L’acharnement au néant.

C’est à l’écrivain Jean Teulé que j’emprunte mon titre.
Cet apophtegme est extrait de son livre Les lois de la gravité, qui a donné lieu à une adaptation au théâtre, puis au cinéma sous le titre Arrêtez-moi, où joue sa compagne Miou-Miou. jean-teule-lois-de-la-gravite-couv-300
Pour celles et ceux qui ne connaissent ni le roman, ni le film, il s’agit de l’histoire d’une femme qui se présente au commissariat pour confesser le meurtre de son époux dix ans plus tôt.
Il la battait effroyablement, et elle l’a aidé à basculer dans le vide alors qu’il menaçait de se suicider sur leur balcon.
Elle veut absolument payer pour son crime, alors que le policier qui la reçoit n’y voit aucune utilité, d’autant qu’il va y avoir prescription.
«Il y a quelque chose qu’il ne saisit pas dans l’acharnement au néant de cette femme. Il se demande si c’est d’ordre religieux.»
Elle n’a pas eu d’éducation religieuse, mais Jean Teulé, qui se dit lui-même athée, s’interroge à travers elle, sur la nécessité d’être reconnu coupable pour recouvrer sa liberté.
«Faîtes que je sois reconnue coupable, parce que j’ai été victime.» dit la femme.
En étant coupable, on ne fait plus que subir, on agit, on réagit, on se bat.
On est acteur de sa destinée et on se libère de l’oppression.

Faut-il pour autant payer pour cela ?

Cette démarche contredit tous mes principes.
Le sacrifice qui libère c’est bien ce qui fait des martyres.
Pour ma part, si je devais tuer pour me défendre, défendre les miens ou autrui, si on m’agressait, si on menaçait ma vie, celle de mes proches, celle de mes concitoyens, celles de mes coreligionnaires, ou toute vie humaine,  je n’aurais pas besoin de me racheter et je ne me battrais pas la coulpe.
Quelle force conduit certains êtres humains vers l’anéantissement ?
Quelle dette croient-ils payer ?
Quand sortirons-nous de cette spirale infernale qui veut que certains disposent de notre devenir sans avoir à en rendre compte ?
Pourquoi devrions-nous nous sentir coupables et payer pour avoir répondu à une agression ?
Nos sœurs et frères israéliens ont choisi à juste titre de refuser cet absurde acharnement au néant de leurs ennemis terroristes du Hamas.
Ils se sont battus et ont vaincu, provisoirement, au prix de grands sacrifices.
Et ils n’ont rien à racheter.
Les ukrainiens sont en train de faire de même face aux russes.
Et ce n’est pas fini, car d’autres êtres humains partout dans le monde refusent l’acharnement au néant.
Alors, parce que le seul acharnement qui tienne, c’est celui que nous devons à nos valeurs, soyons solidaires des chrétiens qui fuient l’Irak et la Syrie, des populations africaines du Darfour qui fuient les persécutions des milices arabes soudanaises, des érythréens qui racontent aux journalistes de La Voix Du Nord « avoir perdu leurs vies dans le désert », et de toutes les populations persécutées partout dans le monde.
Ils ne sont pas forcément nos amis, ils ne partagent peut-être pas toutes nos valeurs, mais peu importe, notre âme aura peut-être perdu un peu de sa  pureté, mais elle aura gagné en humanité, en universalité et en combativité.
Pascale Davidovicz

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