Daniel Sarfati. « Soyez gentils avec les familles. Y compris avec les emmerdeurs »

Je suis, de loin, ce débat abstrait sur la fin de vie. 

Schématiquement, j’ai compris qu’une certaine droite, attachée à des principes religieux, est contre l’euthanasie, et qu’une certaine gauche qui se veut éclairée, est pour un libre choix de mettre fin à ses jours, si il ne reste plus aucun espoir 

Une politisation absurde, car la souffrance et la mort gagnent toujours les élections. 

J’ai été médecin dans une unité de soins palliatifs. 

À l’Hôpital St Louis de Jérusalem. 

La ville de toutes les passions religieuses. 

Juifs, chrétiens et musulmans y partageaient des cancers en phase terminale et des maladies neurologiques dégénératives. 

Je me souviens que, le crâne farci de tout ce que j’avais appris à la Faculté de Médecine, j’avais été surpris par la simplicité du message de mon patron, le premier jour :

« Veillez à ce que nos patients soient correctement hydratés, qu’ils ne fassent pas d’escarres et surtout qu’ils ne souffrent pas. 

Soyez gentils avec les familles. Y compris avec les emmerdeurs ».

Les débuts avaient été difficiles, je n’avais pas le temps de m’attacher à certains des malades, qu’une infirmière m’annonçait que l’un était mort dans la nuit. 

J’avais, à chaque fois, l’impression amère d’un échec personnel. 

J’entendais parfois des hurlements de douleurs dans les couloirs, qui me glaçaient, et gentiment Sister Christina, l’infirmière-chef, me disait :

« Doktor Daniel, je pense que vous avez dû vous tromper pour la morphine. Vous me permettez d’augmenter les doses ? »

Je bredouillais « oui bien sûr ». 

Il y avait cet archéologue, persuadé d’avoir découvert un morceau du bois de la Croix de Jésus. Il souffrait d’une maladie neurologique qui lui provoquait des crises de mouvements spasmodiques. Il n’avait plus aucune conscience. Sa femme m’avait dit qu’une malédiction s’était abattue sur lui pour avoir profané cette relique du Sauveur. 

Il y avait ce journaliste brillant, dont je lisais autrefois les articles, et que des métastases rendaient fou de douleur. J’avais beau augmenter la morphine, rien n’y faisait. Et un jour, tout s’est arrêté. 

Les médecins ne sont pas là pour donner la mort, mais pour soulager. 

Mais il y a une certaine hypocrisie, car chacun sait qu’une overdose de morphine tue. 

Je suis pour une loi qui doit developper les soins palliatifs avec tous les moyens. 

Aucune considération religieuse ne doit légiférer la fin de vie. Le rapport à Dieu, est une affaire personnelle. 

La décision finale revient au patient, quand il a encore toute sa conscience et son libre arbitre.

© Daniel Sarfati

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4 Comments

  1. Merci à vous de parler de ce sujet important qui concerne un jour ou l’autre toutes les familles. En 2013, j’ai vécu des moments douloureux avec la perte de mes parents, d’une longue maladie. J’ai pu constater à cette époque, le manque de soins palliatifs. Aussi tout dépend du médecin. Certains sont à l’écoute des familles, d’autres plus ou moins. Il a fallu que je me batte pour obtenir qu’il n’y ait pas d’acharnement thérapeutique, mais une réponse à la souffrance du malade. Après je suis d’accord avec vous. Il faut une loi qui doit développer les soins palliatifs avec tous les moyens. Aucune considération religieuse ne doit interférer sur les discussions, l’élaboration de la loi sur la fin de vie. Le rapport à Dieu, est une affaire personnelle. La décision finale revient au patient, quand il a encore sa conscience et son libre arbitre. D’où, même si cela peut sembler jeune, à cette période en 2013, à l’âge de 46 ans, j’ai fait une lettre à mon médecin traitant avec mes directives anticipées.Je veux décider pour moi ce que je souhaite. On accorde bien aux animaux la possibilité de mourir sans trop souffrir. Pour les hommes, l’euthanasie, non, mais le droit de mourir dans la dignité, oui.

  2. Heureusement nous ignorons quand nous mourrons.Je ne sais si D.ieu qui donne la Vie et la reprend, m’aidera, ou si çà sera la morphine, pour l’instant, j’écris, sur Tribune juive.

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