

Shanna Orlik, figure de l’opposition israélienne, alerte sur les dangers d’une reconnaissance unilatérale de l’État palestinien, annoncée par Emmanuel Macron, et plaide pour les conditions d’une véritable paix.
À 34 ans, Shanna Orlik est une voix singulière du camp de la paix en Israël. Franco-Israélienne, cofondatrice du mouvement citoyen Hitorerout (« Éveil ») et aujourd’hui conseillère de Yair Golan, leader du parti Les Démocrates, elle s’est imposée comme une figure de l’opposition israélienne. Engagée contre la réforme judiciaire, mobilisée pour la libération des otages, elle poursuit son combat pour mettre fin à la guerre à Gaza. Dans cette tribune, elle met en garde contre les illusions diplomatiques d’Emmanuel Macron et propose une méthode ainsi que des mécanismes concrets pour construire une paix réelle et durable entre Israéliens et Palestiniens.
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En tant que militante pour la paix, je suis profondément préoccupée par l’annonce du président Emmanuel Macron de proclamer une reconnaissance unilatérale de l’État de Palestine en septembre – une initiative applaudie par nombre de dirigeants occidentaux.
Je ne m’oppose pas à l’idée d’un État palestinien – au contraire, je suis convaincue qu’il n’existe pas d’autre avenir que la solution à deux États. Mais le 7 octobre 2023 restera à jamais une blessure ouverte pour Israël et pour le monde. Il impose de repenser nos approches diplomatiques : les tentatives passées ont échoué, nourrissant le sentiment que la paix n’apporterait ni souveraineté, ni émancipation, ni sécurité. Cette tragédie a rappelé une vérité brutale : il n’y a pas de paix possible sans sécurité.
Reconnaître un État palestinien ne peut pas être un simple symbole ni une manœuvre électorale. C’est un acte diplomatique majeur, qui engage les générations futures et qui ne peut être crédible que s’il s’accompagne de conditions claires envers les Palestiniens : établissement d’un pouvoir modéré, désarmement, lutte contre le terrorisme islamiste et déradicalisation, éducation pluraliste et pacifiste, inclusion des femmes dans le processus politique et lutte contre la corruption de l’Autorité palestinienne.
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Calcul politique
Il est essentiel également de prendre en considération l’échec des institutions occidentales. L’ONU et l’Unrwa [Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient] n’ont pas seulement été inefficaces : elles ont même contribué, directement ou indirectement, au plus grand pogrom à visée génocidaire depuis l’Holocauste et continuent de servir de relais à la propagande du Hamas.
La Croix-Rouge, quant à elle, réduite à un rôle de navette lors de la libération des otages israéliens, n’a pas pu porter assistance aux otages, dont cinquante sont encore détenus à Gaza depuis près de sept cents jours. Ces organisations, investies de la mission de protéger et de garantir le droit international, se sont révélées impuissantes, et parfois complices.
Cet échec révèle les limites d’approches trop souvent eurocentriques, prisonnières d’une logique politique déconnectée des réalités locales. L’avenir se construit en éduquant pour sortir des engrenages dévastateurs, qui ont mené le 7 Octobre à des exactions : des foules de civils, y compris des enfants, participant ou se réjouissant de manière euphorique de massacres et d’enlèvements d’Israéliens – juifs et musulmans, morts et vivants.
Cette initiative d’Emmanuel Macron ressemble moins à une avancée diplomatique qu’à un calcul politique pour faire remonter sa cote de popularité. Cette tactique populiste, accueillie par le Hamas comme un cadeau, est lourde de conséquences : elle affaiblira les forces démocratiques et pacifistes israéliennes et légitimera le Hamas – ce groupe djihadiste et instrument de l’Iran des Mollahs, qui opprime son propre peuple, détourne l’aide internationale et perpétue la violence contre les Israéliens.
L’histoire l’a montré : les démarches unilatérales, comme le retrait israélien de la bande de Gaza en 2005, ont ouvert la voie au renforcement des extrémistes et non à la paix. Persister dans cette voie, c’est condamner Israéliens et Palestiniens à revivre les mêmes cycles de violence. D’où l’urgence d’oser regarder ailleurs.
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Une illusion de paix
C’est exactement ce que montrent certaines initiatives venues d’autres horizons. L’organisation indienne The Art of Living, par exemple, présente dans 155 pays, a touché plus de 370 millions de personnes. Elle a transformé des conflits parmi les plus violents : 150 000 bénéficiaires de programmes de gestion des traumatismes au Moyen-Orient, en Afrique, en Europe et en Asie du Sud, et plus de 700 000 prisonniers et combattants déradicalisés et engagés dans des programmes de réhabilitation et réinsertion dans soixante pays.
Ces résultats, discrets mais concrets, montrent ce que signifie briser les cycles de haine et promouvoir la paix, la reconstruction et ce, sans effet d’annonce.
Or, face à l’initiative du président Macron, la question demeure : qu’apportera la reconnaissance unilatérale de la Palestine à une famille gazaouie vivant sous les bombardements et soumise au Hamas, sans perspective de liberté ni d’émancipation ? Et qu’apportera-t-elle à une famille israélienne qui vit, chaque jour, dans la peur du terrorisme islamiste, se demandant si ses enfants rentreront vivants de l’école ?
Reconnaître un État unilatéralement et sans condition, c’est offrir une illusion de paix ou de changement. Mais les peuples israélien et palestinien méritent mieux qu’une illusion : ils méritent un avenir.
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Propositions concrètes
C’est pourquoi, au lieu d’un effet d’annonce, la communauté internationale – et la France en particulier – devrait agir immédiatement sur des mesures concrètes capables d’avoir un impact direct, durable et inédit sur le conflit israélo-palestinien :
• Libérer immédiatement les otages israéliens encore détenus par le Hamas et le Djihad islamique.
• Arrêter la guerre et gérer la crise humanitaire dans la bande de Gaza.
• Désarmer Gaza et mettre fin au règne du Hamas en rétablissant l’Autorité palestinienne comme représentante légitime modérée des Palestiniens.
• Exiger des conditions et critères clairs en échange de la reconnaissance de l’État de Palestine : lutte contre la corruption, éducation à la paix et à la démocratie, déradicalisation, coopération environnementale, inclusion des femmes dans les processus de reconstruction.
• Initier un plan de paix intégrant des solutions pour Gaza et la Cisjordanie en impliquant des garants internationaux.
• Garantir des investissements internationaux massifs pour la reconstruction de Gaza.
• Sanctionner Israël et son gouvernement en cas de développement d’implantations civiles juives dans la bande de Gaza.
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La France doit rompre avec les méthodes diplomatiques prouvées inefficaces et qui ne feront qu’affaiblir le camp de la paix dans la région sans apporter de changement concret sur le terrain. C’est dans ce courage diplomatique que réside l’espoir, et l’Histoire retiendra ceux qui auront su en faire preuve.
© Shanna Orlik

Il y a toute même des questions qui se posent : désarmer Gaza et surtout le Hamas, très bien, mais qui le fera ? Qui va accepter de foncer dans les tunnels pour chasser les terroristes et leurs complices « civiles » ? Une force de l’ONU ? Une force arabe ? L’Autorité palestinienne comme partenaire, sérieusement ? Avec Abbas qui a montré sa duplicité à moultes reprises ? Et quid de l’enseignement de la haine dès le plus jeune âge ? Il faudra plusieurs générations avant qu’une relation normale avec le voisin israélien sera seulement envisageable. Et encore une fois : qui pour garantir la démilitarisation ? L’armée française, une force de l’UE ? L’ONU ?