Occupations d’universités en Suisse: la faute. Par Nadine Richon

Nadine Richon

On aura tout vu dans ces occupations d’universités, en Suisse, y compris des étudiants légèrement outillés sur le plan politique au point de donner une interview à une chaîne de télévision proche du Hezbollah, de Bachar el-Assad – dont on ne parvient même pas à compter les morts – et de l’Iran qui assassine des jeunes de leur âge. Quelques professeurs semblent apprécier l’atelier banderole et les prises de paroles. Ce petit côté formateur vaut-il le risque de creuser les divisions et les haines ? Depuis quand la formation passe-t-elle par l’idée de faire main basse sur des locaux collectifs et de tenir captifs des esprits sur leur lieu de travail ? Le tout avec des interventions à sens unique et un refus de considérer la peur que l’on fait régner, notamment parmi les étudiants juifs, en saturant l’espace de manière aussi uniforme et massive ?

Le verre de l’empathie à moitié vide

Où est passée l’empathie chez ces occupants – aussi minoritaires que bruyants – qui se sont affichés dans presque toutes nos universités et prétendent encore défiler à Berne sous leur nuée de drapeaux palestiniens ? Des hommes jeunes livrent bataille et meurent tous les jours en Ukraine. Des soldats israéliens d’une vingtaine d’années sont fauchés à Gaza dans la défense de leur pays. Regretter leur mort est prohibé par ces activistes qui ne sont pas ou plus en mode étudiant, mais comme possédés par une cause qui dépasse de loin la demande légitime d’un cessez-le-feu. C’est comme si la science avait fait place à l’omniscience. Les civils palestiniens tués dans cette guerre doivent être pleurés, la reconstruction de Gaza doit être soutenue y compris financièrement, mais pourquoi refuser leur humanité à d’autres victimes ? Pourquoi ne pas parler des otages ? Cette situation où certains accaparent le champ des deuils possibles est irrespirable.

Utiliser des juifs contre l’État juif

Et ceci, maintenant : deux ou trois jeunes estampillés « Juifs décoloniaux » ont été convoqués par leurs camarades pour jeter sur Israël tout le venin dont ce mouvement dans son ensemble est imbibé. S’agissait-il de dénoncer la guerre avec son cortège de peurs, de souffrances et de victimes civiles ? Sans doute. Mais très vite leur discours calibré s’est porté sur ce que le mouvement attendait d’eux : la mise au pilori de l’État d’Israël jugé auteur d’un « projet génocidaire » alors qu’il mène très exactement une guerre, certes horrible, mais déclarée le 7 octobre 2023 par le Hamas. Le quoi ? Cette chose dont nos étudiants et leurs soutiens parlent si peu et, pour nombre d’entre eux, jamais.

Greta troque le climat contre le keffieh

Ce qui arrive dans nos universités et chez des activistes comme Greta Thunberg qui ont troqué la cause climatique pour le keffieh et conspuent une chanteuse israélienne de leur âge à l’Eurovision, alors même que la rue la menace, ressemble fortement à ce que Kamel Daoud nomme, en parlant de l’imaginaire révolutionnaire mondial félicitant nos jeunes radicalisés : « L’Occident apparaît toujours bon quand il se soulève contre l’Occident » (Le Point, avril 2024).

Pour ceux qui mettent en avant des Juifs marginaux mais armés idéologiquement contre un confettis juif au Proche-Orient, il s’agit de montrer qu’un bon Juif est celui qui sait se positionner au-dessus des autres Juifs pour réclamer un seul « État binational » sur la dépouille du pays d’Israël. On peine à comprendre qu’une jeunesse soucieuse de justice en vienne à adopter cette vieille idée qui vise, depuis la création du jeune État israélien, à sa destruction. Convoquer les Israéliens eux-mêmes ne joue pas non plus : les citoyens critiques de Netanyahou ne souhaitent pas la dissolution de leur pays, contrairement à ce qui sous-tend nos mouvements étudiants.

Le pacifisme, vraiment ?

Je ne soutiens pas la poursuite des bombardements israéliens, pas plus que les roquettes et les attaques lancées du Nord au Sud sur Israël. ­J’espère voir la fin de ces horreurs au plus vite, soit parce que le gouvernement israélien s’estimera enfin suffisamment proche de ses buts de guerre, soit parce que le Hamas déposera les armes et permettra aux Israéliens de retrouver leurs otages vivants et les dépouilles. J’imagine mal la paix sans la constitution d’un État palestinien à la fois modeste, prospère et sécurisant envers sa propre population comme envers Israël. Nos étudiants pourraient adopter un tel rêve pour le coup vraiment pacifique. 

Il est profondément choquant de voir que certains ne parviennent même pas à imaginer ce que la disparition d’Israël comme État refuge aurait de dangereux pour les Juifs du Proche-Orient et d’ailleurs. Il est profondément triste de réaliser qu’ils confient la tâche de le détruire… à des Juifs. 

© Nadine Richon

Ce texte a été initialement publié sur le blog du journal suisse “Le Peuple”

Nadine Richon est écrivaine et journaliste suisse

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1 Comment

  1. Quand arriverez vous à admettre qu’une Paix réelle, durable, sincère avec le monde musulman est définitivement utopique et dangereux pour Israël et le Peuple Juif.
    L’injonction faite par le Coran dont se réclame tous musulmans, de conquerir chaque parcelle de cette Terre, de la soumettre à la razzia et la dhimmitude (dans le meilleur des cas) est fondamentalement incompatible avec notre conception de la Paix.
    Il faut être aveugle et sourd pour ne pas voir et
    entendre les appels incessant aux meurtres des “infideles”.
    Ceux qui plaident pour une solution à 2 Etats savent pertinemment qu’en fait, il s’agirait d’une Solution Finale à deux Etats dans laquelle, seuls nos “conseilleurs” s’acheteraient une tranquillité tout illusoire.
    Clamer, prouver, haut et fort que le Coran est le véritable probleme de l’Islam doit etre la première justification à apporter à notre refus d’abdiquer devant cette menace existentielle universelle. Convaincre 1.5 milliard de musulmans est une chose impossible.

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