Qu’apporte le cessez-le-feu ? Par Daniel Sibony

En Israël, où j’ai passé quelques jours, les gens sont plus tranquilles, soulagés par le cessez-le-feu ; il est vrai qu’à Gaza, c’était très laborieux. Mais ils savent que c’est toujours l’état de guerre, le Hamas joue avec les cadavres qui lui restent. Il en fait des mises en scène, il feint de chercher des corps, chose que même la Croix-Rouge a dénoncée, c’est dire. 

Je dirais presque que ce qu’Israël a gagné, outre de sauver sa mise, c’est d’être empêché de réagir par les Américains qui sont sur place ; et de voir le Qatar opiner souverainement sur qui a raison et qui a tort, et se faire remercier régulièrement pour ses efforts de paix,  alors qu’il cherche comment défaire le plan de Trump en disant que le deuxième point, le désarmement du Hamas, ne peut se faire que s’il y a « un avenir pour les Palestiniens », ce qui est très exactement le dernier point du plan de paix : c’est la toute fin de l’accord, après le désarmement du Hamas et une gouvernance pacifique.

Et pourquoi le Qatar se gênerait-t-il ? S’il paie des milliers d’influenceurs pour brouiller les idées sur le conflit, il peut bien se payer le luxe d’embrouiller lui-même ce fameux plan de paix.

Naturellement, personne n’ose répondre au cheikh du Qatar que l’avenir des Palestiniens n’aura pas lieu par les armes, que s’ils veulent un avenir, il faut qu’ils renoncent au jihad, c’est-à-dire qu’ils déposent les armes et que leurs dirigeants s’en aillent, notamment ceux qui ont fait le 7 octobre.

Cette guerre entre juifs et arabes vient de très loin, de bien avant l’islam ; il faut lire le psaume 83 qui parle d’une coalition de peuples, parmi lesquels les descendants d’Ismaël et de Hagar, preuve au passage qu’elle a eu d’autres fils qu’Ismaël, qui se sont joints à Édom, descendant d’Ésaü, avec ce mot d’ordre : effaçons pour toujours le souvenir d’Israël. Et le poète supplie Dieu d’intervenir, de les punir, et il conclut : afin qu’ils sachent que toi, ton nom, c’est Adonaï. Or ces peuplades arabes connaissaient le Dieu Allah, c’est-à-dire Élohim, bien avant l’islam. (Le père de Mohammed s’appelait Abdallah). Ainsi le psaume distingue les tenants d’Allah et les tenants d’Adonaï, ou comme on dit de Yahvé. Aujourd’hui, on dirait qu’il y a les tenants de la Bible et les tenants du Coran. Tout cela peut vous paraître un peu savant, mais c’est très actuel. Aujourd’hui, ceux qui invoquent la Bible sont appelés « extrême droite » et ceux qui invoquent le Coran sont appelés « extrême gauche ». Un historien des idées politiques, s’il est sérieux, se tordrait de rire. Il est vrai que les extrêmes gauches non religieuses en Occident n’ont pas besoin de livre sacré, elles se suffisent largement de leur sacré culot, de leur certitude narcissique d’être dans le vrai sans avoir à enquêter sur qui est leur autre. Ils sont déjà À leurs yeux leur idéal de vérité, moyennant quoi ils sont dans la pire erreur, dans la traque et l’agression de leurs opposants. 

À Jérusalem, je suis tombé sur la grande manif des juifs orthodoxes qui ne veulent pas combattre. Ils considèrent qu’à la place, ils étudient la Torah. En hébreu, ils s’appellent les craintifs, les harédim, pour dire qu’ils craignent Dieu. Mais si Dieu c’est la vie, la vie peut vous appeler, et c’est le cas à combattre pour elle, la vie, contre ceux qui veulent vous l’enlever. Il me semble que cette peur de Dieu, devenue phobie de l’armée, les met en pleine contradiction car ils disent que l’État d’Israël est leur ennemi, et ils disent que leur étude de la Torah protège Israël. J’ajoute que s’octroyer une causalité aussi directe semble un peu sacrilège : si on est sûr de détenir par son étude l’instrument protecteur, on en fait un fétiche, et ce n’est pas bien. Si on prétend qu’on a en main le levier du salut, cela même prouve qu’on ne l’a pas. 

Et cela laisse intacte la question : qu’est-ce qui peut protéger Israël et les juifs de la déferlante de calomnies qui s’est beaucoup intensifiée ces temps-ci ? 

Là-dessus, le hasard m’a fait passer une vidéo où Caroline Fourest fait sur LCI, il y a deux semaines, des mises au point sur la guerre de Gaza ; elle parle des mères gazaouies qui présentent aux photographes leur enfant amaigri par la maladie et non par la supposée famine, elle dénonce les fausses victimes, elle dénonce la haineuse commissaire de l’ONU, elle dénonce les mensonges. 

Bref,elle révèle des choses que je vous dis depuis des mois ; à croire que pour faire ces mises au point salutaires sur une chaîne un peu importante comme LCI, il ne faut pas être juif ; eh bien, tant pis, l’important c’est que ces choses soient dites. Il est vrai que nous les disons un peu autrement, sans nous écrier comme elle et Pujadas : mais pourquoi inventent-ils des morts quand il y en a déjà tellement ? La réponse est que leur propagande invente ces morts pour démultiplier les morts, ce qui suggère que les morts annoncées officiellement par le Hamas le sont aussi sous le signe de la démultiplication ; il fallait bien ça pour placer leur slogan « génocidaire ». 

Le Hamas sera sans doute reconverti, grâce au Qatar. Mais si comme tel il ne désarme pas,  cela signifie que l’option du jihad est maintenue, en même temps que, grâce au Qatar et à sa propagande, un autre front plus politique peut s’ouvrir pour exiger un État palestinien. L’important est de mettre Israël en difficulté, de l’enfermer dans l’accusation : il empêche un peuple de s’autodéterminer. 

Or, les Arabes de Gaza se sont pleinement autodéterminés. Ils avaient leur territoire depuis 2005, des fonds abondants les arrosaient continuement, ils devaient être les prémices d’un État palestinien. On a vu ce qu’ils ont été ; et des braves gens voudraient qu’on recommence la même chose à Gaza dans des conditions bien, pires.

                           Daniel Sibony

Dernier ouvrage paru : Les non-dits d’un conflit, le Proche-Orient, après le 7 octobre

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