Andrew Fox. La guerre de Gaza et le bilan de l’Occident


Le canari dans la mine de charbon a cessé de chanter, et nos dirigeants l’ignorent

Ces dernières 24 heures, la désinformation sur Gaza a conduit vingt gouvernements occidentaux à exiger qu’Israël cesse immédiatement le feu, même si le Hamas est le parti qui a rejeté le dernier accord de cessez-le-feu. Andrew Fox s’alarme ici de gouvernants qui se fient à la propagande du Hamas pour leur politique étrangère. Il analyse la façon dont le Hamas modifie les informations sur les décès à Gaza pour accréditer un génocide et les processus idéologiques qui ont conduit à cette situation.[1]

La traduction de « The Gaza War and the West’s Reckoning » est de Florence Bergeaud Blackler« . Les sous-titres sont de Dhimmi Watch.


La guerre de Gaza, bien que dévastatrice en soi, a révélé quelque chose de plus profond et de plus inquiétant que la tragédie immédiate au Moyen-Orient. Elle a mis à nu le déclin interne de l’Occident : la domination de la pensée postmoderne, l’échec de l’intégration, la tolérance aux haines importées et une vulnérabilité inquiétante à la désinformation financée par l’étranger.

Ce qui a commencé comme un conflit lointain a rapidement dégénéré en chaos dans nos rues, nos campus et nos institutions. L’antisémitisme monte en flèche. L’extrémisme prospère. À la base de tout cela se trouve l’exploitation de nos libertés par ceux qui cherchent à nous détruire de l’intérieur.

La guerre de Gaza au filtre du post-modernisme

L’érosion de la clarté morale au sein des institutions occidentales, révélée par la guerre de Gaza, est profondément enracinée dans le déclin intellectuel engendré par la pensée postmoderne. Au cœur de cette crise se trouve le passage d’une vérité objective à une idéologie subjective, où les faits sont subordonnés aux sentiments et où le jugement moral est remplacé par une hiérarchie de victimisation perçue.

 Le postmodernisme, apparu au milieu du XXe siècle, remettait en question le concept même de vérité objective. Il soutenait que toute connaissance est une construction sociale, que les relations de pouvoir influencent tous les récits et que les valeurs universelles servent d’outils d’oppression. Dans la vision du monde postmoderne, il n’y a ni héros ni méchants, seulement des perspectives concurrentes.

Appliqué à un conflit, notamment à un conflit aussi brutal sur le plan moral que la guerre entre Israël et le Hamas, le postmodernisme exige une fausse équivalence. On aboutit ainsi à une inversion grotesque de la réalité : un groupe terroriste qui viole, décapite et kidnappe des civils est présenté comme un mouvement de résistance légitime, tandis que l’État démocratique qui se défend est présenté comme un génocidaire.

L’érosion de nos capacités à distinguer vérité de propagande

Le bilan des morts à Gaza en est un parfait exemple. Plutôt que de se contenter d’analyser les données dont nous disposons, tout un secteur universitaire se consacre à “prouver” que le nombre de morts est plus élevé, simplement parce que ses sentiments lui dictent qu’il devrait l’être. Ainsi, nous voyons une multitude de rapports universitaires, méthodologiquement peu fiables, aggraver le bilan, en s’appuyant sur des recherches bancales qui cherchent à inverser de fausses conclusions, avec des résultats prédéterminés bien avant le début des recherches. Les médias relaient ces études, et de fausses données inondent ainsi l’écosystème du débat.

Ceci est symptomatique de l’effondrement intellectuel du monde universitaire occidental. Les campus imprégnés d’idéologie postmoderne n’enseignent plus aux étudiants comment penser, mais ce qu’ils doivent ressentir. La pensée critique, autrefois fondement même de l’éducation libérale, a été remplacée par une théorie critique, qui envisage chaque problème sous l’angle de la race, du pouvoir et de l’oppression. La vérité n’est pas déterminée par la logique ou les preuves, mais par celui qui peut revendiquer la plus grande victimisation. Dans ce paradigme, les Juifs sont requalifiés en oppresseurs simplement parce qu’Israël existe et réussit, malgré ses souffrances historiques et son statut de minorité.

 Cet état d’esprit a donné naissance à des foules sur les campus qui scandent “Intifada” et “mondialiser la résistance” sans comprendre (ou peut-être sans s’en soucier) ce que ces slogans impliquent. Il nourrit le journaliste qui insiste sur le fait que le « contexte » justifie les atrocités, et l’ONG qui répète comme un perroquet le bilan des morts du Hamas sans la moindre critique des sources. Le postmodernisme a érodé nos défenses épistémologiques : notre capacité à distinguer la vérité de la propagande, la justice de la barbarie.

Corruption du vocabulaire

 Cela a également corrompu notre vocabulaire moral. Des termes comme “génocide”, “colonialisme” et “apartheid” sont désormais utilisés non pas comme des concepts juridiques ou historiques sérieux, mais comme des outils pour attaquer l’Occident et défendre ses ennemis. À l’instar des études fallacieuses sur le nombre de morts, dans le cadre postmoderne, ces étiquettes ne sont pas censées être prouvées : elles sont censées paraître vraies, surtout lorsqu’elles sont prononcées par une personne ayant la bonne identité ou la bonne position idéologique.

Voilà pourquoi les faits n’ont plus d’importance. Le Hamas peut diffuser une vidéo de propagande, et celle-ci se propage plus vite que n’importe quelle réfutation de Tsahal. Le viol et le massacre de civils israéliens sont minimisés, tandis que la simple accusation de réponse disproportionnée devient le récit dominant. Dans une culture postmoderne, l’émotion prime souvent sur les preuves. Le récit est primordial, et s’il sert l’agenda idéologique, il devient sacré et intouchable.

Le résultat final est une culture désarmée face au mal. Lorsque la moralité est uniquement définie par le pouvoir, les victimes, quelle que soit leur forme de pouvoir (Juifs, Israël, Occident) sont requalifiées en méchants.

Une attaque contre l’Occident

C’est là le nœud du problème : nous ne sommes pas seulement témoins d’une attaque contre Israël.  C’est une attaque contre l’Occident.

Ce phénomène a été amplifié par le multiculturalisme, mis en œuvre sans exigence de valeurs communes. Nous voyons désormais l’Occident colonisé par des communautés parallèles où les idéologies anti-occidentales et antijuives ont couvé pendant des décennies avant de s’embraser après l’explosion de Gaza. L’immigration massive sans assimilation significative a créé des sociétés fracturées, mécontentes des deux côtés du débat. Cette semaine encore, nous avons assisté à des manifestations anti-immigration honteuses et violentes en Espagne, en Grande-Bretagne, en Pologne et en Irlande. Nos sociétés sont fracturées, ce qui rend impossible toute réponse à une attaque contre les valeurs occidentales, car ces valeurs ne sont plus entièrement partagées.

La haine légitimée sous couvert de justice sociale

Nulle part cette confusion morale n’était plus manifeste que sur les campus universitaires américains. Des universités qui se targuaient autrefois d’être des centres de libre pensée sont devenues des foyers de haine. À Harvard, Columbia et Cornell, les étudiants ont célébré les atrocités du Hamas, accusant Israël du massacre du 7 octobre. Les administrateurs, terrifiés à l’idée d’offenser les militants, ont réagi avec lâcheté. La frontière entre protestation et sympathie pour le terrorisme s’est estompée, et les étudiants juifs ont été abandonnés.

Cela n’est pas dû au hasard ; pendant des décennies, les services d’information soviétiques ont propagé la ligne postmoderne auprès de leurs homologues de gauche du monde universitaire. La propagande russe continue d’encourager, d’amplifier et de s’attaquer aux failles de nos sociétés. La corruption a également été achetée et financée ces dernières années. Des milliards qataris ont inondé le monde universitaire occidental, créant des alliés idéologiques sur les campus.

Il en résulte des départements universitaires qui fonctionnent davantage comme des outils de propagande : un paradigme critique intellectuel ruiné, des universitaires financièrement compromis qui façonnent les discours des fonctionnaires et des médias, et des groupes étudiants comme “Étudiants pour la justice en Palestine” (Students for Justice in Palestine, SJP) qui peuvent organiser des rassemblements “Journée de la colère” quelques heures seulement après les atrocités du Hamas. Nos universités, ainsi que les institutions étatiques et médiatiques qu’elles informent, ont légitimé la haine sous le couvert de la justice sociale.

Hors campus, la situation n’est guère plus reluisante. Les villes occidentales ont été submergées de marches propalestiniennes, dont beaucoup se sont rapidement transformées en rassemblements pro-Hamas (et servent les objectifs stratégiques du Hamas, même lorsqu’ils ne sont pas explicitement affichés). De Paris à Berlin, de Londres à Sydney, nous avons assisté à des scènes de théâtre de rue violentes. Des foules ont scandé des slogans antisémites et islamistes, fait l’apologie du terrorisme et, dans certains cas, appelé ouvertement au gazage des Juifs.

Les manifestants ont brandi des drapeaux du Hezbollah, scandé des slogans djihadistes et, dans certains cas, versé du sang. En Californie, un homme juif âgé a été tué par un manifestant. Des attentats terroristes contre l’ambassade d’Israël ont été déjoués à Londres. Deux membres du personnel de l’ambassade d’Israël ont été abattus devant le Musée juif de Washington.

Le point essentiel est le suivant : il ne s’agit pas de simples débordements marginaux. Si des drapeaux nazis sont présents lors d’un rassemblement, celui-ci devient un rassemblement nazi. Le même principe devrait s’appliquer aux manifestations palestiniennes : tout acte antisémite en fait des rassemblements antisémites.

L’ouverture de l’Occident est devenue son talon d’Achille. Ses adversaires l’ont bien compris. L’Iran, le Hamas, le Qatar, la Russie et leurs compagnons de route exploitent nos libertés avec une précision chirurgicale. Ils inondent nos réseaux sociaux de mensonges, financent nos institutions, radicalisent notre jeunesse et nos populations immigrées, divisent les autres, puis restent les bras croisés pendant que nos sociétés se défont de l’intérieur.

Les fausses accusations de génocide

Même le droit international a été instrumentalisé. L’Afrique du Sud, reprenant la rhétorique du Hamas, a assigné Israël devant la Cour internationale de justice pour de fausses accusations de génocide. Il s’agissait d’une guerre juridique pure et simple : une tentative d’utiliser les institutions juridiques pour délégitimer une démocratie libérale se défendant contre le terrorisme. En acceptant ces accusations, la CIJ a accordé au Hamas la victoire qu’il recherchait en matière de propagande antisémite et de dénaturation de l’Holocauste.

Il ne s’agit pas seulement d’Israël. Ce n’est jamais le cas. Comme le montre l’histoire, lorsque l’antisémitisme s’intensifie, la démocratie elle-même est menacée. Les Juifs sont le canari dans la mine de charbon. Si nous ne pouvons pas les protéger, nous avons failli à notre devoir de protéger l’intégrité morale de notre société.

Le conflit de Gaza a révélé les failles. Il a démontré que les démocraties occidentales sont menacées non pas par notre faiblesse, mais par notre complaisance. L’antisémitisme désormais répandu dans nos rues est le reflet de la santé nationale. Comme l’a dit Jonathan Tobin : « Si, en tant que société, nous ne parvenons pas à défendre nos communautés juives, nous sommes perdus. »

 Comment riposter ? Comment défendre les valeurs qui ont fait la force de nos sociétés ? Comment une société divisée et étrangère peut-elle restaurer la liberté, la raison, la tolérance et la vérité lorsqu’un tsunami de propagande malveillante et de financements étrangers nous submerge ?

L’exemple parfait de ces dernières 24 heures : la désinformation sur Gaza a conduit vingt gouvernements occidentaux à exiger qu’Israël cesse immédiatement le feu, même si le Hamas est le parti qui a rejeté le dernier accord de cessez-le-feu proposé.

 Je crains que nous soyons perdus. Nos gouvernements ne sont même pas capables de reconnaître le problème, et encore moins de concevoir une solution. Nous ignorons l’avertissement du canari, et la mine entière s’effondre autour de nous.

© Andrew Fox

Andrew Fox a servi dans l’armée britannique de 2005 à 2021, effectuant des missions en Afghanistan, en Bosnie, au Moyen-Orient et en Irlande du Nord. Il a rejoint la Henry Jackson Society en 2024.


A re-lire: Article de Michèle Tribalat : https://dhimmi.watch/2025/01/09/le-comptage-douteux-des-victimes-a-gaza-par-le-hamas-et-la-complaisance-de-la-presse-michele-tribalat/

Version traduite par F. Bergeaud Blackler https://x.com/FBBlackler/status/1947663132085666100?t=vY_TdiSZQqAdFchLK3DbmQ&s=08


[1] Article original : https://x.com/Mr_Andrew_Fox/status/1947566906791100527


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2 Comments

  1. Une analyse malheureusement exacte, notre tolérance et l’ouverture d’esprit creuse notre tombe. Juste une chose : ce sont en fait 28 pays qui ont signé cette déclaration honteuse, trois pays n’ont pas signé : l’Allemagne, la République Tchèque et le Hongrie.

  2. Texte très intéressant en effet, mais qui ne va pas au fond du problème. On trouve l’original ici :
    https://www.tribunejuive.info/2025/07/23/andrew-fox-la-guerre-de-gaza-et-le-bilan-de-loccident/
    L’article original présente l’avantage d’être très bien divisé en sous-titres très éclairants pour comprendre la démonstration d’ensemble.
    Cela dit, cette analyse est insuffisante pour plusieurs raisons de fond. L’auteur fait comme si l’Occident était unifié idéologiquement, alors qu’il reste traversé de divisions internes idéologiques et doctrinales. Il faut semblant de croire que les « valeurs » de l’Occident étaient solidement fondées. Or, il n’en est rien. Car le fondement de ces valeurs est triple et conflictuel : la religion chrétienne et certains aspects de la culture juive, le rationalisme de la philosophie des Lumière héritée de Kant, et un certain athéisme radical hérité de Spinoza. Le XVIIIe siècle a connu de violentes critiques contre les superstitions, bien oubliées aujourd’hui1.
    La culture occidentale est la seule à s’être radicalement et efficacement critiquée de l’intérieur2. Or, la déchristianisation a entraîné une anomie morale dont tout ce que décrit le texte de Fox est une conséquence. Quant à l’idéal des lumières3, il a été ruiné par l’effondrement de l’éducation et l’avènement du néo-individu post-moderne4, véritable baudruche imbu de lui-même. L’athéisme spinoziste supposait le remplacement de la religiion par la philosophie, du moins pour le petit nombre.
    Les soi-disant valeurs de l’Occident n’en sont plus du tout5, mais seulement des slogans parfois brandis comme des idées platoniciennes auxquelles on ne croit plus. Le kantisme est un échec car le kantien ne sait pas pourquoi il valorise la raison, ignorant qu’en fait il érige cette rationalité comme le corrélat d’un désir réflexivement éclairé6.
    Les erreurs que souligne Fox sont des mirages et des illusions qui ruinent les promesses des cultures et de la culture. Tant qu’on n’analyse pas ces questions à ce niveau fondamental, on ne comprend pas pourquoi le wokisme et la post-vérité ont un tel impact idéologique. Du reste, les canaris eux-mêmes sont aussi ceux qui parfois ont introduit le chat dans la volière des nations occidentales, notamment en France.

    Notes:
    1 Cf. Fabrice Guého, « Mirages, Mensonges, Culture(s) tome 1″, L’Harmattan éd, 2022, p. 38, « les mirages de la superstition ».ainsi que l’index.
    2 Cf. Fabrice Guého, « Mirages, Mensonges, Culture(s) tome 1 », L’Harmattan éd, 2022, p. 37, 47 ; Fabrice Guého, « Illusions et promesses, Culture(s) tome 2 », L’Harmattan éd, 2022, p. 34-35, 207.
    3 Cf. Fabrice Guého, « Mirages, Mensonges, Culture(s) tome 1″, L’Harmattan éd, 2022, entrée « Lumières » de l’index et notamment p. 42, « crépuscule des lumières ».
    4 Fabrice Guého, « Illusions et promesses, Culture(s) tome 2 », L’Harmattan éd, 2022, troisième partie, ch. 8.
    5 Cf sur mon blog, https://fabricegueho.over-blog.com/2024/02/sur-l-objectivite-des-valeurs.html
    6 La solution se trouve dans Fabrice Guého, « La Politique du Bonheur de Robert Misrahi », L’Harmattan éd, 2023, pp. 130, 135-136, 163.

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