Michel Dray. “Munich, Entebbe, Paris: Tuez-les tous, Allah reconnaîtra les siens”

Devant la synagogue de la Rue Copernic, le 3 octobre 1980. © Crédit photo : Archives AFP


 Il y a un “avant” et un “après” Copernic 

                                  

S’il fallait écrire une histoire globale du terrorisme il faudrait retenir trois dates : 1967 (Guerre des Six-Jours), 1979 (Prise du pouvoir par Khomeny)  et 1982 (Guerre israélo-libanaise). De même, retenons trois attentats majeurs : 1972 (Massacre des athlètes israéliens lors des JO de Münich), 1976 (Prise d’otages à Entebbe) et 1982 (Tuerie rue des Rosiers) 

Guerre des Six Jours : naissance du terrorisme palestinien

La cuisante défaite de plus de 100 millions d’arabes contre 4 millions d’Israéliens, a ouvert la voie au mythe palestinien subtilement manipulé par Nasser pour assouvir ses ambitions panarabes. Chez les intellectuels germanopratins les Palestiniens sont une sorte d’icône idéologique. Après le juif exploiteur, voleur des prolétaires, Israël devient l’exploiteur des Palestiniens. Sartre , figure de proue de cette gauche révolutionnaire ira très loin dans la radicalisation antisémite (1). Sur le plan géopolitique, L’OLP (créée en 1964 par Ahmad Choukayri) est réactivée par Arafat avec la bénédiction de Nasser. Un axe militaire rompu à la guérilla se forme entre Le Caire, Beyrouth et Alger, réputée alors comme la capitale où se retrouvent tous les terroristes de la planète. Mais, il y a une puissance qui téléguide tout ce petit monde : l’URSS. Autant dire que la guerre froide a été le ciment qui a solidifié le terrorisme international jusqu’à l’effondrement de l’empire soviétique. 

La rampe de Birkenau 

Le détournement d’avion, durant des années, a été la marque de fabrique des organisations palestiniennes quel que soit la tendance idéologique. Avec les Jeux Olympiques de Münich, c’est l’occasion de rappeler au monde la « question palestinienne » Une organisation, Septembre Noir, (en souvenir des massacres de Palestiniens par l’armée jordanienne), prend en otage la délégation israélienne. Le résultat fut un immense bain de sang où les athlètes israéliens trouvèrent tous la mort. Michaël Prazan, avec raison, insiste sur le fait que l’une des causes de ce massacre réside dans l’impéritie des autorités allemandes qui ont refusé qu’Israël puisse prendre part à la préparation de l’assaut pour neutraliser les terroristes sur le tarmac de l’aéroport de Münich. A lire entre les lignes de son ouvrage (2), les autorités allemandes portent une très lourde responsabilité dans cette prise d’otages qui a terriblement marqué les esprits d’autant qu’elle a eu lieu en Allemagne dans cette même ville de Münich où Hitler avait ouvert d’autres Jeux Olympiques.  

Le massacre des athlètes israéliens marque un tournant décisif dans l’histoire du terrorisme. A travers les civils israéliens assassinés, c’est pour Septembre Noir l’affirmation que tout civil israélien est un soldat en puissance. Cette logique trouve son paroxysme dans le détournement d’un avion d’Air France à destination de Tel-Aviv sur Entebbe, capitale de l’Ouganda placé sous la dictature d’Idi Amin Dada, farouche opposant à Israël.  

Parmi les membres du commando figure un couple d’Allemands (3). C’est eux qui décident d’opérer une sélection entre passagers juifs et non juifs ; une sinistre sélection qui a rappelle la  terrible “rampe de Birkenau” où les nazis sélectionnaient ceux qui iraient en chambres à gaz et ceux qui mourraient au travail forcé.

En mars 1979, un attentat à la bombe contre un foyer d’étudiants juifs à Paris faisant 33 blessés démontre qu’au lendemain de Münich tout juif quelle que soit sa résidence est une cible à abattre (4).

Tuez-les tous, Dieu le veut ! 

En 1979, Khomeny prend le pouvoir en Iran. Téhéran devient l’épicentre de l’islamisme politique qui prendra sa dimension de fléau planétaire avec la fin  de l’Union Soviétique et avec elle, celle de la guerre froide, cédant ainsi la place à une guerre civilisationnelle opposant Occident et Islamisme. Ce choc des civilisations marque le déclin du terrorisme d’inspiration soixante-huitarde au profit d’une terreur islamiste pour qui l’ennemi n’est pas seulement Israël mais l’Occident tout entier.  

L’islamisme a hypnotisé les intellectuels français. La république Islamique célébrée par une intelligentsia dont le spectre va de Sartre, à Garaudy (5), en passant par Michel Foucault qui voit dans cette république l’avènement d’une “politique du spirituel” (6).  

Les organisations radicalisées comme le FPLP sont dans un premier temps en accord avec Téhéran pour la bonne et simple raison que la cible est commune : le juif. Après les années 85/86, les organisations palestiniennes « historiques » oserais-je dire, sont supplantées par le Hezbollah d’inspiration islamiste et totalement entre les mains de l’Iran. A cela ajoutons une alliance objective avec les Frères Musulmans qui d’année en années ont tissé une extraordinaire toile d’araignée étouffant les démocraties européennes. De Londres à Bruxelles en passant par Marseille et sans oublier Genève, l’entrisme est tel que le terrorisme islamique est assuré de plusieurs bases arrière. Ainsi, n’y a-t-il pas de hasard si les attentats entre 1980 et 1982 touchent des synagogues ou bien le restaurant Goldenberg rue des Rosiers. Le mot d’ordre islamiste est clair : “Tuez-les tous”, inspiré d’une harangue du mufti de Jérusalem sur “Radio Berlin” en 1944 (7).

1980 : Copernic : an I du terrorisme d’inspiration réellement islamiste sous couvert d’un terrorisme pseudo-palestinien

Le fait que la bombe soit déposée devant une synagogue libérale est très significatif. En effet, pour un islamiste, comme pour un nazi, un juif libéral , un juif pieu ou encore un juif “laïc”, cela n’a guère d’importance : tous sont des cibles à abattre. Copernic marque à mon sens le premier acte meurtrier en France où l’islamisme politique (encore embryonnaire) est largement présent idéologiquement. Le discours dépasse de ce fait le conflit israélo-palestinien stricto sensu, à tout le moins se cache derrière lui pour atteindre, à travers un discours antisioniste, un terrorisme tout entier tourné contre la civilisation judéo-chrétienne. 

Copernic est le premier acte de 40 ans de meurtres islamistes.  

                                                                                   © Michel Dray 


Notes

  • 1. Sartre a cautionné le massacre des athlètes israéliens. 
  • 2. Michaël Prazan. “Une histoire du terrorisme”. Flammarion. 2012.
  • 3. Wilfried Böse et Brigitte Kuhlmann. 
  • 4. L’attentat est revendiqué par le “Collectif autonome contre la présence sioniste en France et la paix israélo-égyptienne”. 
  • 5. Garaudy: le sens de l’agression israélienne (“Le Monde” 17 juin 1982) article dans lequel il s’évertue à “nazifier” Israël. il dénonce la “blitzkrieg” israélienne, ses mensonges  “goebbelsiens” et la “liquidation finale” des Palestiniens. 
  • 6. in “Le Nouvel Obs”, avril 1979
  • 7. Le mufti de Jérusalem Haj Amin al-Husseini sur les ondes de Radio Berlin le 1er mars 1944 : “Tuez les Juifs partout où vous les trouverez. Cela plaît à Dieu, à l’histoire et à la religion Cela sauve votre honneur. Dieu est avec vous”.

Historien, Analyste en géopolitique méditerranéenneMichel Dray travaille depuis de longues années avec des universités, des écrivains, des acteurs de la société civile et des chercheurs dans le cadre d’un Think Thank hors des Réseaux sociaux sur les analyses géopolitiques en Méditerranée. Il fut en 2021 Président du Jury du “Festival International de Cinéma et Mémoire commune” au Maroc. 


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1 Comment

  1. Le livre de Clément Weil-Raynal sur l’attentat de la rue Copernic (Rue Copernic. L’enquête sabotée ) se lit comme un roman policier, c’est assez extraordiaire de vérité et de précision, mais aussi quel gâchis de la part de la justice en France. On n’a toujour rien appris des attentats antisémites en France.
    Copernic, Carpentras, Rue des Rosier, Sarah Halimi …

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