Marcel Lepinay, «Juste parmi les Nations»

Avec ses parents Alexis et Hélène, Marcel Lépinay a, pendant la Seconde Guerre mondiale, sauvé des Juifs de l’Occupation nazie. Pour cet acte héroïque, il recevra la plus haute distinction de l’Etat d’Israël.

Jacques Abramczyk et Marcel Lepinay (de gche à dte). Crédit Yad Vashem
Jacques Abramczyk et Marcel Lepinay (de gche à dte). Crédit Yad Vashem

1942. La guerre fait rage. En France, les Allemands traquent les Juifs pour les conduire dans les camps de concentration et les éliminer.

Lors de rafles en Sarthe, Wolf Abramczyk, un Polonais marié à une Française, Renée, tente de cacher sa famille. Marchand ambulant dans divers marchés, le couple est bien connu à Mamers et sa région.

Au cours d’une inspection dans le train qui allait les emmener en zone libre, Wolf est repéré. Les Allemands lui tirent dessus et le tuent. C’était le 6 février.

A Monhoudou

Louise Epelbaum, la mère de Renée, couturière de métier, habite à Monhoudou.

«Nous nous sommes connus car elle habitait la maison qui se trouvait à 250 mètres de chez nous, se souvient Marcel Lépinay, du haut de ses 91 printemps consommés fin mai. Elle était couturière. Elle a déménagé dans une autre maison, à 1 800 mètres du bourg, le long d’un chemin à “La Ménagerie”.»

Atteint gravement de la diphtérie cette année-là, Jacques, l’un des cinq enfants du couple Abramczyk, est éloigné de ses proches, afin d’éviter la contagion. Son frère Guy part vivre chez sa grand-mère, Louise Epelbaum.Avec sa bicyclette

Les rafles s’intensifient. Marcel revoit le «car» stationné sur la place du village.

« Ce jour-là, raconte l’ancien agriculteur, papa est allé chercher le pain dans le bourg. Il rencontre le secrétaire de mairie et lui demande de les retarder pour aller vite avec sa bicyclette afin de prévenir Louise Epelbaum. »

« Il arrive dans la cour de sa maison. La porte était fermée à clé. Papa a caché sa bicyclette dans les buissons et il s’est tiré à travers champs. »

Louise avait vu le « car». « Ça y est, ils viennent me chercher », a-t-elle immédiatement pensé. « Surtout qu’elle avait un frère à Paris qui avait été déporté. » La couturière s’enfuit avec son petit-fils Guy, qu’elle laisse chez la famille Foulard, jusqu’en 1944.

«Papa est rentré avec le pain. Louise est venue le soir même chez mes parents. Je ne sais pas comment elle a été prévenue. Papa s’est sûrement arrangé pour l’avertir», songe Maurice.

Passée tout près

Les Lépinay acceptent de cacher Louise sur sa demande. Ils lui ont donné une de leurs chambres. Marcel est allé dormir dans la grange. Louise y restera de mars à avril 1942.

Louise a échappé de peu au drame. Tout s’est joué rapidement. « Ils ont forcé la porte, sont entrés dans la maison. Il y avait encore du feu dans la cuisine. Elle ne devait pas être loin. »

« Louise est venue à la maison un certain temps. Dès qu’on voyait des gens dans la cour, elle allait se cacher dans la chambre. »

Dénonciations

Deux mois plus tard, avec le danger grandissant des dénonciations, Maurice a emmené la vieille dame dans sa «voiture à capote», à dix kilomètres de la maison. «C’était convenu que je la dépose dans le bourg d’Avesnes-en-Saosnois, chez Monsieur et Madame Marcel Royer. Les parents avaient sûrement orchestré quelque chose.»

Louise et sa fille Renée sont ensuite allées se réfugier à Bellavilliers. «Avec de faux papiers.»

Marcel a aussi changé d’identité : le secrétaire de la mairie de Monhoudou l’a rajeuni de deux ans.

« Avec ces fausses cartes d’identité, je m’appelais Marcel Loiseau. On risquait le service du travail obligatoire (STO) et on avait été rajeuni. En 1944, j’avais 18 ans. »

Comme tous ces résistants qui, à leur façon, ont défié l’envahisseur allemand, Marcel risquait sa vie « sans le savoir ». « A cette époque, il n’y avait aucune information. Les camps de concentration, on ne savait rien. »

Le quotidien a repris

La Gestapo est venue chercher le secrétaire de mairie. « Je l’ai su après. » Il raconte :

« Ils lui ont dit de prendre ses affaires et de les suivre. Emmené en Allemagne, il a survécu à trois camps, dont celui de Dachau. Libéré en avril 1944 par les Russes, il a été emmené en Pologne, puis en Russie. »

Il est mort peu de temps après, sur le chemin du retour.

C’est un prêtre sarthois qui a donné des nouvelles lors d’une cérémonie en son hommage. « Il avait été lui aussi déporté. »

En 1945, la guerre s’est arrêtée. Le quotidien a repris. Le travail, la vie. Cet épisode, « nous en parlions de temps en temps », avoue Marcel. « Cela faisait partie d’une période de la vie, d’une période pas vraiment belle. »

Cérémonie

Ce dimanche 20 mars 2016, Alexis et Hélène Lépinay et leur fils Marcel, dans sa 92e année, vont recevoir des mains d’un diplomate de l’Ambassade d’Israël la médaille des « Justes parmi les Nations ». Cette haute distinction est remise aux personnes ayant sauvé des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Deux ans d’échanges et une grande fierté

Parce que son père et ses grands-parents ont commis un acte héroïque, parce qu’ils l’ont fait par solidarité et sans arrière-pensée, parce que trop de gens se sont affichés résistants à la Libération, Jean-Louis Lépinay a œuvré afin que Marcel, Alexis et Hélène reçoivent la médaille des « Justes parmi les Nations ».

Cette distinction est décernée par l’Institut Yad Vashem de Jérusalem aux personnes qui ont sauvé, au péril de leur vie, des Juifs sous l’Occupation nazie.

Depuis 1963, Yad Vashem, en hommage aux « Justes parmi les Nations », a créé l’Avenue des Justes plantée d’arbres à leurs noms, puis le Jardin des Justes où les listes de noms sont gravées sur des murs, pays par pays.

Après avoir envoyé un premier courrier, le 2 février 2014, au secrétariat des Anciens combattants, qui s’est déclaré incompétent, Jean-Louis Lépinay est réorienté vers l’Institut Yad Vashem, pour faire reconnaître son père Marcel, et ses grands-parents, Alexis et Hélène.

Il rencontre des neveux de Jacques Abramczyk qui connaissaient son père. Qui effectuent plusieurs allers-retours en Israël pour faire avancer le dossier. A Mamers, Jean-Louis réunit alors un maximum de documents auprès de la mairie de Mamers.

En janvier

« En janvier dernier, Yad Vashem a reconnu mes grands-parents et mon père. Le Gouvernement a aussi décidé d’attribuer à mon père la Légion d’honneur. »

Une reconnaissance. Pour Jean-Louis, cette reconnaissance est une « fierté » :

«J’avais tellement d’admiration pour mes grands-parents qui ont agi sans jamais rien demandé. Comme tous ceux qui ont fait preuve de solidarité, mon père avait une telle humilité. Alors qu’il y a tellement de gens qui se sont affichés comme résistants mais qui n’ont jamais rien fait.»

Source le-perche

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*