
« Rétrospectivement, il apparaît très clairement que seul un refus total de collaboration de la part des Juifs aurait pu offrir une petite chance de contraindre Hitler à une solution différente. Cette conclusion n’est pas une condamnation des Juifs morts ou vivants mais une constatation empirique de l’histoire. Le nier ou l’ignorer, c’est risquer d’ouvrir la voie à l’extermination d’autres races ou d’autres groupes minoritaires. » |
Bruno Bettelheim, Survivre, 1979
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On ne revient pas indemne d’un voyage de la mémoire à Auschwitz. C’est une descente aux enfers dans un lieu qui symbolise le mal absolu. Du camp de concentration d’Auschwitz I au camp d’extermination de Birkenau, chaque pas, chaque découverte est comme une tentative d’apporter une réponse à cette question lancinante : que reste-t-il à un Homme quand on lui a tout pris ?
Première communauté juive d’Europe en 1939, forte de 3 millions et demi de personnes, les Juifs polonais ont été décimés principalement dans les années 1942-1943 dont 1,1 million à Auschwitz-Birkenau. Alors qu’il ne reste aujourd’hui qu’environ 5000 juifs en Pologne, les synagogues, les cimetières et certains quartiers témoignent de la richesse de la vie juive avant la Shoah dans un pays qui a vu naître la Hassidout.
Dans un tel voyage mémoriel, l’accompagnement et la qualité du guide sont déterminants. En effet, les témoignages abondent pour rappeler que du temps de la domination soviétique sur la Pologne communiste, il était possible de faire le tour d’Auschwitz et de Birkenau sans jamais entendre le mot « juif »: ces lieux de mémoire n’étaient que des mémoriaux à la Résistance polonaise. L’Etat d’Israël joue ici un rôle décisif dans la préservation de la mémoire de la Shoah, non seulement par la formation et la recherche historique, mais également pour préserver la vérité des faits sans aucune concession, allant jusqu’à la brouille diplomatique lorsque la Pologne promulgue deux lois révisionnistes (2018). L’une de ces lois révisionnistes réprime par des amendes ou des peines de prison jusqu’à trois ans de réclusion, toute association publique de l’Etat polonais à la Shoah ou l’association des mots « camps de la mort polonais » et la seconde loi portant sur la restitution des biens spoliés exclut la majorité des survivants de la Shoah et leurs héritiers. Même s’il y eut de nombreux Justes polonais, il n’en reste pas moins qu’il y eut également une collusion et une collaboration polonaise avec les Nazis ainsi qu’une élimination des Juifs polonais survivants entre 1945 et 1947. On a aussi souvent entendu dire que les guides à Auschwitz étaient affligés d’une amnésie particulière, les conduisant au déni officiel de ce qui se pratiquait à Auschwitz et à Birkenau (les Polonais ne savaient pas…), mais de plus en plus de guides polonais sont formés directement à l’Institut Yad Vashem et selon notre guide, Shlomo Balsam – 450 voyages à Auschwitz au compteur –, historien de la Shoah et formateur de guides à Yad Vashem pour les voyages mémoriels, cela a pour effet de rétablir la transmission objective des faits.
On ne peut cependant s’empêcher d’être troublé par la présence à quelques encablures des camps d’un parc de loisirs familial et de tout ce que la grande distribution compte d’enseignes dans les domaine de l’alimentation, du bricolage ou de l’électroménager. Et c’est cette cohabitation étrange qui illustre aujourd’hui en Pologne la banalisation de la Shoah et la lutte d’influence que se livrent le Mémorial d’Auschwitz qui souhaite préserver la mémoire des lieux et la municipalité d’Oświęcim (Auschwitz) qui préfère tourner la page. On éprouve un malaise similaire sur les lieux du camp de Plaszow, camp de travaux forcés dirigé par Amon Goeth, le nazi de la liste de Schindler, lieu aujourd’hui partie intégrante d’un quartier de Cracovie. A l’endroit du camp ne subsiste plus qu’un immense espace de verdure vallonné où se croisent promeneurs du dimanche et joggeurs, et où l’on devine, quelque part sous la végétation, une voie pavée des restes des pierres tombales d’un cimetière juif profané et rasé. Dans une rue voisine, la villa d’où le SS Amon Goeth se distrayait en tirant sur des Juifs, existe toujours, mais c’est une résidence privée transformée par un promoteur dont le propriétaire actuel ne fait plus visiter, et qui n’est donc pas traitée par la Pologne comme un lieu de mémoire, alors que des tortures y étaient régulièrement pratiquées.
Comment alors ne pas s’étonner de cet entre-deux permanent, de ce « et-en-même-temps » qui symbolise la banalisation de la Shoah, alors même qu’en Pologne, les élèves du secondaire ont l’obligation inscrite dans la loi d’effectuer le déplacement éducatif et mémoriel à Auschwitz ? Comment ne pas être scandalisé de l’ignorance des jeunes générations sur cette période historique malgré toutes les actions éducatives, l’éducation à la citoyenneté démocratique, les témoignages, les images d’archives et tous les documentaires souvent bien faits diffusés en abondance sur les chaînes de télévision ? L’éducation et la sensibilisation réalisées uniquement par le prisme de la compassion et de l’émotion semblent en vérité peu efficaces ; il eût été préférable de les faire sous l’angle du totalitarisme et de ses conséquences. Ces questions sont évidemment omniprésentes durant tout le pèlerinage à Auschwitz-Birkenau auxquelles s’ajoutent des interrogations plus fondamentales : Auschwitz et les autres camps sont-ils seulement le « mémorial des victimes juives, tsiganes,… » ou est-ce également le symbole d’une humanité qui s’est fourvoyée ?, avons-nous collectivement retenu les leçons de la Shoah ?, ou même des interrogations plus spirituelles : où était D-ieu pendant la Shoah ?
A cette dernière question, on pourrait répondre : « …et où était l’Homme, pendant la Shoah ? », questionnement que Primo Levi reformule en expliquant que ce n’est pas D-ieu qui est mort à Auschwitz, mais une certaine idée de l’Homme, puisque l’Homme moderne est capable désormais d’organiser l’extermination d’un peuple à l’échelle industrielle dans l’indifférence quasi-générale. Or, alors même que l’espérance de vie moyenne était de 90 jours, c’est bien l’entraide, la solidarité, des étincelles d’humanité, et même quelquefois la spiritualité entre compagnons d’infortune qui a permis d’augmenter leur possibilité de survie, et parfois, très rarement, d’en réchapper.
Lors d’une marche organisée par l’association Israël Is Forever Alsace entre la gare de Rothau (Bas-Rhin) et la chambre à gaz du camp du Struthof en 2019, les discours prononcés à la mémoire des 86 victimes de la barbarie eugéniste nazie mettaient déjà en évidence la faiblesse du combat pourtant indispensable contre l’antisémitisme, combat des mots qui tient davantage du simulacre, des bonnes intentions et des vœux pieux mais sans résultats ni actes forts, alors que depuis plus de vingt ans l’antisémitisme ne cesse d’augmenter. La question des leçons à tirer de la Shoah est par conséquent une question récurrente, d’autant plus que les témoins se font de plus en plus rares et que la transmission de la mémoire repose maintenant sur les générations suivantes. Il faut hélas se rendre à l’évidence : l’humanité collectivement n’a pas tiré les leçons de la Shoah : les génocides de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda furent perpétrés moins d’un demi-siècle après la fin de la Seconde Guerre Mondiale et tous les vœux pieux, toutes les résolutions sans suites, toutes les incantations « plus jamais çà » ne nous immunisent pas contre une possible récidive, car comme l’analysait Primo Levi, il est impossible de comprendre la haine nazie qui n’a rien de rationnelle, mais qu’il est néanmoins indispensable de connaître, « parce que ce qui est arrivé peut recommencer ». L’Histoire est le patrimoine des nations et joue un rôle fondamental dans la culture commune des sociétés pour penser leur présent et construire leur avenir et, comme science humaine, elle suscite, et cela est normal, de nouveaux questionnements à chaque génération.
Alors comment faire face à l’Histoire dans une époque où se mêlent banalisation, révisionnisme, manipulation, instrumentalisation ou récupération ? On semble aujourd’hui loin du « à Auschwitz, on a gazé que des poux » d’un Darquier de Pellepoix, authentique vichyste d’extrême-droite, du « point de détail » d’un Jean-Marie Le Pen ou même des thèses négationnistes d’un Robert Faurisson, thèses complaisamment publiées fin 1978 – faut-il s’en étonner – par le quotidien Le Monde ? Mais nous vivons hélas dans une époque où la pensée unique, le politiquement correct, le pas-de-vague ou le pas-d’amalgame ont tué la vérité scientifique. C’est particulièrement le cas de L’Histoire qui est devenue éminemment politique, parce que nettoyée par des universitaires de gauche des sujets qui les dérangent pour tenter de la soumettre à l’idéologie politiquement correcte ou woke du moment et imposer une Histoire manichéenne en noir et blanc, toujours à charge pour la France. Or l’Histoire est complexe et elle est loin d’être manichéenne. Pour éviter toute manipulation, il faut donc tout mettre sur la table et lire des thèses contradictoires pour contrer le gauchisme culturel, l’hémiplégie et la malhonnêteté intellectuelle de l’époque. Morceaux choisis.
A tout seigneur tout honneur. Quand Emmanuel Macron, au soir du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, sait qu’il sera opposé au RN au second tour, et qu’il a donc d’ores et déjà gagné, que fait-il ? Dans la première semaine de l’entre-deux tours, il effectue coup sur coup un déplacement à Oradour sur Glane et au Mémorial de la Shoah, pour bien faire savoir qu’au second tour, il affrontera les chemises brunes et les héritiers de Vichy. La ficelle est grosse, mais elle fonctionne si bien que le chef de l’état la réutilisera avec le même succès en 2022. Or, Emmanuel Macron ne cesse depuis 2017 de fracturer l’unité du pays en réécrivant (comme son prédécesseur), une Histoire officielle falsifiée à la lumière d’une idéologie et de valeurs anachroniques : la colonisation présentée comme un crime contre l’humanité – excusez du peu –, la célébration de la discrimination des Juifs dans le monde arabo-musulman puisque, d’après lui, « malgré leur statut de dhimmi les Juifs ont rayonné » tandis que, dans la grande tradition mitterrandienne, il continue à faire fleurir la tombe du maréchal Pétain. De fait, Emmanuel Macron apparait donc comme le premier révisionniste de France, mais quel type de régime a besoin d’asseoir sa légitimité et ses discours sur une falsification historique permanente ?
Or, ce révisionnisme et ces manipulations trouvent de nombreux soutiens tacites ou assumés à gauche de l’échiquier politique, accréditant une histoire biaisée (la gauche résistait et la droite collaborait), précisément parce que si les crimes du nazisme sont imprescriptibles et que le procès du nazisme a eu lieu à Nuremberg, le procès – fût-il moral – des cent millions de morts du communisme n’a jamais eu lieu, pas plus que celui relatif au rôle qu’a joué la gauche française de l’époque dans la Collaboration. Il en résulte une dissymétrie dans la vision commune de l’Histoire et une impunité morale revendiquée indûment par la Gauche, qui condamne volontiers le fascisme, mais jamais le totalitarisme, « pétainisant » aujourd’hui ses adversaires de droite en maniant à l’envi des anathèmes qui stupéfient l’intelligence et anesthésient la mémoire, alors qu’ils sont les héritiers politiques de ceux qui ont voté les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.
Mais si ce biais a pu s’imposer dans l’inconscient collectif et la « culture » générale, c’est en raison d’un tabou français qui entoure le pacte germano-soviétique (23 août 1939 – 22 juin 1941) et les débuts de la Collaboration, sujets que les historiens préfèrent occulter. Or, contrairement à l’idée communément admise (la gauche résistait et la droite collaborait), c’est la gauche dreyfusarde et philosémite qui vota les pleins pouvoirs à Pétain et qui s’est massivement engagée dans la Collaboration en fournissant en nombre des auxiliaires zélés du régime de Vichy alors que les militants antisémites de la droite radicale s’engageaient, au-delà de sa représentation politique de l’époque, dans la Résistance et fournissait les premiers soutiens du Général de Gaulle. Ce chassé-croisé de grande ampleur (80% de part et d’autre), ce paradoxe français, mis en évidence par l’historien franco-israélien Simon Epstein (les Dreyfusards sous la Collaboration (2001) et Le paradoxe français (2008)) s’explique d’une part par le pacifisme total de la gauche et d’autre part par le refus de la droite d’accepter l’armistice de 1940 et la soumission à l’Allemagne nazie sur fond de pacte germano-soviétique. Les partisans de la Collaboration étaient les progressistes de l’époque, pacifistes et favorables à une Europe allemande ! La Collaboration à Paris, c’était Déat (socialiste) et Doriot (communiste) qui combattit sur le front de l’Est en uniforme nazi. A Londres en 1940, les premiers Français libres étaient des nationalistes et des Juifs qui deviendront Compagnons de la Libération, situation qui fit dire au Général de Gaulle : « A Londres, je n’avais que la Cagoule et la Synagogue ».
Faire face à l’Histoire, c’est donc aussi reconnaître la complexité d’une science humaine qui n’est pas manichéenne, être capable de déconstruire les raccourcis historiques imposés, sortir des tabous et mener le combat culturel nécessaire sans se soumettre aux diktats de la Gauche. Or les biais sont tenaces : on dénonce volontiers et à juste titre les hésitations, les ambiguïtés et les compromissions de nombreux écrivains de droite face au régime de Vichy qui détruisait les conditions de toute pensée libre, mais il n’est pas politiquement correct de pointer la « collaboration » de Sartre avec la revue Comoedia, un journal collaborationniste et celle de Simone de Beauvoir avec Radio Vichy ni de rappeler que Sartre avait accepté que ses pièces soient jouées sans aucun Juif dans le spectacle. L’Histoire officielle a ses intouchables !
Après l’opération Barbarossa et la rupture du pacte germano-soviétique (22 juin 1941), les communistes, alignés sur l’URSS, passeront globalement dans la Résistance. Mais là encore, la situation est loin d’être manichéenne : qui sait, par exemple, qu’à Buchenwald, les communistes dirigeaient l’organisation intérieure du camp et triaient les déportés, tenant d’abord compte de l’intérêt du parti en planquant les communistes importants tout en disposant de la vie et de la mort de nombreux camarades de déportation et d’officiers ? Selon les témoignages, « certains “politiques” français, tchèques ou polonais ont été, à des postes d’encadrement, des bourreaux pires que certains SS ».
L’Histoire est donc beaucoup plus nuancée et complexe que ce que les manipulateurs voudraient faire croire. Le droit d’inventaire dont certains usent et abusent est d’ailleurs la première étape sur le chemin du révisionnisme, un chemin sur lequel beaucoup n’ont pas hésité à s’engager, puisqu’il est désormais le moyen d’asseoir des partis-pris et des prises de position contraires à la vérité historique ; en pointe dans ce révisionnisme, il faut mentionner la chaîne ARTE (ses fameux documentaires révisionnistes sur Israël) et l’Institut du Monde Arabe où Jack Lang commissionne des contes à dormir debout, authentiques arnaques historiques (“Juifs d’Orient, une histoire plurimillénaire ”, « Ce que la Palestine apporte au monde » (sic)), mais également tous les media mainstream de gauche au premier rang desquels l’Agence France-Presse, Le Monde, Libération, Médiapart, Le Monde Diplomatique, Le Nouvel Obs, France Télévisions, France Inter qui ont joué un rôle majeur dans la résurgence d’un antisémitisme décomplexé que l’on avait plus connu depuis les années trente, en utilisant le mensonge et la falsification de la réalité du conflit israélo-« palestinien » que ces media ont importé en France. Au terme du voyage à Auschwitz, s’il y a aussi une leçon à retenir, c’est que le soutien inconditionnel à l’Etat d’Israël ne devrait même pas faire débat !
Il faut également noter que les révisionnistes patentés de la période de la Seconde Guerre Mondiale sont aussi ceux qui réécrivent volontiers l’histoire du conflit israélo-« palestinien ». Ce révisionnisme dont le but est la délégitimation de l’Etat d’Israël se double d’un antisémitisme – l’antisionisme – qui, depuis 2006, a fait 15 morts en France et l’antisémitisme d’extrême-gauche est le seul antisémitisme vivant à faire des morts. Et là aussi, il y a un biais à liquider : celui du brevet philosémite d’insoupçonnabilité d’antisémitisme de la Gauche qui, pour reprendre le mot de Gilles-William Goldnadel, « a abandonné les Juifs de France au couteau de l’islamisme, sous le regard bienveillant, sinon complice, de l’extrême-gauche ». Or, vingt-cinq ans après la réimportation du nouvel antisémitisme par la gauche, ce biais perdure grâce à une manipulation et à une instrumentalisation : l’empathie pour les morts de la Shoah et la transmission du devoir de mémoire constituent un brevet de respectabilité de tous les antisémites contemporains, avec la bienveillance et la compréhension tacite ou franchement affirmée de tous les représentants du judaïsme français.
Les Juifs eux-mêmes ont-ils alors tiré toutes les leçons de la Shoah?
La réponse est évidemment affirmative concernant les témoins, les déportés, les enfants cachés et les survivants des camps dont la mémoire intacte et la sensibilité à cette période sont exacerbées et qui ont accompli un travail essentiel de transmission de la mémoire, digne de tous les éloges. Dans une interview célèbre, Menahem Begin, Premier Ministre d’Israël (1977 – 1983) indiqua en 1981 les leçons qu’il fallait, selon lui, tirer de la Shoah. Il appartient maintenant aux générations suivantes de prendre le relais et de perpétuer l’Histoire et la mémoire sans tabous et sans omission.
Pour être aussi complet et équanime que possible, il faut encore mentionner l’attitude de certains dirigeants du judaïsme de l’époque et revenir à la lecture de La Nuit d’Elie Wiesel ou du témoignage L’espoir est le dernier à mourir d’Halina Birenbaum, rescapée d’Auschwitz. Les premières pages du livre d’Elie Wiesel (et la préface de François Mauriac) montrent que les responsables juifs de l’époque n’ont pas cru les témoignages de ceux qui, ayant échappé à l’horreur, revenaient les avertir du drame à grand échelle qui était en train de se jouer (Comment l’auraient-ils pu d’ailleurs face à ce qui dépassait la raison et l’entendement ?). Halina Birenbaum est beaucoup plus sévère puisqu’elle accuse le Judenrat du ghetto de Varsovie d’avoir entretenu l’illusion que l’obéissance et la soumission des Juifs à leurs bourreaux nazis les sauveraient de la mort, et fustige « la collaboration honteuse entre le Judenrat, la police juive et les nazis ». On retrouve exactement la même idée chez Maurice Rajsfus, historien juif, communiste et antisioniste qui a consacré un livre « Juifs dans la Collaboration » à l’histoire de certains notables juifs représentatifs – pas tous évidemment – qui se sont compromis dans une relation avec le régime de Vichy que Pierre Vidal-Naquet, qui préfaça le livre, qualifia de « collaboration fatale entre le pendu et la corde qui l’étranglera ».
Il y a un siècle, en 1923, dans son œuvre majeure Le Mur de fer, Vladimir Zeev Jabotinsky écrivait déjà : « La naïveté politique des Juifs est sans limite, et cela est incroyable ; ils ne comprennent pas cette règle très simple, qui veut qu’on ne doive jamais « faire le premier pas » en direction d’une personne qui ne veut pas de vous. ». Or, depuis des décennies, les représentants du judaïsme français n’ont jamais hésité à se compromettre jusqu’à devenir les exégètes complaisants des plus grands ennemis d’Israël et du peuple juif en justifiant l’injustifiable, en donnant des gages à des postures politiques officielles ou partisanes systématiquement anti-israéliennes, en fermant les yeux sur le terrorisme « palestinien » et, parfois, en acceptant un compagnonnage douteux avec l’islamo-gauchisme pour ne pas faire le jeu de… Les mêmes ont largement manipulé l’Histoire à des fins politiques partisanes, mais n’ont jamais pris leurs distances avec François Mitterrand qui cachait derrière une rose socialiste, un passé vichyste trouble et ambigu, entre Cagoule et Francisque et qui, jusqu’à la fin, n’a jamais renié ses amitiés pétainistes.
Les Juifs connaissent les leçons de l’Histoire et savent bien que les pessimistes qui se sont défiés de pays où prévalait une idéologie antisémite et où s’effondraient la démocratie et la civilisation, ont perpétué ailleurs leur identité et leur spécificité juives, tandis que les naïfs et les optimistes ont été trahis par leurs pays et sont morts à Auschwitz. Les Juifs savent également que l’ultranationalisme comme le pacifisme et la soumission peuvent conduire au pire. Mais, à l’examen de leurs positions « politiques » délirantes, on peut en revanche sérieusement douter que les « représentants » et les dirigeants du judaïsme français, CRIF, Consistoire et Grand Rabbinat en tête, aient véritablement compris les leçons de l’Histoire. Depuis des années, les positions de ces « représentants » nationaux ou locaux ont rarement reflété l’intérêt collectif. Depuis plus de vingt ans, ces Juifs de cour ont joint leur voix au déni et à la malhonnêteté intellectuelle sur l’origine de l’antisémitisme du XXIè siècle dont ils ont longtemps nié l’origine arabo-musulmane qu’il ne fallait pas nommer sous peine de poursuites et dont ils ont nié la diffusion et la prévalence tant au sein du monde politique que du côté des medias, de la justice et de l’université, bastions culturels traditionnels de la Gauche dont ils se réclament et pour laquelle ils appellent régulièrement à voter. Depuis des années, leur hémiplégie intellectuelle et leur cécité volontaire contribuent à la montée incessante d’un antisémitisme qui n’est pas réellement combattu et qu’ils regardent les bras ballants, malgré leur proximité affichée avec les pouvoirs publics. Le voyage à Ramallah et l’hommage au terroriste Arafat – la cause « palestinienne » se situant au carrefour du nazisme, du communisme et du terrorisme – est devenu désormais un grand classique de certains « représentants » qui donnent volontiers des gages à des postures politiques officielles ou partisanes systématiquement anti-israéliennes en fermant les yeux sur le terrorisme « palestinien » et qui acceptent à Paris comme à Strasbourg un compagnonnage douteux avec l’islamo-gauchisme. Depuis huit ans, nous assistons à un effondrement moral intégral des « représentants » du judaïsme français qui, non contents de faire des Juifs de France des dhimmis dans leur pays, se sont compromis avec des politiques qui leur ont donné des subventions et des décorations en échange de leur silence sur la montée de l’antisémitisme. Il faut rappeler ici que ces « représentants » ont accepté sans broncher le révisionnisme et le négationnisme du président Macron (entêtement macronien à rendre hommage au maréchal Pétain, pourtant frappé d’indignité nationale ; promotion d’un révisionnisme d’Etat sur la réhabilitation de la dhimmitude, sur la présence française (et juive) en Algérie et sur les votes systématiquement en faveur des résolutions révisionnistes contre Israël à l’UNESCO et à l’ONU), un président qu’ils ont pourtant appelé à réélire dès 2021. Pour en arriver là, on pouvait compter sur ces « représentants » serviles et pusillanimes pour garder le silence sur l’impunité du meurtrier antisémite de Sarah Halimi qui se promène aujourd’hui en toute liberté sans jamais avoir été poursuivi ni jugé et sur le torpillage de la Commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Sarah Halimi de manière partisane par le parti présidentiel (le Président Meyer Habib (UDI) refusant de signer le Rapport de la députée rapporteur LREM), un rapport destiné à ne pas faire de vagues et à étouffer l’affaire. Ces mêmes représentants avaient déjà nié le caractère antisémite du meurtre de Sarah Halimi entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2017, pour ne pas donner de grain à moudre à la candidate opposée à Emmanuel Macron et ont réitéré cette basse manœuvre politicienne au moment du meurtre de Jérémy Cohen survenu quelques semaines avant l’élection présidentielle de 2022. Le séisme survenu le 7 octobre 2023 en Israël et ses répercutions en France (et dans le reste du monde) ont prouvé que s’il existe un antisémitisme atavique et une haine d’Israël largement répandue dans l’immigration musulmane, celle-ci n’a pu prospérer en France que grâce à un terreau idéologique favorable fortement alimenté par les bastions culturels d’une gauche prétendument antiraciste. La « claque » administrée par le réel du 7 octobre aux « représentants » et à la « communauté juive organisée » n’auront pas ébranlé leurs certitudes et ne les auront pas fait bouger d’un iota. Dans ces conditions, il fallait avoir le cœur bien accroché pour décerner à Emmanuel Macron le prix Harav Lord Jakobovits en décembre 2023 – un prix qui récompense les personnalités du monde politique ou religieux qui se sont distinguées par leur comportement vis-à-vis du peuple juif, du judaïsme ou d’Israël – pour sa lutte contre l’antisémitisme (sic). Inutile de dire que ce prix signe la fin du combat contre l’antisémitisme si jamais il avait commencé, alors qu’Emmanuel Macron avait jugé bon de ne pas s’associer à la marche contre l’antisémitisme au nom de l’unité, l’unité avec les antisémites sans doute ! Le 80è anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz donnera l’occasion à certains « représentants » du judaïsme français de décerner à nouveau un brevet de respectabilité voire une réhabilitation morale à des antisémites, héritiers politiques des Collaborateurs du passé, qui pleurent depuis quinze mois la mort des Nazis du Hamas et du Hezbollah et qui n’ont jamais cessé de nazifier Israël dès lors que le Juif en uniforme kaki qu’ils abhorrent se défendait et les empêchaient de verser des larmes de crocodile sur le Juif en pyjama rayé qui, une fois mort, pouvait éventuellement trouver grâce à leurs yeux. Une fois encore, au grand dam de ceux qu’ils sont censés représenter, nos Juifs de cour, promoteurs d’un judaïsme servile se satisfaisant que « les Juifs soient devenus les spectateurs d’une situation qui ne cesse de se dégrader », montreront qu’ils regardent l’avenir en arrière en cherchant les pétainistes là où ils ne sont plus et en refusant de voir là où ils sont vraiment.
On cherchera vainement à trouver un semblant de logique dans cette « représentation » en porte-à-faux des Juifs de France. Quand les intérêts collectifs ne sont plus portés ni représentés, c’est qu’il existe des intérêts personnels ou partisans, la compromission ayant toujours été récompensée par la décoration. On trouvera peut-être une meilleure explication sous la plume de Simone de Beauvoir dans la préface de Treblinka (1966) de Jean-François Steiner : « En tous temps, en tous pays – à de rares exceptions près – les notables collaborent avec les vainqueurs : affaire de classe ». Pistonnée par Sartre pour travailler sur Radio-Vichy, Simone de Beauvoir savait en effet parfaitement de quoi elle parlait !

© Jean-Marc Lévy, vice-Président d’Israël Is Forever Alsace
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