Hier, covoiturage BlaBlaCar entre Annemasse et Lyon. 2 personnes prévues. Je prends donc en charge Stéphane, quinqua bohème habitant la Croix Rousse et Aliou, la trentaine, visiblement africain.
Comme souvent, la conversation s’engage sur ce que chacun fait. Stéphane travaille dans le spectacle comme intermittent accessoiriste et Aliou, guinéen, va à Lyon pour défendre sa thèse. Je décline également mon statut de retraité de l’Education Nationale et mes chambres d’hôtes dans l’Aveyron, le tout suscitant tendresse et encouragements.
Stéphane prend vite en main les débats et demande à Aliou, envers qui il a d’emblée une forte sympathie paternaliste, le sujet de sa thèse: « Décryptage du discours politique en France: le cas Mélenchon ». Annonce-t-il. Silence dans le cockpit.
Stéphane hésite puis incite Aliou à aller plus loin.
En résumé Aliou nous dit qu’il veut obtenir son doctorat et retourner en Guinée pour entrer en politique contre le gouvernement corrompu actuel et qu’il s’intéresse à l’imposture des discours de l’extrême gauche française notamment sur leurs propos anti racistes et anti colonialistes.
Je me détends et sens Stéphane se raidir. Aliou n’a ni l’origine, ni la couleur correspondant à ce qu’il dit quand même!
« Ah bon? » nous dit-il. « Tu ne penses pas que le danger et le double discours viennent de l’extrême droite? C’est plutôt vers là qu’il faut creuser non? »
Aliou démarre ses phrases par « Je m’excuse ». Il émet un petit rire et dit à Stéphane avec ce bel accent des africains francophones cultivés qu’il n’a peut être pas idée de ce qu’est l’extrême droite. Il l’invite à venir en Guinée pour qu’il se rende compte de ce qu’est le fascisme et la corruption.
Je sens Stéphane perdu. Il ose quand même susciter que la situation de la Guinée est le résultat du colonialisme.
Aliou émet à nouveau un petit rire et dit à Stéphane que c’est exactement le discours de l’extrême droite guinéenne qui maintient sa population dans cette idée et qui, corruption aidant, préfère livrer le pays aux Russes et aux chinois pour son plus grand malheur. Pourquoi cracherions-nous sur la France? continue-t-il. Moi si je suis ici c’est grâce à elle et, dans mon pays, nous parlons tous français pas russe ni chinois. Et puis conclut-il, j’aime la France, c’est mon deuxième pays de cœur. Si un jour le pouvoir change en Guinée j’oeuvrerai inlassablement à rétablir des liens forts avec la France.
Moi, je reste concentré sur ma conduite, souriant intérieurement, mais je sens chez Stéphane une tempête cérébrale qui lui font frémir les poils de sa barbe de bobo.
Perfidement je demande à chacun où les déposer à Lyon pointant les difficultés de circulation dues aux travaux interminables initiés par la mairie écolo.
Stéphane acquiesce mais relativise indiquant la nécessité de décarboner, de favoriser le vélo, etc etc. Le bilan de cette mairie est globalement bon et on lui fait un mauvais procès. La victoire prévue d’Aulas est une catastrophe annoncée car il est soutenu par l’extrême droite raciste, Wauquiez par exemple. Je lui indique ne pas trop l’aimer mais qu’il n’est quand même pas étiqueté à l’extrême droite. Il me dit que pour lui la droite commence au parti socialiste. Donc…
Aliou, en spécialiste du discours politique, intervient alors, nous dit qu’il ne peut pas voter mais qu’il soutient Aulas contre l’escroquerie écologiste qui ruine cette ville magnifique.
Je sens que je vais devoir m’arrêter et mettre Stéphane en PLS qui doit désormais voir Aliou sous la forme d’une friandise en chocolat au cœur en noix de coco.
Nous arrivons à Lyon. Je dépose Stéphane face à l’Opéra pour son rendez-vous puis Aliou face à l’Université lui souhaitant bonne chance avec une chaleureuse poignée de main.
Ayant une petite faim j’envisage un instant de m’acheter un bounty, une des meilleures barres chocolatées que je connaisse.
© Jacques Lamagnere
Comme vous, je ne cache pas une préférence pour Aliou. Il a du bon sens, je lui souhaite de réussir. En plus, il est courageux car s’en prendre intellectuellement à Mélenchon, à l’université de Lyon, il n’a pas froid aux yeux.
J’ai jubilé en lisant cet article, merci, et les réparties d’Aliou sont excellentes. On perçoit bien comment tout l’échiquier politique en France s’est déplacé à droite, si bien qu’on ne parle plus d’extrême-gauche pour LFI et le PC, que le centre est devenu de droite et que la droite est désormais catégorisée extrême-droite. Je rajouterai que les antifas sont devenus les nouveaux fascistes. Bon futur à Aliou !