Vigipirate : à Paris, les soldats en armes intriguent

Le domicile d’un ministre ? Une école bilingue fréquentée par des enfants de diplomates ? Une synagogue ? Depuis les attentats de janvier, la présence de militaires en armes devant certains immeubles intrigue des Parisiens qui se découvrent voisins d’un “site sensible”.

 Auteur / Source / Crédit : BERTRAND GUAY / AFP
Auteur / Source / Crédit : BERTRAND GUAY / AFP

Dans une rue du 15e arrondissement, pas très loin de la tour Eiffel, c’est un immeuble d’habitation des plus communs, dont la façade en béton blanc ne porte aucune inscription. Devant, trois militaires en treillis camouflage, fusil d’assaut Famas en mains.
Marie-Françoise, sexagénaire du quartier, est persuadée qu’ils sont là pour l’école bilingue du bout de la rue: “beaucoup de diplomates ont leurs enfants là-bas, c’est pour ça”. Son mari penche plutôt pour une “petite synagogue cachée dans l’immeuble”.
Quand on leur pose la question, les militaires assurent surveiller toute la rue: “il y a une école, une église, on protège tout ça”. C’est alors qu’une poignée de jeunes hommes, dont certains portent une kippa noire, sort de l’immeuble et se faufile derrière eux. Sourire des militaires: “bon, voilà, c’est eux qu’on protège…”
“C’est une petite synagogue, avec un réfectoire où on se retrouve pour déjeuner”, explique l’un des jeunes, Ouri Berreby, un étudiant de 23 ans. “Ces militaires en armes, au début ça me choquait, maintenant c’est une routine”, dit-il. “Mais quand on voit ça, on se demande si on a encore notre place en France…”
Depuis les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, 10.500 militaires protègent 830 “sites sensibles” en France dont 310, principalement israélites, en Ile-de-France. Par ailleurs, 2.000 policiers sont mobilisés sur le plan Vigipirate rien qu’à Paris.

C’EST BRAD PITT QUI HABITE LÀ ?

Dans une rue commerçante de la Rive droite, deux policiers gardent l’entrée d’un immeuble, gilet pare-balle et pistolet mitrailleur 9mm en bandoulière. Gelés par le froid, ils tuent le temps en décrivant le scénario de l’attaque qu’ils pourraient subir. “Si on se fait trianguler, on pourra rien faire”, dit l’un d’eux en agitant les bras. L’autre acquiesce.
Au café qui jouxte l’immeuble, personne ne sait pour qui les policiers sont là. “On leur demande hein, mais ils ne disent rien”, dit le garçon derrière son bar. A côté, dans une petite boutique de téléphonie, les vendeurs savent: “c’est le patron de Charlie Hebdo”. Les policiers ne confirment rien. “Tout le monde nous demande mais on ne peut pas le dire. De toutes façons il vaut mieux ne pas savoir…”
300 mètres plus bas, quatre militaires armés sont en faction devant un café bobo. La patronne râle: “c’est pas bon pour le commerce, les touristes n’osent pas rentrer”. Les hommes protègent la synagogue d’en face.
Plus loin, d’autres militaires patrouillent dans une rue piétonne, devant l’imposant siège du Grand Orient de France. Ce n’est pourtant pas lui qu’ils protègent, mais une discrète synagogue un peu plus loin.
Un immeuble gardé 24h sur 24, par deux soldats en armes, suscite une curiosité intense. “Les soldats sont arrivés juste après Charlie Hebdo”, raconte Françoise, la concierge qui vit en face. “Personne ne savait qu’il y avait quelque chose dans la rue alors tout le monde s’est demandé ce que c’était. Certains ont pensé que c’était pour un journaliste important”.
Aux questions insistantes, les militaires répondent dans un sourire qu’ils sont là “pour Brad Pitt et Angelina Jolie”. En fait, il s’agit du siège d’une association juive.
Pour les “Voisins solidaires”, l’association qui a créé la Fête des voisins, ces militaires en faction sont de “nouveaux voisins”. “En cette période de froid, certains leur apportent spontanément une boisson chaude ou de quoi grignoter.”
Stéphane Jourdain

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