Réponse à une militante LFI, Émilie. Par José Ainouz

Elle était prof de français dans mon lycée et s’est présentée aux élections avec l’étiquette LFI

Salut Émilie,

Je prends enfin le temps de te répondre. Je ne vais pas revenir sur tout ce que tu as écrit, mais sur trois points essentiels, qui me semblent être au cœur de notre désaccord :

1. le sionisme, notion tellement déformée qu’elle en est devenue méconnaissable ;

2. l’emploi du mot « génocide » pour Gaza, une faute historique grave ;

3. et enfin, la question d’un État palestinien, dont je ne nie absolument pas la légitimité mais dont il faut dire la vérité sur les refus répétés.

1. Le sionisme : un mouvement de libération, pas un colonialisme

On répète à l’envi que le sionisme serait une idéologie coloniale. C’est faux, et c’est un contresens historique.

Le sionisme est né au XIXe siècle dans la foulée des mouvements d’émancipation nationale européens et arabes. Chaque peuple cherchait alors à s’autodéterminer, à se constituer en État autour d’une langue, d’une culture, d’une mémoire. Pourquoi les Polonais, les Grecs, les Arabes auraient-ils droit à cette aspiration, et pas les Juifs ?

Albert Memmi l’a montré avec force : les Juifs ont subi un « double colonialisme » — colonisés par les puissances européennes, mais aussi dominés dans le monde arabe par la dhimmitude. Dans « La statue de sel », il décrit cette condition d’un peuple « ni d’ici, ni d’ailleurs », sans racines reconnues. Léon Pinsker parlait d’un « peuple de fantômes », Memmi d’un peuple « muet politiquement ». Le sionisme a été la réponse à ce mutisme, une renaissance nationale.

Et rappelons une évidence : jamais les Juifs n’ont cessé d’habiter la terre d’Israël. Jamais ils n’ont cessé de prier pour y retourner. De la Russie au Yémen, toutes les prières juives convergent vers Jérusalem. Ce n’est pas un fantasme, ce n’est pas une invention coloniale : c’est une mémoire vivante.

Alors qu’on accuse Israël de « colonialisme », il faut rappeler l’échelle : le monde arabe, c’est près de 4 millions de km². Israël ? 28 000. Et pourtant, c’est sur ce minuscule fragment que l’on déchaîne les passions.

2. « Génocide » : un mot dévoyé

Tu parles de « génocide » à Gaza. C’est une erreur majeure, et un abus de langage qui, au fond, vise à délégitimer Israël en renvoyant contre lui le crime dont il a été victime.

Le terme a été inventé par Raphaël Lemkin après la Shoah, avec une définition claire : l’intention d’exterminer un peuple tout entier. Oui, on peut parler de « génocide » pour la Shoah, pour les Arméniens en 1915, pour les Hereros et Namas exterminés par l’Allemagne coloniale, pour les Tutsis au Rwanda en 1994.

Mais à Gaza ? Non. Israël n’a jamais eu l’intention d’anéantir le peuple palestinien. Il en aurait les moyens, et ne l’a pas fait. Ce qui se déroule, c’est une guerre — atroce, sanglante, dévastatrice — entre Israël et le Hamas, déclenchée le 7 octobre 2023 par un massacre qui a frappé précisément les populations israéliennes les plus favorables à la paix.

Oui, il y a des morts civils terribles. Mais Israël prévient ses frappes, et c’est le Hamas qui se cache derrière les populations civiles qui les utilise comme boucliers humains. On peut parler de crimes de guerre, de massacres, de tragédie humaine — mais pas de « génocide ». Employer ce mot, c’est vider l’Histoire de son sens et surtout, c’est nier aux Juifs la singularité de leur propre extermination.

3. L’État palestinien : cinq refus historiques

Je n’ai jamais nié la nécessité d’un État palestinien. Je l’ai même soutenue, de longue date. Mais il faut dire la vérité : ce ne sont pas les Israéliens qui, dans l’ensemble, ont refusé cette perspective — ce sont les dirigeants arabes et palestiniens.

Cinq fois, des propositions concrètes de partage ou de création d’État ont été posées sur la table. Cinq fois, elles ont été rejetées :

1. 1947 – Le plan de partage de l’ONU (résolution 181) : deux États, l’un juif, l’autre arabe, Jérusalem internationale. Les Juifs acceptent, les Arabes refusent. Résultat : la guerre.

2. 1948 – Après la création d’Israël : cinq armées arabes attaquent le nouvel État pour le rayer de la carte. La Cisjordanie est annexée par la Jordanie, Gaza par l’Égypte. Et entre 1948 et 1967, personne n’a l’idée de créer un État palestinien sur ces territoires.

3. 2000 – Camp David : Ehud Barak propose plus de 90 % de la Cisjordanie, tout Gaza, un partage de Jérusalem. Clinton est là, témoin. Yasser Arafat dit non. Clinton dira plus tard : « Il est venu dire non à tout. »

4. 2001 – Taba : Israël propose 96 % de la Cisjordanie, 100 % de Gaza, avec compensation territoriale pour le reste. Jamais les deux parties n’avaient été si proches d’un accord, reconnaîtront les négociateurs. Les Palestiniens refusent encore.

5. 2008 – Le plan Olmert : Gaza et 94 % de la Cisjordanie rendus, échange de territoires équivalents, partage de Jérusalem, statut spécial pour la Vieille Ville. Mahmoud Abbas ne signe pas. Plus tard, il reconnaîtra avoir « manqué une occasion historique ».

Cinq refus. Cinq occasions manquées. La vérité est simple : les Palestiniens n’ont jamais accepté l’existence d’Israël, et le Hamas proclame encore aujourd’hui noir sur blanc sa volonté de le détruire.

4. Et moi, dans tout ça

Tu sais, Émilie, tout cela n’est pas théorique pour moi. Depuis des années, je travaille sur ces sujets : mes films sur « Les Juifs du monde arabe », mon soutien à Georges Bensoussan quand il fut attaqué, mon dernier documentaire sur le 7 octobre. Je crois à la coexistence, je la défends bec et ongles.

Mais les faits sont têtus : c’est le refus arabe, le refus palestinien, qui rend cette coexistence impossible. Et je le paye personnellement : lors de projections de mon film, j’ai été insulté, traité de « fasciste », parfois même agressé physiquement, comme à Metz récemment.

Permets-moi de te dire, sans détour : la situation des Juifs en France devient chaque jour plus dangereuse. Si l’antisémitisme continue à s’amplifier, si nos paroles, nos films, nos débats deviennent impossibles, alors oui, je devrai envisager sérieusement de quitter ce pays. Parce que je ne pourrai plus y vivre librement, ni en sécurité, ni en vérité.

Voilà, Émilie. Je ne prétends pas convaincre, mais je refuse les mots dévoyés, les raccourcis, les slogans. Le sionisme est un mouvement de libération. Ce qui se passe à Gaza est une guerre, pas un génocide. Et si l’État palestinien n’existe pas encore, ce n’est pas faute d’offres israéliennes, mais faute de volonté de l’autre côté.

© Ainouz José

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5 Comments

  1. Mr Ainouz, mais que faites-vous donc du mouvement juif DÉCOLONIAL qu’est TSEDEK ? Nous existons bel et bien et nous nous présentons ainsi, des décoloniaux !
    Vous ne pouvez pas nous rayer d’un trait de plume.
    Et que faites-vous aussi des Neturei Karta qui sont anti-sionistes ? Vous n’allez tout de même pas oser les qualifier, eux, d’antisemites !
    Il faut revenir à la raison….

    • On ne fait rien de Tsedek, mouvement d’extrême gauche qui ne représente rien du tout, ni ici ni en Israël, et dont les effectifs doivent tenir dans une cabine téléphonique !!
      Quant à dire qu’Israël serait un pays colonial, il faut être vraiment inculte en matière d’histoire récente du peuple Juif et de sa réinstallation sur ses terres ancestrales pour prétendre cela, être imbibé des thèses antisémites de l’extrême gauche occidentale et de ses dérives idéologiques décadentes, et de plus être les relais de la propagande arabo-musulmane antisémite.
      Quant au Naturei Karta, qui sont moins de 3000 dans tout le monde, c’est la lie du peuple juif, vomie par l’ensemble de la société israélienne, et qui frise effectivement un antisémitisme atavique.

    • Vous utilisez juste le conflit israélo-arabe pour vendre votre sectarisme idéologique post-moderne, woke et compagnie. J’ai lu la bouillie verbale de votre blog, au risque d’attraper un cancer du cerveau… : extrait « …le sionisme est un projet raciste colonial et ethno-nationaliste, dont les liens structurants avec l’antisémitisme sont de plus en plus apparents. … »

      HA HA HA !

      Il n’y a aucune occupation en Israël de la Judée et Samarie par les Juifs israéliens, région faisant partie intégrante des territoires israéliens tels définis par le traité final de San Remo de 1922 qui fait droit aujourd’hui. (l’annexion n’est en fait qu’une régularisation de ce que dit le droit international, il n’y a juridiquement pas d’annexion à faire…)

      Si les Juifs israéliens occupent la Judée et Samarie, dans ce cas les Corses occupent la Corse, les Suisses la Suisse, etc… Demain on va donner un état aux Indiens d’Amérique et vous allez nous dire que les Indiens d’Amérique occupent l’Amérique ?

      Le fanatisme coté arabe a pris le pouvoir depuis 1920, détruisant toute voie arabe modérée, pour le dialogue. Cette logique persiste aujourd’hui.

      C’est le problème avec les idéologues sectaires de votre espèce, la réalité disparaît… Et au final, vous en arrivez à vouloir faire croire qu’il est possible de faire la paix avec des détraqués, et que ceux qui combattent ces détraqués criminels, sont les méchants d’une extrême droite qui n’existe que dans votre imaginaire absurde.

      Fanatiques arabes qui avant même que le sionisme s’instaure dans cette région, ont persécuté, tué des Juifs durant la Palestine ottomane.

      Revenez dans le monde de la réalité. Mais je doute que vous puissiez le faire, vu le haut niveau de déconnexion. Vous êtes bien perché comme on dit.

      Et je doute que vous ayez vécu en Israël pour nous parler d’un apartheid.

  2. Cher José, juste une petite précision ; selon ton décompte il y a eu non pas 5 mais 7 refus palestiniens , car à ta liste il faut ajouter le refus de 1920-1922 suite à la conférence de la SDN à San Rémo, qui donnait mandat à la Grande Bretagne de créer un état juif sur le territoire de la Palestine ottomane et qui a conduit à la création en 1922 de…… l’état arabe de Transjordanie (devenue en 1946 Jordanie) sur 75 % du territoire ottoman de Palestine, et un autre refus en 1937 suite à la commission Peel qui proposait déjà un partage des 25 % restants en 2 pays : l’un juif et l’autre arabe. C’est d’ailleurs sur cette base que fut voter par l’ONU, le partage de 1947.
    De toutes les façons, on se trompe lourdement en pensant qu’il suffirait à présent d’un nouveau partage géographique, pour résoudre ce problème israélo-arabe, qui n’est pas un problème territorial, mais un problème culturo-religieux : le monde musulman, et plus particulièrement le monde arabo-musulman, refuse d’admettre qu’une terre qui fut longtemps musulmane, ne le reste pas, a fortiori quand elle redevient juive, les Juifs étant coraniquement les pires ennemis des musulmans.

  3. … »Et entre 1948 et 1967, personne n’a l’idée de créer un État palestinien sur ces territoires… »La preuve que les pays arabes se fichent des « palestiniens « En 1951. La Transjordanie créée annexe la Judee Samarie qui devient la Cisjordanie sans que cela soulève des protestations de la Communauté internationale qui ne réclame pas d’Etat Palestinien !!

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