Rencontre avec Guillaume Mainguet, Attaché audiovisuel et numérique de L’Institut français d’Israël, à l’occasion de la 20 ème Édition du Festival du cinéma français en Israël. Lisa Mamou

Guillaume Mainguet

Rencontre avec Guillaume Mainguet, l’attaché Audiovisuel et numérique de L’Institut français d’Israël à l’occasion de la 20 ème Édition du Festival du cinéma français en Israël.

La société Eden Cinéma, l’Institut français d’Israël et UniFrance Films, en partenariat avec L’Occitane, ont annoncé que le Festival du cinéma français en Israël se déroulera cette année du 15 au 25 mars 2023 dans les principales cinémathèques d’Israël, à Tel Aviv, Jérusalem, Haïfa, Herzliya, Sderot et Rosh Pina.

Tribune juive :  Voulez-vous vous présenter…

Je suis Guillaume Mainguet, actuel attaché audiovisuel et numérique à l’Institut Français de Tel Aviv depuis octobre 2022. J’ai co-dirigé pendant près de 15 ans un festival international de cinéma en France et je suis moi-même auteur et réalisateur. 

Tribune Juive : Cette année, le Festival du cinéma français fête ses 20 ans d’existence, 20 ans au cours desquels il s’est affirmé comme l’un des festivals les plus appréciés du public en Israël : Comment expliquez-vous cet engouement ?

Le cinéma français marque d’une empreinte forte le cinéma mondial, par ses films, ses talents et son histoire. Il offre des esthétiques et des récits foisonnants, et aborde beaucoup de sujets qu’il n’est pas toujours possible d’aborder dans les cinématographies d’autres pays. Il reste donc attractif et dynamique, je pense que c’est ce qui établit ce lien fort avec le public, de tous âges. L’histoire entre le cinéma français et israélien est d’ailleurs longue et forte, les deux pays coproduisent ensemble des films chaque année. 

Tribune juive : S’agit-il en majorité d’un public francophone ou francophile ? Cela varie-t-il selon les différentes villes ?

Le public francophone et francophile d’Israël est bien sûr celui qui répond  spontanément aux invitations du festival, mais il attire aussi les autres publics israéliens non francophones. Chaque cinémathèque partenaire a constitué au fil des années un public varié de cinéphiles. C’est un rendez-vous annuel attendu et plébiscité également par elles pour ses publics respectifs.

Tribune juive : L’industrie du cinéma français a réussi à garder une place primordiale dans le paysage audiovisuel mondial et sa réputation n’est plus à faire. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?

Après le cinéma américain, le cinéma français est effectivement le cinéma international le plus diffusé et représenté en Israël. L’industrie cinématographique française met beaucoup de moyens au service de l’accompagnement des près de 200 films réalisés chaque année dans l’hexagone. Que ce soit au niveau de la co-production des films, particulièrement avec Israël depuis les années 60, ou au niveau de sa diffusion, dont les antennes d’Institut Français sont de véritable relais à l’étranger, le cinéma français trouve une place de choix chaque année. Avec Israël,  les habitudes et les attentes sont sans cesse renouvelées.

Tribune juive : A quel type de public l’industrie du cinéma français s’adresse-t-elle ? Le public de plus en plus jeune est-il sa cible ?

La diversité du cinéma français fait que tous les publics de tous âges peuvent être concernés. La production de films d’animation français par exemple est de plus en plus importante et le travail sur le champ de l’éducation à l’image, dont la France est une autre experte, permet d’élargir le spectre des publics visés. Mais la culture du documentaire de création, celle destinée au grand écran, est également forte. Les films français peuvent donc intéresser tous les publics.

Tribune juive : Dans la sélection de cette année, de nombreux films ont comme personnages principaux des mineurs ou des jeunes : pensez-vous que cette spécificité attirera davantage un public jeune ? Ce choix est-il une stratégie pour cibler ce public ou s’agit-il d’un hasard ?

Les films mettant en scène des jeunes héros ne sont pas tous à destination du jeune public. Même si l’âge de ces personnages permet souvent une identification plus grande et facile pour le jeune public, la manière dont sont abordés les sujets touche d’abord les adultes. Pour la plupart, ces films sont des propositions de jeunes réalisateurs ou réalisatrices, qui abordent le film d’émancipation comme expression spontanée de leurs premiers pas au cinéma, parce qu’ils sont proches des premiers témoignages, des premières voix au cinéma.

De bons films cette année passée mettent effectivement en scène de jeunes personnages. Pas de stratégie de séduction du public par cette voie particulièrement, juste le souci d’aligner la diversité et la qualité de films français. En outre, l’attention de la programmation s’est portée en partie sur les premiers ou deuxièmes films, qui recèlent toujours un nombre certain de films audacieux et novateurs.

Tribune juive : Parmi les 17 films de la programmation, 4 ont été réalisés par des femmes et en général beaucoup de films mettent en avant des personnages principaux féminins, des mères courage de familles éclatées ou recomposées, des femmes face à leurs interrogations sur leur vie sentimentale, sur la maternité ou pour d’autres sur leur désir absolu d’être mère : Était-ce une volonté pour tvous de mettre en avant cette thématique ?

Encore ici, il n’y a pas de stratégie particulière ou thématique de programmation, tous les films retenus le sont pour leur proposition formelle ou dramatique, leur approche esthétique ou sensible d’un sujet  particulier. Il est vrai que la sélection met en avant un certain nombre de visages ou de signatures féminines, je crois que cela est un certain reflet de l’état du cinéma français, qui peut s’expliquer par une place de plus en plus significative « enfin » faite aux femmes créatives dans l’industrie française. La sélection tente en outre de s’adresser à un large public israélien, portée par des sujets modernes, percutants ou originaux qui, on l’espère, procureront de belles émotions et de l’intérêt pour les spectateurs israéliens d’aujourd’hui.

Tribune juive : La sélection a vraisemblablement été réalisée il y a quelques semaines mais le Festival a lieu à une période critique où la plupart des femmes en Israël ne se sentent pas représentées par un gouvernement presqu’entièrement masculin et qui est pour beaucoup source de craintes pour les droits de la femme : le cinéma français récent est-il à vos yeux un porte-parole de la cause féminine ?

Le cinéma français œuvre dans ce sens de manière volontariste depuis plusieurs années, pour la reconnaissance du travail des femmes  dans l’industrie par la parité H/F notamment  et une place toujours plus grande à lui faire. Le collectif 50/50 par exemple scrute cette évolution de manière très précise auprès des instances décisionnaires culturelles françaises. Par les faits, les voix féminines sont aujourd’hui fortes dans le cinéma français. Les grands prix obtenus au niveau mondial ces dernières années l’ont été par une génération de réalisatrices qui s’est imposée légitimement et avec talent : Julia Ducournau à Cannes, Audrey Diwan à Venise, Alice Diop à Berlin,  Lucie Borleteau à Locarno, et encore Rebecca Zlotowski, Mia Hansen-Love, Alice Winocour, Céline Sciamma, Sara Forestier, Lola Quivoron, Lisa Akoka, Charlotte Le Bon, Jeanne Herry,  Maty Diop ont toutes atteint une sélection internationale de premier rang. Le cinéma est un puissant vecteur politique s’il en est, qui peut à sa manière influencer les regards et les mentalités. De fait, leurs films sont racontés avec leurs regards, leurs expériences, leurs forces et donc reflètent et révèlent des points de vue singuliers et nécessaires, parfois féministes. 

Tribune juive : En conclusion ?

Les propositions artistiques des festivals et leur positionnement quasiment central  aujourd’hui dans la diffusion des œuvres cinématographiques dans le monde me semblent primordiales à défendre et poursuivre. Le festival du Cinéma Français de Tel Aviv est un outil privilégié d’ouverture et de réflexion face à un monde complexe.  Derrière chaque festival, c’est la culture de la salle de cinéma et du grand écran qu’il faut saisir, qui fait du septième art cet endroit de lieu, de partage et d’altérité unique.

© Lisa Mamou 

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