Gérard Kleczewski. Un article le montre: l’administration Biden ne comprend rien à l’antisémitisme

A propos de la haine d’Israël et des Juifs, j’ai écrit récemment dans ces colonnes un article sur la manière dont elle s’exerce de façon si proche dans deux quotidiens de référence, en France et aux Etats-Unis : Le Monde et le New York Times (1). Dans la foulée de la lecture d’un livre et d’une conférence sous l’égide de l’association Shibboleth, j’ai aussi écrit sur le phénomène Woke, qui s’exerce aux Etats-Unis comme en France (2). 

Dans ce contexte, il m’apparait de plus en plus légitime de considérer que les mauvaises pulsions antisémites et antisionistes, ici comme de l’autre côté de l’Atlantique, sont sœurs jumelles. 

De quoi remettre en cause (un peu) la théorie d’une virulence particulière en France de cette double haine, qui n’en fait qu’une, du seul fait que notre pays accueille sur son sol à la fois la plus grande communauté juive d’Europe (nettement moins de 1% de la population toutefois) et la plus grande communauté musulmane du monde occidental. 

Partant de ces constats, je suis tombé il y a quelques jours sur un article fort intéressant sur l’antisémitisme et l’antisionisme aux Etats-Unis, à la faveur d’une décision de Joe Biden et de sa vice-présidence Kamala Harris. 
L’article (3) est signé Mélanie Philips, une journaliste, animatrice et auteur britannique qui écrit chaque semaine une chronique pour JNS (le Jewish News Syndicate). Ledit article a été repris par l’édition en ligne de The Algemeiner, un journal basé à New York qui couvre l’actualité juive et israélienne, américaine comme internationale (ne pas confondre avec le quotidien régional allemand de Mayence “Allgemeine Zeitung“). 

Mélanie Philips. JNS

Son titre est éclairant : “Comment la tentative de la Maison Blanche de contrer la haine des Juifs se sape elle-même“. Le contenu l’est tout autant, et pourrait dans une large mesure être repris en France, quand bien même les acteurs et les décideurs sont différents.  C’est pourquoi je vous en parle aujourd’hui. 

L’enfer et ses bonnes intentions dont il est pavé

La journaliste évoque la décision de l’administration Biden de créer un groupe inter-institutionnel destiné à coordonner les efforts du gouvernement US “pour lutter contre l’antisémitisme”. 

L’intention est louable, la situation étant particulièrement préoccupante, notamment à l’heure de la multiplication des attaques antisémites, d’un Twitter envahi par une parole négationniste débridée et légitimée par l’article premier de la constitution américaine, par les délires des W (West et Woopie) et par les Universités US où l’atmosphère est devenue proprement irrespirable (Philip Roth l’avait prophétisé). 

A l’appui de cette décision, une affirmation du “vieux Joe” : “L’antisémitisme n’a pas sa place en Amérique. Tous les américains devraient rejeter avec force l’antisémitisme, y compris la négation de l’holocauste, partout où il existe”.  

Mélanie Philips s’interroge: “Est-ce une bonne nouvelle, compte tenu de l’énorme anxiété qui saisit une grande partie de la communauté juive américaine face à l’énorme augmentation des attaques antisémites ?”     

Immédiatement, la réponse tombe. L’heure n’est pas venue de nous réjouir, il faut au contraire doublement s’alarmer car, explique-t-elle, les termes qui définissent ce groupe sont les suivants : “lutter contre l’antisémitisme, l’islamophobie et les formes connexes de préjugés et de discrimination”.  

Un sacré gloubi-boulga sémantique que va tailler en pièces la journaliste. 

La haine des Juifs impossible à noyer dans la masse

Elle précise sa pensée en expliquant que l’antisémitisme appartient à une catégorie radicalement différente des autres formes de discriminations listées dans la définition du groupe. Encore plus de l’islamophobie. Dans ce contexte, agréger la haine des juifs avec d’autres formes de préjugés se révèle être un poison mortel. 

L’antisémitisme, démontre-t-elle, n’est pas une « simple » forme de haine ou de mépris. C’est un trouble psychologique paranoïaque s’appuyant sur la construction de mensonges, de distorsions du réel et d’une éclipse de la raison qui démonise le peuple juif et l’Etat d’Israël, en tant qu’Etat des Juifs. Au fond, sa seule vocation – identique à celle qui a animé Hitler et les nazis – est de se débarrasser du “problème Juif” en se débarrassant de ceux qui l’incarnent : les Juifs ! 

L’auteur ne minimise pas pour autant les préjugés bien réels qui s’opposent aux musulmans et qui doivent être condamnés. Tout comme ceux qui ciblent les hindous, les Noirs, les sikhs ou toute autre « minorité ». Cependant, dit-elle, c’est du monde islamique qu’émane le plus d’actes de terreur violente et sa théologie actuellement dominante prêche le djihad contre le monde non musulman par les voies de la violence ou de l’entrisme politique. 

Mme Philips dit se fonder sur des faits, pas sur des ressentis personnels. Elle contre par avance l’argument qui ferait d’elle une personne intolérante et sectaire. Car le sectarisme ne s’appuie pas sur les faits mais sur le mensonge et la distorsion du réel. Or, l’islamophobie, utilisée comme un atout par un joueur de tarot en pleine partie – est un outil qui n’a qu’un seul but : faire taire toute critique du monde islamique dans sa globalité, y compris ses « extrémismes » qui cohabitent massivement en son sein. 

Elle rappelle l’invention de ce concept par les Frères Musulmans comme un acte “d’appropriation culturelle”. Une tentative de coopter la stigmatisation de l’antisémitisme pour eux-mêmes, croyant à tort que le terme même d’antisémitisme immunise les Juifs contre toute critique. Pour elle, ça ne fait pas de doute, ce concept est intrinsèquement et profondément anti-Juif. Et dire que l’un des moteurs essentiels de l’antisémitisme dans le monde vient du monde musulman c’est se condamner à “être goudronné et emplumé comme un ‘islamophobe’“. Cercle hautement vicieux, on en conviendra. 

Dès lors, associer haine des juifs et islamophobie dans la définition du groupe de l’administration Biden, c’est à coup sûr ne rien comprendre au moteur crucial de la haine des Juifs. C’est d’autant plus vrai que le parti Démocrate de Biden et Harris, et divers groupes satellites qui l’ont aidé à accéder au pouvoir, sont remplis de personnalités ouvertement antisémites ou, à minima, qui ciblent de manière obsessionnelle Israël et n’ont eu de cesse de diaboliser collectivement ce pays, qui n’a certes pas toutes les vertus mais pas plus toutes les tares, en usant à l’envi de mensonges et autres calomnies. 

Longue comme le bras…

L’auteure de l’article en liste quelques-uns. Et cette liste est longue comme le bras, de l’escouade de parlementaires anti-juives et anti-israéliennes, à Louis Farrakhan et sa “Nation of Islam” qui a transformé un nombre conséquent de Noirs américains en ennemis des Juifs “sataniques”, en passant par le mouvement “Black Lives Matter” qui d’une proposition positive en est venu à glisser vers une dénonciation des Juifs en les présentant comme des oppresseurs blancs, Israël comme un “Etat d’apartheid” (pour certains pires que l’Afrique du Sud…). 

Le déni des démocrates est alors de ne pas considérer ces personnes ou ces mouvements comme toxiques ou relégués à quantité négligeable. La journaliste dit que, soit au contraire ils sont adulés, soit leur antisémitisme est minoré, ignoré, voire justifié ! 

Pire, dit-elle, au sein même de l’administration Biden on peut être troublé par les cas d’animosité anti-juive. A preuve, l’exclusion il y a peu de l’organisation sioniste américaine (la ZOA) d’une table ronde convoquée par Doug Emhoff, le mari (pourtant juif) de Kamala Harris. Motif avancé : la ZOA n’hésite jamais à pointer l’antisémitisme qui existe au sein de l’administration Biden – elle le faisait aussi du temps de Trump et sous Obama. Elle l’a fait par exemple quand a été décidé de nommer comme ambassadrice US au Brésil Elizabeth Frawley Bagley. Celle-ci, auditionnée en mai dernier, avait fait l’objet d’une condamnation de la ZOA car elle avait déclaré en 1998 que les démocrates avaient des opinions pro-israéliennes “stupides” à cause du “facteur juif” et qu’il y avait une permanence de ces opinions du fait de “l’influence du lobby juif parce qu’il y a beaucoup d’argent en jeu“.   Cela a-t-il fait reculer l’administration Biden ? Non ! Mais donc la Maison Blanche a refusé la participation de la ZOA à sa table ronde… Révélateur !

Mme Philips cite aussi la nomination comme sous-secrétaire d’Etat adjoint d’Hady Amr, afin de promouvoir la cause arabe et palestinienne. Elle rappelle que celui-ci, dans la foulée du 11 septembre, avait expliqué comment il voyait son rôle de coordinateur national du réseau anti-Israélien ‘Middle East Justice Network’. Il avait écrit “mon inspiration : l’intifada palestinienne“. Elle évoque aussi Maher Bitar, Directeur Principal du renseignement au Conseil de Sécurité Nationale, qui fût pendant des années un acteur majeur de la promotion du boycott intégral d’Israël et a fait partie du conseil d’administration des étudiants pour la justice, en cheville avec les Frères Musulmans en Palestine. Une organisation qui a fait l’actualité pour sa traque et ses menaces sur les étudiants juifs présents sur divers campus et pour sa diffusion régulière de propagandes antisémites dans les amphis et les groupes étudiants.  

La liste de la journaliste semble sans fin, citant aussi Reema Odin qui a un rôle éminent à la Maison Blanche bien qu’elle ait justifié les attentats-suicides contre des civils israéliens pendant la deuxième Intifada (“le dernier recours d’un peuple désespéré”), ou Uzra Zeya, sous-secrétaire à la sécurité civile, à la démocratie et aux droits de l’homme mis à mal par un article du Washington Free Beacon pour avoir dénoncé dans un livre l’affairisme des milieux politiques américains, complices du lobby israélien qui aurait établi un réseau « d’argent sale » destiné à soudoyer et extorquer des candidats au Congrès pour qu’ils prennent des décisions en faveur d’Israël. Dans une section de son livre, cette dame avait écrit – je cite : “les Américains non juifs perçoivent de plus en plus leurs concitoyens juifs comme des membres d’un bloc électoral à enjeu unique qui, au mieux, partage sa loyauté entre un Israël de plus en plus exploiteur et des États-Unis de plus en plus exploités“. Elle ajoutait : “Les lobbyistes les plus véhéments pour Israël doivent également accepter une part importante du blâme pour tout changement qui a eu lieu dans la perception publique américaine de la loyauté des Juifs américains” et enfin “La perception inévitable du public est que de tels partisans ardents d’Israël n’ont aucun intérêt réel à faire des États-Unis un meilleur endroit pour tous leurs citoyens, mais seulement à faire d’Israël un endroit plus sûr et plus prospère pour les Juifs.” Autrement dit, les Juifs sont responsables de l’antisémitisme qui les frappe car c’est la conséquence directe de leur comportement !  

En conclusion, rien à attendre de ce comité 

Mme Philips conclut : “Les chances que le nouveau groupe de la Maison Blanche dénonce le sectarisme de tous ces responsables sont clairement nulles.
Il est probable que cette nouvelle stratégie réservera comme toujours l’antisémitisme à la seule “extrême-droite” tout en l’ignorant là où il est désormais le plus omniprésent et le plus puissant: dans les communautés noires et musulmanes, le parti démocrate et… l’administration Biden. Le communiqué de la Maison Blanche a déclaré que la nouvelle stratégie “améliorera la compréhension de l’antisémitisme et de la menace qu’il représente pour la communauté juive et tous les Américains”. Il semblerait que la Maison Blanche elle-même ait besoin de quelqu’un pour lui apprendre ce qu’est l’antisémitisme
“.

© Gérard Kleczewski

Gérard Kleczewski

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4 Comments

  1. La gauche vous dis je !la gauche 😩
    La famille politique naturelle des juifs en France comme aux États Unis est le nouveau vecteur de l antisemitisme.
    Si cela est souvent occulté c est parce que c est difficile,très difficile de reconnaître notre propre aveuglement.

  2. “Dieudonné et Soral ne comprennent rien à l’antisémitisme”
    “Houria Bouteldja et Daniele Obono ne comprennent rien à l’antisémitisme”
    “Le Hamas ne comprend rien à l’antisémitisme”
    “Adolf Hitler et Goebbels ne comprenaient rien à l’antisémitisme”

  3. “Lutter contre l’antisémitisme, l’islamophobie (sic)…”
    Le terme “””islamophobie””” appartient à la rhétorique islamiste et antisémite. C’est comme si on disait “lutter contre le régime Iranien, les femmes qui manifestent contre le voile…”
    Les dirigeants américains et européens “progressistes” sont aussi débiles que dangereux.

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