Marc Rameaux. “Le souverainisme est un humanisme”

N’importe quel observateur attentif l’aura remarqué : ce n’est plus du tout la réforme des retraites qui est le fond de la crise actuelle, de son déferlement de violence, de la volonté de démolir totalement l’exécutif de ce pays.

La revendication apparente n’est plus qu’un décor de façade. A tort ou à raison, de la bonne ou de la mauvaise façon, une grande partie de la population a juste envie de faire la peau au post adolescent narcissique et caractériel qui nous tient lieu de président.

On pardonne l’arrogance à quelqu’un qui est sur-compétent, lorsqu’il s’appelle Richard Feynman, Steve Jobs ou Elon Musk. L’on supporte les foucades du génie lorsqu’il révolutionne sa discipline et fait bouger véritablement les lignes. On sera sans pitié en revanche – et à raison – pour l’arrogance de l’incompétent, pour la morgue du petit marquis. 

Une balance commerciale devenue monstrueusement négative, un déficit budgétaire et une dette atteignant des niveaux insupportables, un prix de l’énergie détruisant tous nos petits commerces indépendants, du fait d’un piège élémentaire de l’ARENH et du démantèlement de notre parc nucléaire dans lequel il est tombé la tête la première, un incapacité à défendre nos atouts industriels (SCAF, Alstom, …) tout en prétendant le contraire : le seul et vrai débat qui aurait dû avoir lieu lors des dernières élections présidentielles, le bilan économique désastreux de Macron, a été escamoté pour une foire médiatique. Les faits sont têtus et nous reviennent actuellement en pleine figure.

La réaction a pris comme point de fixation la réforme des retraites, le seul sujet sur lequel l’action gouvernementale avait un semblant de bien-fondé économique. Beaucoup de mes amis férus d’économie plaident légitimement qu’il fallait soutenir cette réforme sur un plan strictement rationnel. Si je partage leur point de vue quant à la vision strictement économique, ils oublient ce qu’est une faute politique dans l’analyse de la situation : dans ce domaine, tout est dans la manière. La réaction est injuste, disproportionnée, aveugle, dangereuse. Mais avec Macron, l’on a envie d’être injuste et cela peut se comprendre.

Nous recevons donc un boomerang justifié, mais de la mauvaise façon : par le chaos politique, économique et social. Je ne peux que me réjouir de la leçon donnée à Foutriquet. Mais je ne suis pas pressé de voir les forces qui le contestent prendre le dessus.

Le fer de lance de la contestation demeure ce qu’il y a de plus létal pour la France : Mélenchon, LFI, EELV. Le cynisme politique et l’avidité au pouvoir absolu ensevelis sous des tombereaux hypocrites de bons sentiments et de luttes sociales. Une voie royale déployée aux pieds des frères musulmans pour qu’ils s’emparent des leviers essentiels du pouvoir en France, conquête déjà entamée et exerçant une pression constante sur un exécutif impuissant, tout comme le FIS le fit en Algérie. 

Enfin, placez LFI et EELV au pouvoir, vous n’aurez plus un seul Juif en France : LFI et EELV sont de très loin les partis les plus antisémites de France, d’un antisémitisme profond, forcené, hystérique, d’autant plus dangereux qu’il est hypocritement camouflé sous les mensonges habituels proférés contre Israël. Si LFI et EELV parvenaient au pouvoir, la France deviendrait « judenrein » à un niveau que même les nazis n’auraient osé espérer.

Je ne mentionne même pas les conséquences économiques du programme de Mélenchon ou des verts : déjà en très mauvaise situation du fait de l’incompétence de Macron, la France perdrait des dizaines de places dans le classement économique des nations, au niveau de pays en voie de développement.

Je ne suis donc pas pressé de voir le gouvernement tomber sous la pression, qui porterait au pouvoir ce que la France a connu de pire. Quant à ceux qui voient dans le RN un recours, la bêtise profonde de sa chef de file et la médiocrité de ses cadres nous entraîneraient dans un déclassement similaire à celui du macronisme : Incompétence générale en économie, petitesse humaine de son cercle de décisionnaires, non remise en question véritable des aspects les plus dévastateurs de l’UE, remplacement des privilèges de caste par d’autres privilèges identiques : l’arrivée au pouvoir du RN ne changerait finalement pas grand-chose aux caractéristiques essentielles du macronisme.

J’ai toujours eu depuis le début une certaine commisération pour Elisabeth Borne. Non que j’adhère d’une quelconque façon à sa ligne politique, européiste, bien plus bureaucratique que volontariste en matière de réindustrialisation, complaisante quant à l’impuissance du gouvernement en matière de sécurité et d’intégrité culturelle. Mais parce que son profil de bon soldat servant de fusible au foutriquet était prévisible depuis le début. Macron ne cesse de se défausser sur ses subalternes, d’instrumenter les autres et de les jeter comme des kleenex après usage, sans jamais reconnaître une once de sa propre responsabilité. Il en a été de même avec l’ancien PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, qui montra pourtant parfaitement comment la macronie n’a fait que parachever la démolition systématique du parc nucléaire français. 

La caractéristique principale du leader de pacotille est de se défausser sur ses équipes, de ne pas prendre la responsabilité sur ses épaules. Macron est l’exact opposé du général Patton, modèle du véritable leader, engagé en permanence auprès de ses hommes sur le terrain, sobre, réservé mais implacablement déterminé, ayant approfondi chaque détail de sa stratégie. Macron ne peut comprendre et ne comprendra jamais l’attitude de Patton lors de la percée d’Avranches : « Proud of these men ! » :

Macron préférera à chaque fois se cacher lâchement derrière ses hommes. C’est peut-être ce qui précipitera sa chute et cette fois de la bonne façon : la France compte encore de grands serviteurs de l’Etat, des hauts fonctionnaires dévoués et ayant une véritable expérience industrielle comme l’était l’ancien PDG d’EDF. La lâcheté, l’absence totale d’honneur et de dignité de l’ersatz de président finiront par fédérer ce corps de grands serviteurs, suffisamment puissant pour pousser à sa destitution.

Piège de Cristal

Selon un premier niveau d’analyse, la France est plongée dans le chaos et la division. Des forces extrémistes, violentes et servantes de l’agenda islamo-gauchiste s’opposent à un macronisme à bout de souffle, s’effondrant sous le poids de ses corruptions et de ses mensonges. Ceci est vrai mais n’est que l’écume des choses.

Selon un deuxième niveau d’analyse plus approfondi, il est indispensable de ne pas laisser le chaos l’emporter, ne pas céder à la tentation de démolir le gouvernement à n’importe quel prix. La répugnance que nous inspire foutriquet ne justifie pas de jeter la France dans les bras de LFI et d’EELV, c’est-à-dire à terme aux frères musulmans, à la réalisation de la prophétie houellebecquienne de « Soumission ». Le seul défaut de cette analyse est qu’elle permet à l’ancien monde corrompu de survivre encore quelque mois de plus, chantage dont il a usé et abusé depuis des décennies. Car le macronisme n’est en rien un nouveau monde mais l’ancien ayant employé un ultime camouflage, poussant ses habituelles turpitudes à leur paroxysme.

La troisième analyse consiste à comprendre que la France est enfermée à présent dans un piège de cristal. Une chambre couverte de miroirs, se reflétant entre eux à l’infini, nous trompant et nous désorientant en permanence, nous baignant dans un univers de faux semblants qui nous pousserait à choisir les mauvaises sorties, comme ces labyrinthes de miroirs de fêtes foraines.

Dans l’art cinématographique, la chambre à miroirs est un thème qui a inspiré plus d’un réalisateur. Il est généralement synonyme de dénouement violent, de risque de mort imminente mais aussi de rédemption et d’issue de sortie, lorsque l’on brise les murs réfléchissants des apparences. Souvent placée à la fin du film, la destruction de ces chambres aux illusions dans de grands bris de verre permet de trouver une sortie heureuse. Une fin toujours teintée d’inquiétude, tant il est facile de se laisser petit à petit enfermer dans le piège de cristal sans s’en rendre compte. La Dame de Shangaï vient évidemment à l’esprit, mais également Enter the Dragon. La chambre à miroirs semble toucher à des zones suffisamment universelles du psychisme humain pour réunir Orson Welles et Bruce Lee.

Qu’est-ce que la chambre à miroirs environnant la France d’aujourd’hui ? Ce sont les visages de Macron et de Mélenchon se reflétant à l’infini, de LFI et LREM en apparence opposés, en réalité images l’un de l’autre lorsqu’ils se font face. Nous avons déjà montré comment ce couple maudit n’était que les deux faces d’une même médaille, comme le furent autrefois Talleyrand et Fouché. 

Le ping-pong verbal entre LFI et la macronie n’est que la succession à l’infini des éternelles turpitudes de la société française tournant en boucle jusqu’à l’hystérie, la démission et la lâcheté de fausses élites et la complaisance du peuple vis-à-vis d’elles, le clientélisme permanent de forces qui font mine de s’opposer, la drogue de l’assistanat et de l’argent public facile, corrompant les cœurs aussi bien du donateur que du receveur. 

La France se perd dans les reflets à l’infini de son narcissisme, de son refus d’affronter la réalité et de prendre ses responsabilités, de sortir de la situation d’enfant capricieux, criant contre ses parents laxistes et complaisants mais incapable d’avoir le courage de s’en affranchir. La social-démocratie à bout de souffle, prolongeant indéfiniment ses privilèges et prébendes à coups de subventions et de postes de complaisance, nourrit chaque jour un peu plus ses rejetons violents et ingrats, dans une comédie de lutte sociale qui n’est qu’une orgie de complaisances mutuelles se reflétant jusqu’à l’écœurement.

Piège de cristal est la traduction française d’un film ayant donné lieu à une saga d’autres films lui ayant succédé : Die Hard. Avoir la vie dure. Avoir la peau dure. Être un dur à cuire. Dans les temps de crise, la France a toujours pu compter sur son vieux fonds historique, son mélange d’énergie, de courage et d’engagement, l’opposé des fausses indignations mélenchonistes.

Le temps n’est pas aux fausses révolutions qui ne nous amèneront aucun changement, qui ne feront que pousser jusqu’à leur paroxysme les pires défauts habituels de la société française, nous menant à un effondrement et à un déclassement qui sera cette fois irréversible.

Il est temps de briser ces miroirs et de fonder une véritable force souverainiste, ouverte sur le monde mais attachée implacablement à la défense de la Cité, défendant nos intérêts économiques mais industrieuse et entrepreneuse, généreuse et humaine mais lucide et capable de la dureté des altruistes véritables.

Le souverainisme n’est pas une nostalgie surannée de nos anciennes années, un gémissement ne sachant que répéter que tout était mieux avant. Le souverainisme est un humanisme, une adhésion lucide au monde inscrite dans les lois profondes du vivant. Bien employé, il battra facilement le progressisme vis-à-vis des défis du monde moderne parce qu’il conserve le recul salvateur pour ne pas tomber dans ses pièges mais le réalisme tenace pour ne pas en sous-estimer la force. Nous aurons l’occasion de reparler du souverainisme humaniste et de l’émergence de cette force politique porteuse d’un véritable renouveau.

© Marc Rameaux

Marc Rameaux est économiste et professionnel des hautes technologies. Il a publié Le Tao de l’économie. Du bon usage de l’économie de marché (L’Harmattan, Février 2020)

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7 Comments

  1. Le troisième niveau d’analyse est plus juste : il s’agit bien d’un Macron-Mélenchonisme. Globalement Marc Rameaux a raison mais il minimise L’adhésion commune du macronisme au racisme inversé (anti non “racisés”) antisémitisme inclus. En fait, je ne vous aucune différence majeure entre Macron et Mélenchon à ceci près que celui-ci est moins va t en guerre et serait moins soumis à l’ue et à aux USA. Avec Macron on touche déjà le fond du fond de l’abjection : même Mélenchon ne serait pas pire. Personne ne serait pire. Y compris à l’international ou Macron est la risée du monde entier.
    “A un niveau que même les nazis n’auraient osé espérer” : on y est déjà. Tout notre Camp du Bien aka le 4eme Reich y est déjà…
    Sinon, bon article qui relève le niveau.

    • Bonjour,

      Le titre ne correspond effectivement qu’à la fin de l’article, ce qui a été fait volontairement : “Le souverainisme est un humanisme” est le thème qui sera développé dans mon livre à venir courant mai, publié par VA Editions. Il est donc normal que vous soyez resté sur votre faim : il s’agit d’un avant goût, volontairement alusif.

      Cordialement,

      Marc Rameaux

  2. @Joseph1 “Kleptomanie française” livre d’Eloise Benhammou (2016(

    “Éloïse Benhammou propose une analyse, sous différents angles, de l’opacité comptable des banques françaises et étrangères, leur capacité de voler des milliards d’euros aux Français, notamment sur les cotisations sociales, avec la complicité du personnel politique.”

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