Francis Moritz. Pourquoi l’Union Européenne ne prendra pas de sanctions envers Israël 

On en revient à ce qui constitue à la fois la force et le talon d’Achille de l’Union, le nombre 27. Les ministres des affaires étrangères et la haute représentante de l’UE ont finalement décidé de ne rien décider. 

Les années 1492 ont manifestement laissé des traces, l’Espagne a eu beau demander une suspension, un réexamen des relations, des sanctions, las, les participants n’ont pas obtempéré. L’Allemagne, qui soutient de longue date Jérusalem, a mené compagne contre toutes sanctions, aidée par l’Italie et la Hongrie, notamment.

Parallèlement, « le groupe de la Haye », fondé fin janvier et constitué de 28 pays en vue de « mettre fin aux violations du droit international par Israël », s’est réuni en somment « d’urgence » à Bogota. On y trouve l’Afrique du Sud, la Bolivie, le Honduras, la Namibie, Cuba, la Malaisie, le Sénégal. On les identifie sous l’étiquette de « Sud Global ». D’autres pays ont participé comme « invités » : l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, la Slovénie, la Norvège. Tous ces pays mettent Israël en accusation et réclament « la suspension des livraisons d’armes », surtout quand ils n’en fournissent pas. Tous unis pour isoler Israël, du moins au plan rhétorique.

Ces pays ont enfin découvert qu’il existe sur la planète un bouc émissaire cause de tous les maux connus, et quand ce n’est suffisant, on les invente. Peu avant cette réunion, ce groupe avait adressé une lettre, respectivement à la présidente de la Commission Mme von der Leyen, au président en exercice du Conseil de l’UE, le portugais Antonio Costa et à la présidente de l’assemblée européenne, Mme Roberta Metaola, exigeant des « mesures concrètes »…

De l’ensemble des intervenants dans les différentes assemblées, il apparaît que l’Espagne, par la voix de son ministre des Affaires étrangères José Manuel Albares, est la plus véhémente et extrémiste dans ses postures.

Pour autant, l’Allemagne, l’Italie, la Hongrie se sont fortement opposés à toutes mesures et ont ainsi fermé la porte à de nouvelles demandes. C’est d’autant plus surprenant que les statuts de l’UE ne permettent pas d’obtenir de suspension ou de sanctions, voire de rupture, sauf à obtenir soit l’unanimité, soit une majorité qualifiée. Ce que tous les pays membres savent fort bien. De fait les trois pays déjà cités et quelques autres suffisent pour constituer une minorité de blocage. Donc la plupart de ces oppositions relèvent de la posture et d’une gesticulation stérile. 

L’explication sur le fond

La réalité est que de plus en plus de pays européens achètent des armes à Israël. Non pas pour faire plaisir à l’état juif, mais parce que la gamme de ce qui est proposé répond aux besoins de ces pays et a fait ses preuves en opération. Tout le monde ne peut pas en dire autant. Qui sont ils :

Allemagne : Coopération depuis plusieurs décennies. Sous-marins, système de défense anti-missiles Arrow 3, Arrow 4 à suivre, drones, et dernièrement un nouvel accord renforcé de coopération en matière de guerre électronique, cyberdéfense, où Israël est en avance.

Roumanie : Système de défense anti-missiles Barak MX. Drones et équipements électroniques.

Grèce : Partenariat militaire en croissance surtout depuis la dégradation des relations avec la Turquie. Système de défense anti-drones, formation de pilotes.

Pays Bas : Achats de radars EL/M2084, pourparlers sur la cyber- sécurité et La Défense électronique. 

Finlande : Radars Elia, surveillance aérienne.

République tchèque : Radar mobiles MADR, batteries Spyder coopération en matière de cyber-securite 

Slovaquie : Radars Barak MX pour la defense aérienne, modernisation des forces armées.

Chypre : Coopération croissante, partage de renseignements, achats d’équipements, non divulgués.

Italie :  Opérations concrètes en particulier pour l’aérien et les forces navales, développement de drones et technologie de surveillance.

Pologne : Missiles Spike produits sous licence, accord de protection des informations en matière de défense depuis 2011. Pourparlers en cours sur d’importants équipements en cyber sécurité et protection électronique. On parle de plusieurs milliards de dollars. Ce pays, face à la Russie, envisage de profiter de l’expérience de Jérusalem en matière de système de défense aérienne.

France : Relations limitées avec des entreprises privées en matière de cyber sécurité, urbaine, Aéroportuaire.

Royaume uni :  Coopération dans le domaine cyber sécurité, lutte anti terroriste

Espagne : Achats de matériels de surveillance des frontières, annulations de commandes. Coopération technologique, surveillance aéroportuaire en suspens.

Scandinavie : Achats ponctuels mais perspectives en cours de développement en cyber-securite et protection anti-drones, au vu de la situation géostratégique de ces pays.  

Divers autres matériels sont vendus sans être divulgués.

La porte ouverte par les décisions de l’Otan est favorable à Israël 

À la suite des dernières décisions de l’Otan et celles prises en parallèle concernant les futurs approvisionnements en équipements militaires de l’UE, il a été acté que 35% des achats peuvent se faire hors UE contre le plafond de 16% souhaité par la France. Ce qui permet le développement des ventes israéliennes vers l’Europe.

La communication à géométrie variable 

Il y a plusieurs niveaux médiatiques en matière de communication. Ce qui se passe entre états ne coïncide pas nécessairement avec la réthorique développée dans les médias ou par certains hommes politiques.

Les faits sont les faits.

On voit clairement que la ligne des pays les plus opposés à Israël ne détient pas la majorité en Europe, OTAN comme UE. Les liens tissés sur le plan de la defense jouent un rôle des plus importants dans les relations entre pays. On constate également que le conflit en Ukraine a été un accélérateur, au même titre que le changement de doctrine voulu par les États-Unis est un révélateur pour une Union Européenne et les membres Européens de l’Otan endormies depuis 1945 sous le parapluie sécuritaire américain.

La Défense européenne en question

Le réveil est d’autant plus rude qu’on constate de sérieuses divergences entre Berlin et Paris sur les choix et partages de responsabilité sur les projets communs.  Dire que le projet commun de l’avion de combat 6ème génération SCAF a du plomb dans l’aile serait un euphémisme. Lancé depuis 2017, il a déjà coûté plus de cent milliards. Le projet a été repoussé à plusieurs reprises. Dans les deux capitales on indique qu’une décision devrait intervenir dans les prochaines semaines. Sa sortie serait maintenant prévue pour 2040, alors que Berlin hésite à se décider, car il évalue son éventuelle participation au projet britannique « Tempest »  dont la livraison est prévue cinq ans plus tôt, en 2035.

On voit bien que l’attelage franco-allemand tangue. Il n’est plus ce qu’il était. 

L’Allemagne s’exprime en centaines de milliards d’investissements, tandis que la France, dans sa situation économique précaire, raisonne en dizaines de millions, au mieux. Le fossé se creuse entre nos deux pays, d’autant que Berlin affiche de grandes ambitions : être la première puissance conventionnelle européenne et jouer un rôle international. L’Allemagne prépare en même temps sa défense et sa protection civile pour être prête en cas de conflit. La question se pose en France où les autorités louvoient, sans déclarer clairement si nous entrons dans une économie de guerre ou s’il s’agit « uniquement(!) d’une grave crise financière », voire les deux en même temps. Ceux qui nous gouvernent devraient être les premiers à savoir et à s’exprimer en vérité. 

Mais voilà, « L’Homme d’État est celui qui pense aux générations futures, et un homme politique est celui qui pense aux prochaines élections », disait Abraham Lincoln.

Ainsi va le monde,

© Francis Moritz


Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme « Bazak », en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion.  Ancien  cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine. Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps


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