l’Union sioniste française. Après guerre, il usera de tout son poids politique pour que la France vote la création de l’État d’Israël contre l’opposition du pro-arabe quai d’Orsay.

Avant de mourir, il écrit le 1er février 1950, ce texte admirable auquel près de 70 ans plus tard, on peut s’identifier pleinement : « Juif français, né en France d’une longue suite d’aïeux français, ne parlant que la langue de mon pays, nourri principalement de sa culture, m’étant refusé à le quitter à l’heure où j’y courais le plus de dangers, je participe de toute mon âme à l’effort admirable miraculeusement transporté du plan du rêve au plan de la réalité historique qui assure désormais ; une patrie digne, égale et libre à tous les juifs qui n’ont pas eu, comme moi, la bonne fortune de la trouver dans leur pays natal. J’ai suivi cet effort depuis que le président Weizmann me l’a fait comprendre. Je m’en suis toujours senti et je m’en sens plus que jamais solidaire. »

Lisez ce livre passionnant, riche en anecdotes et citations méconnues, et comme toujours si élégamment rédigé par Pierre Birnbaum. Grâce à lui, redécouvrez le grand Blum. Une question pour conclure : Pourquoi Blum n’est-il pas au Panthéon ?

Source Magazine L’ARCHE

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