Gérard Kleczewski. Le sort des Juifs en Pologne aujourd’hui dans un puissant recueil de nouvelles

“Je voudrais leur demander pardon, mais ils ne sont plus là”. “Rejwach”

Attention : grand livre à paraitre le 6 septembre prochain aux éditions Actes Sud ! Des amis ou anonymes, Juifs et Polonais, se sont confiés à Mikołaj Grynberg, psychologue de formation, écrivain et photographe. Le résultat, composé de courtes nouvelles entrecoupées de photos noir et blanc de l’auteur, se révèle bouleversant !   

Le livre, titré à l’origine “Rejwach” et signé Mikołaj Grynberg, est disponible en France et en français le 6 septembre. Il était sorti en Pologne et en polonais (la langue maternelle de l’auteur) en 2018 et avait été sélectionné dans la foulée pour le prix littéraire “Nike”(1).

Il se compose de nouvelles, brèves, au scalpel, intenses et gênantes parfois… Avant chaque nouvelle, une photo en noir et blanc, met en relief le texte qui suit. 

Les éditions Actes Sud ont décidé de faire traduire le texte en français par Margot Carlier et ont changé au passage le titre en empruntant (imparfaitement) une phrase à l’une des nouvelles : “Je voudrais leur demander pardon, mais ils ne sont plus là”. 

“Rejwach” ça veut dire, si j’en crois Google Traduction, “S’il te plait” en arabe. Mais en polonais, si j’en crois toujours l’outil de Google, cela signifie “raffut” (ou tapage, ou vacarme). Rien à voir donc avec la phrase choisie par Actes Sud… Mais la puissance évocatrice de la phrase retenue donne sans doute plus envie d’en savoir plus… 

Avant d’évoquer le contenu du recueil de nouvelles, intéressons-nous à l’auteur pas ou peu connu dans nos contrées. Né à Varsovie en 1966, Mikołaj Grynberg est un artiste photographe polonais reconnu, mais également un écrivain et un reporter. Il est aussi – mais c’est très important pour comprendre la genèse de ce livre – un psychologue de formation, diplômé ad hoc de l’université de Varsovie. En 1993, il a fait ses débuts en tant que photographe, puis a donné des conférences à l’Académie Leica et à l’Association des photographes d’art polonais. Il a fondé des groupes photographiques et son premier livre fut un album titré “Much Women” (2009). 


Des thèmes prégnants

Être Juif et Polonais au 21ème siècle… Quand on sait ce qui s’est passé là, plus de 80 ans auparavant… 

Entre héritage impossible d’un passé qui ne peut pas passer et survivance d’un monde confronté aux stéréotypes, aux haines et aux passions malsaines, les textes de Mikołaj Grynberg font souvent mal mais se lisent avec plaisir. Un plaisir que le format de la nouvelle, si mal traité par les éditeurs français en règle générale, renforce. 

Les 31 textes qui composent ce recueil, souvent bouleversants et pourtant dépourvus de pathos au profit d’un traitement quasi-clinique des situations, forment un ensemble cohérent. 
Amis ou anonymes se confient à l’auteur et lui content leur histoire familiale, un épisode marquant de leur vie ou un traumatisme, comme ces deux fillettes qui jouent dans la cave de leur maison et font semblant d’être des petites juives se cachant pendant la guerre, ce petit garçon en colonie de vacances qui a une peur bleue d’Hitler, ces deux frères entrepreneurs qui exigent d’un rabbin qu’ils certifient leur non-judéité, ces rêves entêtants qui ramènent un passé enfoui, cette antisémite et “ses” Juifs dont elle pense pis que pendre mais qui le lui rendent bien, etc. 

Il est aussi question du pays, la Pologne contemporaine, qui n’a pas fait son aggiornamento par rapport à “ses” Juifs, d’Israël dont le lien est à la fois fort et complexe avec les Juifs restés en Pologne, et de cette France qui a envoyé jadis un grand nombre de Juifs polonais à l’abattoir… 

Cependant, au-delà de ces lieux de mémoire et de souffrance, ce livre réunit le tour de force d’être à la fois exclusif à un peuple et à sa religion, tout en étant magistralement universel ; l’âme humaine, la peur, la colère, la relation à la mère et au père, la jalousie, le mépris, le racisme et tant d’autres thèmes y sont explorés avec force et une certaine violence contenue. 

“Je voudrais leur pardonner, mais ils ne sont plus là” est assurément un livre à lire. Et Mikołaj Grynberg un auteur à suivre. 

© Gérard Kleczewski


Notes

  • “Je voudrais leur demander pardon, mais ils ne sont plus là”. Mikołaj Grynberg. 192 pages. Éditions Actes Sud. Collection “Lettres Polonaises”. À paraître le 6 septembre 2023.
  • Le prix littéraire Nike (prononcer Niké) (en polonais : Nagroda literacka, Nike) est un prix décerné chaque année depuis 1997 au meilleur livre polonais de l’année par une fondation créée à cet effet. Son objectif est de promouvoir la littérature et les écrivains polonais, en particulier les romans et les romanciers. (source : Wikipedia). 

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