Alain Chouffan. “Je reviendrai là-bas”, le film de Yassine Redissi. Pour les “tunes” de Paris

Henri TIBI. Le film tant attendu réalisé par Yassine Redissi, est à Paris, au Cinéma Le Balzac.

90 minutes de nostalgie, de bonheur et de… larmes !

Voilà une info qui va satisfaire de nombreux Tunes de Paris : le film sur Henri Tibi enfin sur les écrans de Paris (1). Ce film “Je reviendrais là-bas” connaît actuellement un énorme succès en Tunisie. Et tous ceux – et ils sont très nombreux – qui attendaient avec impatience de le voir vont être satisfaits ! Qui est Henri Tibi ? Une célébrité, ou une légende ! Disons une vedette tunisienne ! Poète, artiste, ou encore rêveur incompris, ce chanteur de rue, décédé en 2013, était un personnage marquant des années 70. Intelligent, érudit, sportif, il avait le verbe haut et la parole facile. D’ abord convivial, il s’était un tas d’amis. Il est devenu une vedette dans l’esprit de ceux qui l’ont connu. Et ce qui est encore plus incroyable , c’est qu’un jeune et dynamique tunisien, Yassine Redissi qui a décidé de faire de sa vie, un film sur lui.

Avec « Je reviendrai là-bas », ce documentaire sur Henri Tibi, chanteur oublié, Yassine Redissi décrit le manque creusé dans son pays par l’absence des juifs. “Une œuvre rare et bouleversante, bientôt projetée à Paris au cinéma le Balzac et au MAHJ (Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme)” écrit la journaliste Martine Gozlan dans Marianne. Avec son équipe, il se met tout de suite au travail. Dans un village perdu, Avilley, près de Besançon, ou Henri Tibi y habitait pendant des années. Là, dans une maison abandonnée, au bout des chemins neigeux, Yassine Redissi et son équipe exhument des photos, des CD, des pochettes de 45 tours. Le réalisateur et le chanteur Slim Ben Ammar enquêtent sur la vie et l’exil de Henri Tibi, un chanteur juif né à Tunis et mort à Besançon en 2013 dans un dénuement total à l’âge de 83 ans. Tibi chantait dans les rues de cette ville froide ses étés enfuis sur les plages radieuses des années 1960, de la Goulette à Sidi Bou Saïd : « Je rêve, je rêve…Je reviendrai là-bas ! »

La saga de ce clochard céleste est devenue un documentaire de 90 minutes,qui va bien au-delà du héros. Non seulement il ressuscite la mémoire juive tunisienne à travers les témoignages des anciens copains et des fans de Henri Tibi – Claude Uzan, Max et Hubert Journo –, mais il éclaire avec intelligence et émotion le manque ressenti quand un pays perd une part de lui-même. En 1967, au moment de la guerre des Six-Jours, après de graves émeutes où les synagogues ont été brûlées, les juifs ont quitté la Tunisie. Ils y vivaient depuis plus de deux mille ans pour les judéo-berbères, depuis cinq siècles pour les sépharades venus d’Espagne, du Portugal et d’Italie. A cette terre, ils étaient attachés de toutes leurs fibres. Il n’en reste aujourd’hui qu’un millier à Djerba où vient de se dérouler le pèlerinage annuel à la Ghriba, la synagogue bimillénaire de l’île. Le jeune Yassine Redissi et son équipe ont voulu faire de ce film plus qu’un documentaire. Ils sont partis depuis plus de sept ans sur la trace d’Henri Tibi. Depuis sa fameuse apparition sur Facebook, où Henri Tibi chantait sa Tunisie en post révolution comme pour dire qu’à lui aussi, sa Tunisie appartient. Les jeunes gens qui n’ont rien connu de cette Tunisie mélangée et aux mille abondances ont compris que pour que la Tunisie s’en sorte de ces tourments sans fin, il lui fallait renouer avec son passé et surtout rétablir cette histoire que Henri Tibi avait tenu à immortaliser par ses chansons et ses photos pour les générations à venir. “Ces jeunes nous prouvent encore une fois que la Tunisie sera sauvée par sa jeunesse qui va pulvériser comme par un coup de balai la déchéance de douze ans de post révolution aux aspects calamiteux et où la tentative de radicalisation du pays et de son retour au moyen âge ne sera qu’une vaine parenthèse que j’espère définitivement fermée” témoigne pour sa part le Dr Lilia Bouguira qui ajoute “ un grand merci à tous pour ces émotions fortes pour une Tunisie que nous continuerons à chanter tous et à aimer plus que tout et au-delà de toutes les conspirations.

Henri Tibi

Comment un jeune tunisien de 35 ans, Yassine Redissi, a-t-il réussi à faire revivre magistralement, un personnage haut en couleur, Henri Tibi, une vedette en Tunisie, un chanteur de rue décédé en 2013. A travers ce film, il a réussi à retracer le parcours étonnant de ce juif tunisien, dont l’objectif était de faire revivre le vivre-ensemble entre juifs, chrétiens et musulmans. Tout est parti d’une vidéo enregistrée sur Youtube. Yassine Redissi a été accroché par ce personnage touché par une injustice à réparer. Qui n’arrivait pas à comprendre que tant de juifs avaient la Tunisie. “La Tunisie a perdu une partie de son ADN en laissant partir les Juifs.” Tous les thèmes de ses chansons se rapportent à l’exil de cette communauté. “Il a eu l’intelligence, la sensibilité d’exprimer de l’exprimer, et surtout d’immortaliser cette époque en la chantant et en la photographiant”. Ce qu’il a laissé, c’est une documentation incroyable, raconte Yassine Redissi. La seule preuve de l’existence de cette période. Car il ne reste rien de cette époque, aucun symbole ou monument. Rien. c’est pourquoi j’ai voulu, à travers ce film, à partir de ses chansons, de ses photos, recréer cette période. Il est à lui seul la documentation de cette période”. A Besançon, Yassine Redissi est venu rencontrer Rémy Vienot qui fut l’ami d’Henri Tibi, ainsi que Toufik de Planoise. Le blogueur bisontin s’était battu à la mort du chanteur pour que survive sa page Wikipédia. Au programme également, une entrevue avec celle qui a pris en charge les animaux d’Henri Tibi au lendemain de son décès. Yassine Redissi est également venu à la rencontre du journal local L’Est Républicain. La rédaction a en effet beaucoup écrit sur le chanteur de rue. “En 2002, nous apprenions à nos lecteurs que l’homme avait été champion de tennis de table, qu’il avait droit à sa fiche dans « tunes », le who’s who mondial des juifs tunisiens. De nouvelles révélations devraient arriver avec le travail du journaliste tunisien. « Sa musique et ses photos font partie du patrimoine tunisien. Une exposition de ses photos est en préparation pour le mois de mai à Tunis. Un jeune groupe travaille sur un album de reprises de ses succès. Enfin, à Besançon, aujourd’hui, des jeunes s’investissent aussi pour qu’une rue porte son nom.

© Alain Chouffan

(1)Au cinéma Le Balzac, 1 rue Balzac. 75008 Paris. Voir sur Internet les jours et les horaires. Ou téléphoner au 01 45 610253.

Alain Chouffan est Journaliste au Nouvel Observateur

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