Comment les Juifs Ont Perdu Hollywood. Par Yves Mamou

Le monde du cinéma ne s’émeut que des souffrances palestiniennes

MAMOU DÉCRYPTAGES

Pour les juifs de Hollywood aussi, le monde a basculé le 7 octobre 2023. Mais ce qui les a laissés « désemparés » – pour reprendre l’euphémisme du New York Times – n’est pas l’hyperviolence du Hamas. Ils ont plutôt eu le sentiment d’avoir été abandonnés.

Leurs « amis », leurs « voisins », toutes ces célébrités non juives si promptes à s’enflammer pour la cause des Black Lives Matter ou des LGBT ont soudain détourné le regard. Les studios aussi ont gardé le silence. Et le syndicat des scénaristes, la Writers Guild of America (WGA), qui représente 11 000 professionnels du récit et de l’écriture, a également oublié de s’indigner publiquement.
Dans le NYT, Jeremy Steckler, producteur et juif, résumait ainsi sa perception de la situation : « Je n’ai jamais été quelqu’un de très attentif à mon identité ou à ma religion (…) Mais la semaine dernière, je me suis réveillé et je me suis senti marginalisé. »

« Marginalisé » est un mot faible. En vérité, les juifs de Hollywood ont été expulsés du monde qu’ils avaient eux-mêmes créé.

Dans An Empire of Their Own: How the Jews Invented Hollywood (Le Royaume de leurs rêves : comment les Juifs ont créé Hollywood), Neal Gabler montre comment William Fox (Fox Studio), Louis B. Mayer (Metro Goldwyn Mayer), les frères Warner (Warner Brothers), Adolph Zukor (Paramount), Carl Laemmle (Universal)… tous ces juifs qui avaient fui une Europe en proie aux démons de l’antisémitisme s’étaient jetés à corps perdu dans l’élaboration d’une nouvelle industrie : le cinéma.

Par la suite, ces producteurs qui ont « inventé Hollywood » « ont souvent été accusés par des ignorants de conspirer contre les valeurs américaines traditionnelles et la structure de pouvoir qui les maintenait, mais en réalité » affirme Neal Gabler, « ils adoraient ces valeurs et n’aspiraient qu’à s’y intégrer ».

Film après film, tous ces producteurs ont cherché à construire un monde qui aurait cessé de faire attention à eux.

Cette volonté de se fondre dans le tableau a surtout eu pour résultat d’encourager les tentatives d’effacement. Ainsi, quand l’Academy Museum of Motion Pictures, le musée de l’industrie du cinéma, a ouvert ses portes fin 2021, le grand public a découvert que les femmes, les homosexuels et les personnes de couleur s’étaient vu rendre justice pour leur rôle dans l’émergence d’une industrie du film aux États-Unis. Mais les immigrants juifs, ceux qui avaient littéralement fondé Paramount, Fox, Columbia, Warner…, ceux-là avaient été invisibilisés, zappés, oubliés. Il a fallu le coup de gueule de Haim Saban, richissime producteur de la série « Power Rangers » – et généreux donateur de 50 millions de dollars – pour que les conservateurs du musée s’empressent de corriger le tir.

Mais où avaient-ils la tête ?

Hollywood et le 7 octobre

Au lendemain du 7 octobre, certains artistes juifs – et non des moindres – Jerry Seinfeld (« Seinfeld », « Bee Movie »), Eric Roth (« Killers of the Flower Moon ») et Amy Sherman-Palladino (« The Marvelous Mrs. Maisel »), accompagnés de 300 autres signataires, ont interpellé publiquement les dirigeants de la Writers Guild of America (WGA). Pourquoi la WGA, habituellement si rapide à dénoncer les violences faites aux Noirs et aux minorités sexuelles, se taisait-elle sur les viols, les meurtres, les dépeçages d’enfants israéliens par des Arabes de Gaza ?

La réponse à cette exigence comminatoire fut un courriel – somme toute honnête – de Meredith Stiehm, présidente de la Writers Guild of America West : le silence de la WGA tenait au fait que « les points de vue du conseil d’administration sont variés et que nous avons constaté qu’un consensus était hors de portée ».

Autrement dit, les propalestiniens occupaient une position de force au sein du syndicat des scénaristes, et leur sympathie allait au Hamas et pas à ses victimes.

Les juifs victimes de l’antiracisme mondain

Le manque de compassion des stars envers les victimes juives du Hamas n’a rien pour surprendre. Il est l’enfant woke de la culpabilité blanche envers les Noirs américains. Dans les années 1960, les acteurs riches, blancs et célèbres se flagellaient avec délice au nom de la lutte contre le racisme qui sévissait aux États-Unis.

Dans Chien blanc, un roman écrit dans les années 1960, Romain Gary raconte sa vie à Hollywood aux côtés de son épouse Jean Seberg :
« …ma maison […] est devenue un véritable quartier général de la bonne volonté libérale blanc-américaine. Les libéraux, au sens américain du mot – en français, le mot qui me semble s’en rapprocher le plus est “humanitariste” ou plutôt “humanitaire” – l’envahissent dix-huit heures sur vingt-quatre […]. C’est la permanence des belles âmes. »

Romain Gary a compté sans mot dire les chèques que sa ravissante épouse multipliait pour soulager sa conscience.

« Le signe distinctif par excellence de l’intellectuel américain, c’est la culpabilité. Se sentir personnellement coupable, c’est témoigner d’un haut standing moral et social, montrer patte blanche, prouver que l’on fait partie de l’élite », a noté l’écrivain Gary.

Soixante-cinq ans plus tard, ce haut standing moral a trouvé dans le « palestinisme » un nouveau terrain d’expression : quelles que soient les horreurs que les Arabes dits « palestiniens » ont commises au Proche-Orient, ils ont été érigés en victimes tandis que les juifs seront toujours perçus comme des bourreaux. Ce n’est plus la blancheur de leur propre peau que les riches et célèbres stigmatisent aujourd’hui. C’est celle des juifs.

Trop “blancs”. 

Boycotts et propagande

La guerre d’Israël contre le Hamas a donc mobilisé Hollywood contre Israël. En mai, à Cannes, quelque 900 personnalités du cinéma (Juliette BinochePedro AlmodóvarJoaquin Phoenix ou Susan Sarandon…) ont signé une pétition dénonçant le « génocide » à Gaza.

En septembre 2025, à la Mostra de Venise, les professionnels du cinéma ont offert une standing ovation au film tunisien chocThe Voice of Hind Rajab, produit par Brad Pitt, qui narre la mort d’une fillette de Gaza victime collatérale des bombardements israéliens. Quasi simultanément, au Festival de Toronto, les mêmes ont tenté de déprogrammer la diffusion d’un documentaire israélien sur les massacres du 7 octobre. Et le 8 septembre, 1 500 acteurs, réalisateurs et professionnels du cinéma – Olivia Colman, Javier Bardem et Mark Ruffalo – ont juré de bannir toute relation future avec des institutions cinématographiques israéliennes « impliquées dans le génocide à Gaza ».

Hollywood contre Hollywood

Leur promesse de boycott ne vise pas seulement les festivals et cérémonies officielles. Elle cible le moteur de la création elle-même: le financement. À la mi-octobre 2024, raconte Variety, la productrice israélienne de « Fauda », Liat Benasuly, a réuni une centaine de ses amis et collègues de Los Angeles – Sherry Lansing, ancienne directrice de Paramount, Mayim Bialik, la star de « The Big Bang Theory », et la chanteuse Montana Tucker – pour leur parler d’un « sujet grave et rarement abordé : la marginalisation des créateurs israéliens sur le marché mondial (…) ». Elle avertissait : « Comme vous le savez peut-être, un nombre important de nos investisseurs et partenaires ont suspendu leurs collaborations avec des auteurs et producteurs israéliens depuis le 7 octobre. La plupart des projets de notre secteur sont désormais confrontés à un déficit de financement d’environ 20 à 30%. Ce déficit a eu un impact considérable sur notre secteur et sur notre capacité à créer des contenus de qualité. (…) Des séries à succès comme « Fauda », « Homeland » ou « Euphoria » sont aujourd’hui menacées. »

Les juifs courbent la tête

Face à cette avalanche d’hostilité, les juifs et les Israéliens de Hollywood ont courbé la tête. Quelques stars comme David Schwimmer (Ross dans « Friends») ont tenté de secouer l’apathie générale.

« Beaucoup de gens que je respecte, même certains de mes héros dans le monde du spectacle, de la musique et du sport, ont choisi de rester discrets et de rester à l’écart », a déclaré l’ancien acteur de Friends, en mars 2025, au congrès de l’Anti-Defamation League, la grande organisation antiraciste juive américaine. « Tant de gens ont choisi de ne rien dire publiquement. Et si je peux leur dire quelque chose directement : j’aimerais vraiment que vous agissiez. »

Mais réagir est d’autant plus difficile que les scénaristes, producteurs et acteurs arabes ou « palestiniens » se vautrent dans la victimisation. « S’exprimer peut mettre fin à votre carrière », ont expliqué – sous le sceau de l’anonymat – certains professionnels arabes du cinéma à The Nation. Certains parlent même d’un « retour du maccarthysme » et de la commission des activités anti-américaines : « les signes seraient là pour faire taire les voix propalestiniennes dans l’industrie du divertissement, à l’université et ailleurs ».

Se faire plaindre pour justifier que l’on attaque est une tactique classique des propalestiniens. La réalité est qu’ils remportent prix et trophées, et qu’ils ont fait signer à 3 900 professionnels la promesse de boycotter toute production proche ou lointaine d’Israël.

Vers un retour des juifs à Hollywood ?

Mais la guerre n’est pas jouée. Paramount, studio contrôlé par Larry Ellison, milliardaire juif, conservateur, proche d’Israël, est entré dans la bataille.

Lundi 15 septembre, Paramount a publié un communiqué dans lequel il exprime son « désaccord avec les récentes tentatives de boycott des cinéastes israéliens. Réduire au silence des créateurs en raison de leur nationalité ne favorise pas une meilleure compréhension ni ne fait avancer la cause de la paix. L’industrie mondiale du divertissement devrait encourager les artistes à raconter leurs histoires et à partager leurs idées avec le public du monde entier. Nous avons besoin de plus d’engagement et de communication, et non de moins. »

Paramount serait aussi en passe de prendre le contrôle d’une partie significative du capital de Warner Bros. Pas pour défendre Israël. Mais cela peut aider. Si deux grands studios menacent de boycotter les boycotteurs, nul doute que le front palestinien va se sentir menacé. Ce qui marquerait un retour des juifs à Hollywood.

Pas pour se fondre dans la masse cette fois.

© Yves Mamou

Source: https://mamou.substack.com/p/comment-les-juifs-ont-perdu-hollywood

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2 Comments

  1. La manière dont les faits sont présentés est quelque peu absurde, puisque Black Lives Matter est un mouvement de suprémacistes noirs racistes, antisémites et pro-palestiniens. Les Juifs qui les ont soutenu en 2020 ont fait preuve d’une bêtise et d’une inconscience totales. Ou bien ce sont des Juifs antisémites et antisionistes : la haine de soi est le fléau du monde occidental et n’épargne pas les communautés juives. Dans 99% des cas, ceux qui ont soutenu BLM en 2020 sont les mêmes qui soutiennent le Hamas aujourd’hui. Et comment pourrait-il en être autrement ???

  2. Si on doit simplifier à outrance, je dirais que les américains blancs ne sont que des européens qui ont traversé l atlantique.
    Les juifs créateurs du cinéma ainsi que les américains juifs d aujourd’hui ne pouvaient pas imaginer rencontrer d autres réactions que celles constatées de ce côté ci de l océan.

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