La Colonne de Judith Bat-Or. Journal d’une Invisible. -4-

Vous connaissez ces jours où vous rêver de vous asseoir au bord de votre vie et de la regarder couler ? Surtout en fin de semaine, quand les forces vous manquent pour affronter le quotidien. Car, à votre âge, vous le savez, c’est justement dans ces moments que le hasard, Dieu, l’univers – à vous de décider comment vous voudrez l’appeler – balance sur votre route des obstacles supplémentaires. Comme si ce foutu quotidien ne vous suffisait pas. Bref, vous êtes crevé, KO, au bout de tous vos rouleaux, et vous attendez la tuile, la tête entre les épaules, certain qu’elle va vous tomber dessus. Vous n’allez pas y couper. Sous quelle forme ? Le hasard, Dieu, l’univers, n’a pas vraiment besoin de se griller les méninges, vu que dans votre état il ne vous en faut pas beaucoup. Une tuilette vous assommera. Par exemple, des toilettes bouchées la veille d’un long week-end. Ou un lave-linge enragé qui inonde votre appartement alors que vous attendez la visite de vos beaux-parents. Personne n’est jamais à l’abri d’un sale coup du hasard, Dieu, ou l’univers, dans les instants de grande fatigue.

D’ailleurs, est-ce un hasard – encore lui – si le hazard anglais se traduit par danger ? Pas du tout. En effet, à l’origine, le danger fricotait aussi avec notre hasard national. Quant à son sens actuel, parmi les définitions que j’ai trouvées de ce mot ma favorite est celle-ci : « Cause, jugée objectivement non nécessaire et imprévisible, d’événements qui peuvent cependant être subjectivement ressentis comme intentionnels ». Y voyez-vous comme moi la main de Dieu ? Arbitraire et souvent injuste…

Ce matin était donc, pour moi, le matin d’un de ces jours. Avant même de monter sur mon tapis de course, en cherchant le Podcast qui m’y accompagnerait, j’avais les jambes en coton, mes antennes antihasard dressées : la catastrophe me guettait. C’est alors que je suis tombée, non merci, y a pas de mal, sur un thème fichtrement calé sur mon état d’esprit : « le déluge », encore cette plomberie déglinguée.  

Allons-y, me suis-je dit. Je ne vais pas caner devant une bonne tragédie. Le sujet précis du Podcast était : le déluge a-t-il eu lieu ? Alors qu’on raconte cette légende sous des centaines de formes, dans des endroits les plus reculés de la planète, la réponse est non. Comment expliquer cela ? Tout simplement parce qu’en ces temps où les Podcast n’existaient pas, ni la télévision, le téléphone, la radio, le train, les chips, et les glaces à la vanille (ben oui), quand une personne survivait à des inondations après avoir assisté à la disparition de tout ce qui l’entourait, il pensait que l’humanité et l’univers avaient été effacés de la face de la terre. 

Logique.

Quand je suis descendue, moulue, de mon tapis de course, j’ai réalisé qu’en ces temps, les humains avaient la chance de n’avoir à se coltiner qu’avec leurs catastrophes à eux. Ce qui n’était déjà pas mal. Puis, je me suis demandé comment nous, humains d’aujourd’hui, pouvons supporter d’assister à la destruction de villes, de régions, de mondes entiers, chaque jour que Dieu fait, sans devenir cinglés. Et finalement, j’ai décidé de foncer dans l’action plutôt que de rester assise à regarder la vie couler, et le monde s’écrouler. 

© Judith Bat-Or

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