Renée Fregosi: Le propalestinisme du PS ne date pas d’aujourd’hui

Le journal Times of Israel a révélé le 6 mai dernier qu’un « texte du « Cercle des amis d’Israël », publié sur le site du Parti socialiste » dans le cadre des contributions militantes pour le congrès de juin prochain, a provoqué « une vive controverse », amenant la direction du parti à retirer le texte du site. Pourquoi une telle censure alors qu’il est bien précisé que « les contributions thématiques n’engagent que leurs auteurs et ne sont pas des positions officielles du Parti socialiste » ?

Le texte proscrit n’étant plus accessible en ligne, on ne peut que se fier aux médias qui en ont rapporté des extraits. D’après L’Opinion, les contributeurs amis d’Israël proposaient de « réconcilier socialisme et sionisme », et affirmaient « qu’un PS qui ne soutient pas clairement Israël se trahit et perd toute chance de remporter une élection ». Par ailleurs, il semblerait que le texte ait salué « les mesures mises en place par l’État d’Israël pour protéger les populations civiles de Gaza ». Si l’on se référait à un lointain passé du parti socialiste, de tels propos n’auraient rien de choquant. Mais le temps d’un socialisme français ami d’Israël est bien révolu. Depuis les années 70, pas à pas, le propalestinisme est venu remplacer le positionnement prosioniste de la SFIO de Léon Blum puis de Guy Mollet.

Aujourd’hui au PS, on promeut en effet la dénonciation d’Israël plutôt que son soutien. Ainsi, la contribution intitulée « À Gaza, nous sommes les spectateurs impassibles d’un massacre » n’a fait l’objet d’aucune « controverse » et figure toujours parmi les contributions. Pourtant, dans le style « indigné », les auteurs de ce texte qui se veut « équilibré » utilisent de vieux propos de Mitterrand (« Salut aux humiliés, aux émigrés, aux exilés sur leur propre terre qui veulent vivre et vivre libres ») pour distiller une vision faussée de la situation en Israël et à Gaza, et se poser en défenseurs des nouveaux « damnés de la terre » que seraient les Palestiniens, victimes des Israéliens, accusés quant à eux, d’avoir mis en œuvre de longue date « une militarisation poussée de la société ».

Après le Congrès d’Épinay en 1971, qui a vu François Mitterrand prendre possession du nouveau parti socialiste, avait été créé, parallèlement au secrétariat aux Relations internationales, un « secrétariat au Tiers Monde » rapidement confié à Lionel Jospin. A partir du Congrès de Metz en 1979, avec la réunification des activités internationales du PS la ligne tiers-mondiste s’est affirmée de plus en plus clairement pro-arabe. Les relations personnelles du groupe Jospin avec les Palestiniens et notamment avec Ilan Halevi qui deviendra le représentant de l’OLP et du Fatah auprès de l’Internationale Socialiste en 1983, ont été décisives. Au fil des années, suivant et/ou impulsant le virage de l’organisation internationale elle-même, le PS français désigna de plus en plus Israël comme l’obstacle principal à la paix. Les condamnations répétées d’Israël et la complaisance inébranlable à l’égard des mouvements palestiniens masquant la véritable responsabilité de ces derniers dans les échecs successifs des différents « processus de paix ». 

Voilà donc belle lurette que le PS pratique ce que l’on pourrait appeler « la double dénégation en faveur de la paix au Proche-Orient » : déni de la volonté palestinienne de détruire Israël et déni de la possibilité de remise en cause du bien-fondé de la solution à deux États, puisque les Palestiniens n’en veulent probablement qu’un seul, un État arabe sur le territoire de la Palestine mandataire « du Jourdain à la Méditerranée », et qu’une majorité d’Israéliens estiment sans doute désormais, pour leur part, que la plupart des avancées territoriales depuis 1973 sont des acquis inaliénables. La gauche socialiste s’est ainsi faite l’idiot utile du propalestinisme, cette idéologie foncièrement anti-israélienne, opposée à la paix tant recherchée par les partisans de ladite « solution à deux États ».

L’alignement du PS sur les positions de LFI peut par conséquent être considéré comme l’aboutissement d’une longue dérive de ce parti. Alignement propalestiniste cohérent d’ailleurs avec l’évolution sur la question de la laïcité et du port du voile. On remarquera en effet parmi les nombreuses contributions au congrès, un texte particulièrement significatif à cet égard, où on retrouve tout le vocabulaire dénonçant « l’islamophobie », ce supposé « racisme antimusulmans », élément-clé de la propagande des Frères musulmans : « De la laïcité à l’islamophobie : quand la France instrumentalise le voile ». Pour les auteurs de ce texte, « la « proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport », en apparence focalisée sur la pratique du sport en compétition, pourrait servir de véritable « cheval de Troie » pour intégrer dans la loi française des éléments discriminatoires. » Cette loi et « les discours de haine discriminants, misogynes et racistes » qui l’accompagneraient, marquerait « indéniablement, le retour de comportements dignes du régime de Vichy ».

Certes, ce texte ne représente pas la ligne officielle du parti, mais peut-être davantage cependant que celui qui a été « cancellé » (annulé, censuré, supprimé) parce qu’assumant une position opposée. Au demeurant est à souligner la présence d’une autre contribution, courageuse, intitulée « Antisémitisme à gauche : reconnaître, comprendre, combattre ». Signé par plusieurs opposants au Premier secrétaire actuel, ce texte manifeste que la question constitue une ligne potentielle de clivage au sein du PS, même si le renoncement à l’idéologie propalestiniste et le retour à une position claire de soutien à Israël faisant l’économie de la critique obligée à l’épouvantail Netanyahu (« la critique légitime – et tout à fait nécessaire – de la politique du gouvernement d’extrême droite de B. Netanyahou ») demanderont encore des efforts.

© Renée Fregosi

Renée Fregosi. Philosophe et politologue. Présidente du CECIEC. Dernier ouvrage paru : Le Sud global à la dérive. Entre décolonialisme et antisémitisme. Éditions Intervalles 2025.

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