
Depuis deux semaines je suis plâtrée des orteils au genou pour une cheville cassée et interdiction de marcher ! Premier accident de ce genre malgré diverses chutes auparavant où à part quelques contusions je n’ai pas eu de problèmes.
Cette chute qui demandait des soins hospitaliers m’a donné l’occasion de me familiariser au système médical en Israël. Pour un habitué de la méthode allemande tout est d’une complication indéchiffrable, d’autant plus si l’hébreu n’est pas votre langue maternelle.
Dans la Start Up Nation tout est à la pointe du progrès, virtuel, numérisé, enregistré. Même les interventions chirurgicales très délicates sont exécutées par des robots alors que le chirurgien est assis à son ordinateur !
En Israël il existe quatre caisses de maladie de base
(Kupot Holim) Maccabi, Leumi, Meuhedet et Clalit. Chaque résidant en Israël doit s’inscrire dans l’une d’elle. Les hôpitaux sont soit publics gérés par l’état, soit dépendants de la Kupat Holim Clalit , soit privés. Toutes ces caisses travaillent ensemble, s’achètent et se vendent des services médicaux donnés aux patients.
C’est ce qui m’a paru tellement « mesubach » compliqué. Le sésame pour ouvrir les portes de ces hôpitaux est le fameux « Tofes 17 » qui assure la Clalit par exemple que Maccabi (si c’est votre caisse maladie) couvrira les frais occasionnés par les soins qui vous sont donnés par la Clalit. Et il en est ainsi pour les Moked (services d’urgence ouverts le samedi et jour de fêtes), les cabinets de radiographie, échographie et autres…
Étonnant aussi, c’est le dossier médical de chaque citoyen où tout est enregistré par chacun des médecins consultés et est ouvert à tous les autres médecins que vous consulterez à l’avenir. Le secret médical tel qu’on le conçoit en Allemagne , en France peut-être aussi, n’existe pas ici. Pendant l’épidémie de la Covid, c’est ce qui a permis de mieux soigner les malades grâce à l’accès libre à tout leur dossier médical.
Chaque rendez-vous médical se transforme ainsi en séance de frappe sur ordinateur, la main du médecin passe plus de temps sur le clavier qu’à tâter le corps du patient! Et ça se complique encore plus quand le médecin est Olé Hadache (nouvel immigrant) et maîtrise l’hébreu aussi partiellement que moi. Là, le temps de visite prévu est d’une heure, loin des 10 mn d’un médecin allemand.
Le service des urgences de l’hôpital Meir de Kfar Sava où j’ai été conduite après ma chute est pour les malades et les blessés l’un des plus accueillants qui soient.

Récemment rénové, spacieux, à l’éclairage agréable, tout s’y déroule rapidement sans ces longues périodes d’attente qui angoissent tant les patients et leurs accompagnateurs et provoquent souvent des crises de violences. De larges banquettes confortables offrent suffisamment de places assises au public. Une cafétéria invite à se réconforter avec boissons, pâtisseries ou sandwiches et l’appréhension des soins qui doivent suivre diminue .
J’observe les gens tout autour de moi. Israéliens, arabes locaux des villages environnants, un travailleur étranger, probablement hindou, qui a dû se blesser dans un immeuble en construction arrive sur un lit roulant suivi par un détenu dans la tenue orange des prisonniers ammené en compagnie de deux policiers ou gardiens.
Au bout de trois heures après une radiographie, une CT, une visite de trois orthopédistes, deux séances chez le plâtrier on me libère à la maison avec rendez-vous dans deux semaines pour contrôle.

Il faut maintenant organiser le quotidien, il me faut des chaises roulantes pour l’exterieur et l’intérieur, un déambulateur, etc… C’est là qu’intervient Yad Sarah. Organisation humanitaire basée sur le bénévolat et les dons du public, connue de tous et si utile actuellement. Yad Sarah a des stations dans de nombreuses villes en Israël. Je reçois gratuitement tout ce dont j’ai besoin pour une période de trois mois. Pour les déplacements ils ont aussi des voitures à la disposition des malades dans lesquelles la chaise roulante peut entrer. Le conducteur, un bénévole aussi. Pratiquement tous des retraités qui veulent utiliser leur temps devenu libre à aider les autres.
Mon mari, ignorant des coutumes, voulait remettre un pourboire au chauffeur qui refuse avec le sourire et lui conseille de faire plutôt un don à Yad Sarah!
Pour cette visite de contrôle, munie d’un Tofes 17 et des résultats imprimés des tests faits entre-temps destinés au médecin ( il faut préciser que le médecin d’une Kupah ne peut entrer dans le dossier d’un malade d’une autre Kupah), je me retrouve donc avant-hier dans la clinique orthopédique de l’hôpital Meir. En attendant que mon numéro soit appelé je regarde le va-et-vient des gens. Je suis surprise par leur nonchalance. Les couvre-chefs que je vois défiler sont pourtant sujets à tant de disputes et haine ailleurs. De la kipah de certains hommes aux divers turbans à la Nefertiti, d’une perruque ou d’un simple foulard des femmes juives sans parler des voiles des femmes arabes, personne ne semble offusqué par ce que porte l’autre. Même pas lorsqu’apparaît dans le couloir, parmi les robes très enveloppantes de la plupart des femmes, une jeune fille ravissante et claudiquante dont à première vue j’ai pensé qu’elle n’avait pu enfiler son vêtement du bas à cause du bandage et je me suis rendue compte de ma méprise quand elle me dépassa et que je vis alors dépasser de son mini-short une demi-fesse sexy et affriolante.
Vint ensuite comme surgi du passé un très jeune, très mince et très affairé Haredi dans sa redingote noire et luisante, très ajustée et son chapeau melon à l’arrondi parfait et aux fières papillotes volant au vent provoqué par sa marche rapide. Non, impossible de s’ennuyer en observant toute cette foule disparate.
Mon regard est attiré par un infirmier, vêtu du costume bleu de son travail sur lequel des tzitziotes très fournies se brinquebalent, une glace à la main, marchant lentement et se délectant de ce rafraîchissement par cette chaleur torride du mois novembre. A un moment, son regard se pose sur moi qui suis assise dans mon fauteuil roulant, il accélère son pas et je me sens mal à l’aise. Que me veut-il? Il pose sa main sur ma tête et me bénit !!!
« Tu es une héroïne (guibora), que tu guérisses très vite, que tu aies une bonne santé, que tes enfants et petits-enfants soient bons avec toi » … et il continue son chemin.
Où peut-on voir un tel mélange de populations, qui s’acceptent dans leur diversité ???
Pourquoi n’est-ce pas possible ailleurs?
Pourquoi Juifs et Arabes se font-ils la guerre à Gaza et se soignent et se guérissent sur le sol israélien ?
Comment en sommes nous arrivés à cela?
© Ève Surovicz

un reportage génial ! Bravo ! C’est du vrai journalisme : rapporter les choses vues . Et quelle magnifique leçon aux ennemis d’ Israël qui est une magnifique nation ! Je comprends la haine anti juive : la jalousie les étouffe !
La diversité en Israel, à l’hôpital Meir de Kfar Sava , ou les différences se cotoient sans problème. Sans contraintes comme dans les hôpitaux français.