Patrice Charoulet. Langue française

Quels sont les juges en matière de langue française ?

Première page du “Dictionnaire de l’Académie françoise”, gravée par Pierre-Jean Mariette en 1694 © Bridgeman Images

Quels sont les juges en matière de langue française ?

L’Académie française, créée au XVII e siècle, était censée par son dictionnaire dire ce qu’il fallait dire. Parallèlement, des connaisseurs ont émis des jugements en la matière.

Vaugelas, en 1647, donna des “Remarques sur la langue française, utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire”. 

Le père Bouhours, en plein classicisme, continuateur de Vaugelas, fut alors considéré comme un oracle. Il publia ses “Doutes sur la langue française proposés à MM. de l’Académie par un gentilhomme de province”, en 1674.

Depuis lors, sans discontinuer, des connaisseurs ont voulu compléter l’Académie française par des livres qui indiquaient la bonne façon de parler ou d’écrire et les erreurs à ne pas commettre. En 2023 , on trouvera en librairie divers ouvrages aux titres proches: “Guide alphabétique des difficultés du français”, “Dictionnaire des difficultés de la langue française”, “Dictionnaire des difficultés du français”,  “Encyclopédie du bon français dans l’usage contemporain”…

Parfois, sur certains points, ils n’ont pas la même opinion, mais, presque toujours, leurs auteurs sont compétents et crédibles.

L’Académie française a publié du XVII ème siècle à nos jours son Dictionnaire. On en est à la neuvième édition. Sa faiblesse principale est la lenteur. Si les académiciens sont quarante sur le papier, seuls quelques volontaires se réunissent, certains jours, pour décider ce que le dictionnaire à venir écrira sur quelques mots.

Résultat de cette lenteur : l’édition actuelle comportera quatre volumes.

Le premier a été publié en 1994, le deuxième volume en 2001, le troisième volume en 2011. On ne sait pas quand sera publié le quatrième et dernier volume.

Les Éditions Robert et Larousse sont plus rapides et publient chaque année une nouvelle édition du “Petit Robert” et du “Petit Larousse”. Et tout le monde sait que ces deux ouvrages sont en ce domaine les plus vendus et les plus utilisés. Un jeu télévisé célèbre, je ne sais pas s’il existe toujours, consulte ces deux dictionnaires-là: si le mot proposé par un candidat est présent dans au moins l’un des deux, il est considéré comme acceptable. Dans le cas contraire, même si le mot figure dans de très gros dictionnaires célèbres, comme le fameux “Littré”, qui date du XIXème siècle, les animateurs le refusent.

Ce fonctionnement est révélateur. A la question que je posais au début : “Quels sont les juges en matière de langue française?”, concrètement , pratiquement, cyniquement, on pourrait être tenté de répondre : Ce n’est plus l’Académie française, mais “Le Petit Larousse” et “Le Petit Robert”. Aux yeux de la plupart des Français.

Des professeurs d’université, de grands lettrés, des gens qui ont passé leur vie à lire toute la littérature française contestent que ces deux petits dictionnaires soient les bons juges.

Mais qui peut résister à ces bulldozers, Qui peut gommer la réalité ?

© Patrice Charoulet


À propos de Patrice Charoulet

“J’ai enseigné le français toute ma vie.

Je n’ai pas craint d’écrire sur Facebook : “Adorateur de la langue française”.

J’ai 180 dictionnaires unilingues. Je ne les collectionne pas : je m’en sers”.


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