Gérard Kleczewski. Réformer les retraites ou retraiter les réformes ?

Élisabeth Borne a loué la “justice” du projet gouvernemental

Quelle est la vérité, toute crue, en matière de retraite ? 
Les politiques de tous bords qui ont – ou ont voulu – depuis les années 80 réformer dans un sens (la gauche Mitterrandienne, celle de Jospin) ou dans l’autre (la droite de Chirac, celle de Sarkozy et aujourd’hui celle de Macron-Borne, après Macron-Philippe) ne tiennent absolument pas compte du consentement de la population. Et ce consentement n’est pas monolithique, alors que leurs tentatives de réformes le sont. 

La vérité c’est qu’il y a des gens qui veulent – et surtout peuvent – travailler bien au-delà de 60 ans. Certains sont comme Dalida, ils veulent mourir sur scène – quand bien même Dalida s’est suicidée. Mon père – le meilleur exemple que je connaisse – aurait voulu continuer au-delà de l’âge obligatoire, dans sa profession et son statut. On le lui a interdit. Il disait « mais laissez-moi encore un ou deux ans, même en bossant à mi-temps, j’ai des choses à apprendre aux plus jeunes, j’ai initié des choses qui pourraient aboutir à des progrès réels… », on lui a répondu « Va-t’en ! ». On lui a organisé un joli pot d’adieu, on lui a offert un vélo de course et quelques babioles, et basta… « Ciao ! ». 
Il ne s’en est pas remis. Est-ce un hasard ? Je n’y crois pas. Dans l’année qui a suivi sa mise au rebut comme un produit depuis longtemps amorti, il a développé un lymphome dont, fort heureusement, il a réussi à se soigner.   

Il y en a d’autres, par nécessité, parce qu’ils ont commencé tôt, qu’ils – et surtout elles – ont eu des carrières hachées, parce qu’il est impensable de construire un mur au-delà de 60 ans sans y laisser son dos et ses articulations, de conduire un car sans risquer un accident grave ou de courir derrière des voyous sans jamais être passés de la rue aux bureaux, qui aimeraient partir aussitôt que possible tout en ayant la chance – car c’en est une – de vivre quelques années sereines après avoir beaucoup trimé. Parfois avec un salaire indigne. 

L’envie des uns – ceux qui veulent rester – et celle des autres – ceux qui veulent partir « dans les temps » – sont systématiquement rejetées. Les gouvernants ne les écoutent pas, ne les comprennent pas. On fait rentrer leurs vies dans un cadre rigide, comme les pieds d’un basketteur taille 47 dans des chaussures taille 43 !  Et l’on réforme à marche forcée, car « il faut » réformer…  

Rejet… 
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Selon plusieurs sondages, entre 85 et 87% de la population s’exprime contre la nouvelle réforme Macron-Borne ? Peu importe, « réformons, réformons encore… » entend-on ! Pourquoi ? Parce qu’ailleurs en Europe on part en moyenne plus tard – mais avec quel niveau de retraite ? C’est ça la question qui compte. Et ne peut-on jamais harmoniser « par le haut » ? 
Parce que la démographie ne plaide pas en faveur des actifs par rapport aux retraités (et encore le Covid est passé par là). Mais je croyais que l’objectif numéro un restait le « plein emploi » ? Parce que les pensions devraient au moins être à 1 200€ pour tous ? OK, mais… 

Le principe même d’un âge légal de départ à la retraite – à 60, puis 62, puis 64 si j’ai bien compris – est passé, au fil des réformes, conçues la plupart du temps avec un objectif purement budgétaire et avec la pression de l’Europe, d’un référentiel à un oukase. La notion de taux plein dans le système par répartition « à la française » (avec et sans retraite complémentaire) est passée d’un objectif souhaitable à un seuil gravé dans le marbre. Un seuil tantôt inatteignable, tantôt trop restreint.  

S’il faut se méfier de la nouvelle réforme qui vient, ça n’est pas tant pour s’opposer obligatoirement à tout ce que décide ce Président et son gouvernement mais pour dire que la nécessité ne fait pas toujours loi, si aucune alternative n’est offerte aux citoyens que nous sommes. Et si donc notre consentement est soumis, pas éclairé. 

Si, par paresse intellectuelle de la haute administration qui pense chiffres et pas femmes et hommes, rien n’est envisagé par exemple pour permettre une véritable proportionnalité des pensions entre quelqu’un qui partirait par choix à 57 ans et un autre qui partirait aussi de sa propre initiative à 65 ou 66 ans. Rien n’est en outre prévu pour introduire pour ceux qui le souhaitent, un petit pourcentage de capitalisation dans le calcul de leurs pensions – une amélioration à la marge qui peut faire parfois la différence. 

J’ai peur que l’imagination ait depuis longtemps déserté ces « gens d’en haut » qui n’ont strictement aucune idée de ce que vivent ceux « d’en bas ». Si tout le monde avait un bon salaire – surtout avec une inflation à deux chiffres -, des conditions de travail idéales et une espérance de vie supérieure à 20 ans, je ne crois pas que la population rejetterait à ce point toute idée de réforme de la retraite. On me rétorquera, et on aura raison, qu’il y a dans cette dernière idée beaucoup d’ironie. En effet, si la situation était celle décrite, aucun gouvernant n’aurait besoin de réformer les retraites, les cotisations assujetties aux salaires s’avérant amplement suffisantes. 

Pourtant, les esprits éveillés – pas ceux qui agonisent par principe et pour des raisons politiques tout ce que fait le gouvernement – ont conscience que la France est surendettée, que la santé va mal, que l’éducation va mal, que la Justice va mal, que la Police va mal, etc. – Liste non exhaustive.  Qu’il faut donc arbitrer entre plusieurs postes de dépense de l’État, ce qui est tout de même l’un des rôles majeurs d’un gouvernement, comme le rappelait avec brio Elie Cohen hier soir à la télé, face à un ex-syndicaliste devenu député européen, aussi intolérant et obtus que bas du front…  

Vous avez-dit « irréformable » ? 
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Alors, la France serait-elle irréformable ? C’est bien possible en l’état. Après l’épisode des Gilets Jaunes qui suivait déjà une première tentative inachevée de réformer les retraites, après les affres de la crise du Covid-19, puis les conséquences économiques et énergétiques majeures d’un conflit Russo-Ukrainien dont nous ne sommes pourtant que peu les acteurs, le « momentum » comme disent les anglo-saxons me parait être le pire qu’il n’y ait jamais eu. 
Las, entendre de la part de certains membres de la majorité que les Français ont réélu en 2022 Emmanuel Macron afin qu’il réalise cette réforme est un pur mensonge. Il suffit de lire les rapports multiples d’analyse des motivations du vote des Français pour en attester. 

Hier au “20 heures”, Elisabeth Borne nous a expliqué que cette réforme était absolument nécessaire. Que le système de retraite par répartition agonisait. Que, comme le soldat Ryan et l’orque Willy, il fallait le sauver.

Reste qu’imposer une réforme aussi majeure dans ces conditions et avec une absence très majoritaire de consentement de la population me parait être très dangereux. Trop dangereux. 

Puissent-ils s’en rendre compte à l’Élysée. C’est drôle, j’ai comme un doute…

© Gérard Kleczewski

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2 Comments

  1. Aux personnes qui ont plus de 50 ans (j’en connais) qui recherchent un travail on fait comprendre qu’aucun employeur ne voudra d’eux parce qu’ils sont trop vieux. Au sujet de cette ministre et ce gouvernement éhontés il serait intéressant d’informer le public de l’état désastreux du commerce français et du surendettement historique de la France. Les médias Nord coréens de Macronie ne vous le disent pas mais Macron a autant contribué a détruire notre économie et nos finances que l’Etat de droit.

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