15 août 1944 , à la mémoire de mon père par Pascale Davidovicz

Le 14 août 1944, un premier message est émis à 19h15 «Gaby va se coucher dans l’herbe », puis un deuxième « Nancy a le torticolis », et enfin un troisième émis à 21h20 « Le chasseur est affamé ».
Bien moins poétique, mais tout aussi efficace que « les sanglots longs des violons… » de Verlaine, c’est au total une douzaine de messages codés qui annonce à la Résistance le débarquement des forces alliées en Provence pour le lendemain.
L’Opération Anvil Dragoon, le débarquement en Provence va commencer.

Mon père, depuis qu’il a échappé aux rafles, fui le STO, ait passé une nuit à ôter à la lame de rasoir le tampon « juif » apposé sur sa carte d’identité lors du recensement des juifs, passé la ligne de démarcation, a intégré en 1943 le maquis des Basses Alpes, maintenant Alpes de Haute Provence.

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Mon père en janvier 1944

 Dans les Basses Alpes, le soulèvement de l’Ubaye et la tentative de création d’une zone franche dans la région assez désertique de Valensole, ont allumé une guerre féroce dès début juin 1944.
Mon père participa, entre autres, à la rocambolesque libération des cent cinquante détenus retenus à la citadelle de Sisteron.
Les maquisards, déguisés en gendarmes français, conduisent à la citadelle un soit disant convoi de prisonniers. Les gardiens allemands ouvrent les portes.
Aussitôt, les menottes tombent des mains et les armes sortent des poches.
Les résistants emmènent avec eux les détenus et la garde chiourme allemande.

Avoir vingt ans dans le maquis

Mais quand on a vingt ans et que l’on est dans le maquis, les distractions sont rares.
Alors, mon père faisait le pitre pour divertir ses camarades de combat.

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juillet 1943

Il imitait Maurice Chevalier et Charles Trenet.

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juillet 1943

La libération.
Le 18 août 1944, La Task Force Butler, le détachement blindé aux ordres du Général Alexander Patch, commandant la 7ème Armée, s’élance vers Sisteron, et s’empare de Digne le lendemain.
La liaison est faite avec la Résistance, et mon père parlant l’anglais, les américains le recrutent comme « éclaireur ».
Je conserve précieusement son pin’s de l’US Army, son écusson d’épaule de la 7ème Armée américaine, et son brassard FFI avec la Croix de Lorraine.
Sa mission consiste surtout à prendre contact avec les populations locales.
Car comme l’avancée a été fulgurante, la logistique et l’intendance américaines peinent à suivre, et les soldats voudraient bien manger autre chose que du corned-beef et des fayots.
Ils veulent des fruits et des légumes frais, et surtout de la viande fraîche.
Ils ne sont pas toujours conciliants les paysans à donner à leurs libérateurs ce qu’ils souhaitent, alors mon père m’avoue qu’il fallait parfois faire preuve de persuasion…
Les américains voulaient le garder et lui octroyer du grade.
Mais non, il ne les suivra pas jusqu’au Berchtesgaden.
Sa guerre était finie. Il ne voulait que rentrer chez lui et retrouver les siens en espérant qu’ils aient survécu.
C’était le cas.

Le souvenir.

Dans la côte de Vallongue, huit résistants, en provenance de Valensole, montés sur une camionnette précédée d’une estafette moto, et equête de ravitaillement, rencontrent malencontreusement une patrouille allemande en provenance de Manosque.
Ils sont exécutés le dimanche 11 juin 1944.
Le plus jeune avait 18 ans.
Ce jour-là, mon père devait les accompagner, mais sa présence n’était pas nécessaire, et il alla conter fleurette à une belle du coin.
Parmi les victimes, Albert Féraud, âgé de 24 ans, dont il conserva la photo du mariage quelques mois avant son assassinat, et Emile Maurel, âgé de 36 ans, présent sur la photo, le deuxième en haut à droite.
Juste derrière lui, Nalin, beau frère du marié, et un des chefs de la Résistance FFI Armée Secrète à Manosque.
La mère de la mariée était d’origine polonaise.
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Un monument est dédié aux résistants à Manosque.
Je suis venue leur rendre hommage avec mes fils lors d’une cérémonie très émouvante en compagnie des associations qui perpétuent leur mémoire.
C’est devant ce monument que ma mère m’a dit avoir vu mon père pleurer pour la première fois.
Pascale Davidovicz
 
 
 
 
 

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