
Le 16, cela fera un mois qu’il est détenu arbitrairement. Un mois que du côté français la retenue est de mise, tant du côté des pouvoirs publics qui ont leur raison de procéder ainsi que du côté de ceux qui, comme nous autres, ont constitué spontanément ce comité de soutien. Il est temps de se mobiliser pour dire que cette détention est inacceptable, qu’aucune charge sérieuse ne pèse sur notre compatriote, qu’aucun motif ne doit justifier que l’on jette au cachot un écrivain parce qu’il use de son droit légitime à s’exprimer et à critiquer.
Il est également temps de dire à ceux qui en France reproduisent sournoisement les accusations du pouvoir algérien qu’ils sont comptables moralement de la détention d’un écrivain dont le seul tort est d’avoir voulu vivre librement dans un pays qui ne l’est pas. La Revue politique et parlementaire qui est l’une des plus vieilles revues généralistes françaises (130 ans cette année) est à l’initiative de ce comité de soutien pour plusieurs raisons : parce que Boualem est membre de son comité éditorial, mais aussi parce que ce combat est naturellement inscrit dans la genèse de son histoire, qui n’oublie pas qu’elle fut également à la pointe du combat dreyfusard à la fin du XIXe siècle.
Qui compose le comité de soutien à Boualem Sansal ? Comment compte-t-il agir ?
Il est pluraliste politiquement, et nous souhaitons évidemment qu’il le demeure car la cause Sansal doit transcender les clivages. À ce stade il compte 700 membres, dont les deux anciens présidents de la République, la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, plusieurs anciens ministres et premiers ministres, des dizaines de parlementaires. Plus nombreux sont les intellectuels, de toutes les sensibilités, de Marcel Gauchet ou Michel Onfray, Alain Finkielkraut ou André Comte-Sponville jusqu’à Benjamin Stora ou Edgard Morin. L’internationalisation du combat est désormais l’enjeu de notre mobilisation, même si elle est amorcée du fait que Boualem Sansal est publié très largement dans le monde, mais elle doit s’intensifier.
Sansal a relevé les névroses de la société algérienne, il en a souligné le caractère mortifère, il a renvoyé la vérité de l’Algérie à des dirigeants qui se refusent à la voir par peur de perdre leur leadership.
Sait-on ce qu’il advient de Boualem Sansal, depuis maintenant près d’un mois ?
À l’heure où nous parlons, il a été transféré de l’unité hospitalière (où il se trouvait en observation) à la prison de Koléa. Ce transfert s’est opéré sans que la défense n’en soit informée. Son avocat français, Maître Zimeray, ne dispose pas de visa. Évidemment tous ces éléments constituent des violations caractérisées des droits de la défense, qui en disent long sur la nature du pouvoir algérien. Apparemment, son état de santé ne donne pas à ce stade des signes de trop grande inquiétude mais il faut rester d’une très grande prudence car Boualem est un homme de 75 ans. Après, tout est possible compte tenu de l’imprévisibilité structurelle des autorités algériennes. Même si nous préférons rester réservés sur les chances d’une libération à court terme compte tenu de la tournure prise par les événements, les autorités algériennes, qui sont incontestablement les maîtresses d’un jeu sur lequel la France pour l’instant n’a pas beaucoup de prise, peuvent décider du jour ou lendemain son expulsion, ne serait-ce que pour des raisons humanitaires.
Pourquoi le pouvoir algérien en a-t-il subitement fait son ennemi ?
Parce que Sansal est un symbole de l’Algérie qui entend tourner la page de la conflictualité avec la France. Ce qui serait au demeurant l’intérêt des deux nations. Parce que Sansal est aussi l’otage de la dégradation accélérée des relations franco-algériennes, notamment depuis l’aplanissement des problèmes entre Paris et Rabat. Parce qu’enfin il est une voix libre dans un pays qui ne l’est pas, qu’il se bat sur deux fronts, contre l’islamisme, contre un régime qu’il considère être en échec et qu’il dénonce le « compromis historique » qui préside aux destinées de l’Algérie entre le pouvoir d’un côté et les islamistes de l’autre. Comprenons : Sansal a relevé les névroses de la société algérienne, il en a souligné le caractère mortifère, il a renvoyé la vérité de l’Algérie à des dirigeants qui se refusent à la voir par peur de perdre leur leadership. Il a soulevé le couvercle sur des secrets qu’il n’est manifestement pas bon de révéler.
© Arnaud Benedetti
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