Traduire les faits en termes politiques. Par Daniel Sibony


La Shoah orientale a donc foiré ; l’Iran et ses proxys sont moins capables que les nazis qu’ils admirent, et il y a l’armée juive qu’il n’y avait pas face aux nazis. On a souvent dit que le monde arabo-musulman, lui, contrairement à l’Occident pervers, n’avait pas fait de Shoah, il n’a pas exterminé les juifs qui vivaient dans son sein. En effet, ces juifs étaient protégés par la loi islamique des dhimis, inscrite dans le Coran ; elle les protégeait moyennant le statut humiliant qu’elle leur « accordait ». Mais les juifs d’Israël n’ayant pas cette protection, ils constituent en principe une proie absolue pour les croyants zélés, qui peuvent taper dedans au couteau, à la roquette ou au missile, sans aucune limite. Ce « sans limite » est acquis dès le départ, puisque le but final est de tuer la dernière « âme juive » qui se serait cachée derrière un arbre. (Tuer une âme, il faut le faire).

Le projet a échoué grâce aux bravoures de l’armée juive et aux armes américaines. Et c’est là que le bât blesse. : le destin d’Israël, est-il de dépendre à ce point du président américain ? Au point de devoir signer un cessez-le-feu qui transforme sa victoire militaire en défaite politique ? Qui aurait dit que la fameuse phrase de Trump : si les otages ne sont pas libérés avant mon arrivée à la présidence, ce sera l’enfer, que cette phrase qui ressemblait à une menace contre le Hamas, servirait à tordre le bras au ministre israélien pour qu’il signe, et qu’il soit dit qu’ « on a l’accord sur les otages ! », l’accord tant attendu. Pour en somme éviter à Trump de mesurer sa menace à la dure réalité. D’autant que la question des otages n’est pas du tout résolue, elle est seulement reportée : on en libère 33 en 45 jours, (on ne peut pas mieux rythmer la torture des familles), et quid de ceux qui restent ? Bien sûr, on a raison de signer cet accord, même si cela échange des corps meurtris contre 10 fois plus de meurtriers ? On ne peut pas laisser une centaine d’humains en peine dépérir voire mourir, mais du coup, s’il ne reste que 10 otages ou même un seul, l’abandonner sera d’un poids si écrasant qu’il égalera le poids des autres, et davantage. De sorte que sera à nouveau représenté, presque intact, le problème des otages, sans parler du contrôle des frontières, c’est-à-dire du trafic d’armes.

Il faut que les dirigeants israéliens apprennent la traduire le langage des faits en termes de pouvoir réel, et inversement. Sinon, ils peuvent toujours casser les proxys de l’Iran et menacer celui-ci, les combines politiciennes vont amener en catimini la solution à deux États, comme si c’était exactement ce qu’il fallait pour que le 7 octobre n’ait pas eu de raison d’être. Comme si c’était faute d’une telle solution, que la Shoah orientale s’était mise en place. Sans traduction des faits en termes de pouvoir réel, les faits se délitent : on tue un Sinwar et voilà son double, on tue 20 000 combattants et voici leurs semblables, impatients d’être recrutés ; on détruit tous les tunnels sous la frontière égyptienne, ils seront rebâtis car l’unité de la Oumma des deux côtés de cette frontière est intacte et ne fait pas question. Tout ce qui doit être rebâti le sera car ce n’est pas avec l’argent des Gazaouis : ce n’est pas comme les ruines de Los Angeles où les gens qui ont tout perdu sont en détresse sur la question qui va payer ? Ici les pétrodollars ne manquent pas, mais leur prix politique sera élevé pour Israël.
En somme, où est le réel, là-dedans ? Il faut beaucoup réfléchir pour le pointer, il est souvent le contraire de ce qu’il paraît. Exemple très symbolique : Israël a gagné la guerre et les foules islamistes défilent un peu partout pour clamer la victoire du 7 octobre.

Écraser les positions de l’ennemi, cela donne une supériorité, mais il reste à la réaliser, faute de quoi elle n’est qu’un titre de gloire inutile, que des salauds saliront de toute façon en criant au génocide, inversion perverse dont ils ont l’habitude et qui est très secondaire au regard de la réalité.
Je ferais bien une hypothèse : les dissensions et les haines intestine entre clans israéliens empêche l’État hébreu de faire de la grande politique, c’est-à-dire de traduire les actes en effets de pouvoir.
Et puis, une lueur d’espoir symbolique nous vient de la lumière : celle du laser aura bientôt en Israël son usage militaire, et fera tomber les missiles pour trois fois rien. Mais oui, c’est en cherchant côté lumière que l’on trouve de bons passages, et c’est signe qu’on a besoin de nouveaux éclairages.

© Daniel Sibony*
*Derniers ouvrages parus : « Les non-dits d’un conflit et Cinéma ou réalité ? »

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