Hamid Enayat. “Non à l’exécution !”  

Plaidoyer contre le principal outil politique et religieux du régime médiéval iranien

La décision de l’exécution de Mohsen Shekari et de Majid-Reza Rahnavard ne peut en aucun cas reposer sur une base juridique. Du moins, pas telle que l’on pourrait la concevoir en occident. Dans les faits, Une décision a été prise dans un comité politique, de sécurité et de renseignement de l’administration des mollahs sous la direction assumée du guide suprême Ali Khameneï a ordonné ces exécutions à des seules fins politiques et non dans le but de rendre la justice. A ce titre d’ailleurs, il suffit d’observer les 44 années d’histoire de la République Islamique pour se convaincre que la peine de mort en Iran est une arme répressive, fourbie au sein d’un arsenal servant uniquement la terreur pour le maintien du pouvoir en place.

Si le phénomène est bien connu, cette fois la décision hâtive de punir deux jeunes manifestants pour avoir osé défier l’autorité religieuse a provoqué des réactions contraires à celles attendues au sein même des cercles du pouvoir. Ainsi, Mohammad Sarafraz, ancien directeur de la radio et de la Télévision d’état, a déclaré que « le gouvernement a atteint un état de misère et se révèle incapable de répondre à la moindre revendication de la population. Tuer des gens n’est pas durable. » Une déclaration publique loin d’être isolée puisque Mustafa Moïn, ancien ministre des Sciences abonde dans le même sens : « L’exécution de Mohsen Shekari est devenue le point de départ de nouveaux scandales au niveau de l’Iran et dans le monde. »

Il faut dire que les effets du soulèvement populaire pour la justice et la liberté se font sentir jusqu’au plus haut niveau du régime. Chaque semaine qui passe, la position extrême et jusqu’au-boutiste d’Ali Khameneï  lui fait perdre des alliés et l’entraîne inexorablement vers sa déchéance. Dans un tel contexte de pouvoir déjà fragilisé, les exécutions de Mohsen Shekari et de Majid-Reza Rahnavard ne pouvaient aboutir qu’à un regain de vigueur dans le camp des manifestants et à une défiance plus grande de la part des mollahs écartés du pouvoir. Pourtant, depuis plus de 5 000 ans, l’histoire de l’humanité regorge d’exemples de dirigeants renversés par leurs peuples respectifs pour s’être enfermés dans une position trop autoritaire. A vouloir effacer le passé pour construire une nouvelle ère, on en oublie les leçons de sagesse historique…

44 ans de peine de mort ! 

Au cours des 44 dernières années, les chiffres des exécutions montrent que le régime de Velayat-é-Faqih[i] détient le record d’exécutions (par rapport au nombre d’habitants) dans le monde. L’exécution n’est finalement qu’un outil enveloppé dans une apparence religieuse pour perpétuer l’omnipotence du régime. La juridiction, toutes les lois et tous les châtiments sont interprétés au service de ce seul objectif. Ainsi, le rasoir de la répression coupe plus net pour mieux promouvoir la terreur. Dans les faits, la mission du pouvoir judiciaire au sein de la République islamique a toujours été de propager cette terreur au service de l’establishment de la théocratie religieuse. 

Pour s’en convaincre, il suffit simplement d’observer quelle place est laissée aux organes indépendants, aux avocats de la défense, aux jurys… Rien n’est prévu pour eux dans la constitution de la république islamique. Rien de ce qui pourrait entraver la progression de la peur de ces hommes sensés représenter le divin ne saurait d’ailleurs trouver une place dans la constitution de la République Islamique. Depuis 44 ans, la potence n’est que le support d’un régime tyrannique.

L’exécution de Mohsen Shekari, où comment s’enfermer dans une impasse

Par conséquent, la poursuite d’un soulèvement national en Iran 90 jours durant et dont la seule revendication est le renversement du régime de la peine de mort plonge les autorités religieuses du pays dans un cylindre sans fond. Un trou béant duquel le gouvernement d’Ebrahim Raïssi a pensé s’évader en creusant plus encore. L’exécution des deux jeunes manifestants ressemblait alors à la seule solution à l’impasse politique et sociale. Acculé mais farouchement accroché à ses privilèges et à son dogme, le régime n’a pas d’autre choix que de recourir aux crimes les plus “antihumains“ – qui plus est en public.

Au final, la pendaison de Mohsen Shekari et de Majid-Reza Rahnavard est une vengeance du pouvoir contre le peuple iranien, dont le seul crime est de paralyser le pays depuis plus de 3 mois. Une fois de plus, au prix de 44 ans d’expériences sanglantes, il a été prouvé que la seule façon de faire face au régime moyenâgeux des mollahs passe par une détermination sans faille. À cet égard, un manifestant a décrit ses expériences au cours de ces trois derniers mois sur les réseaux sociaux avec ces mots : « Vous (le régime) n’avez pas accepté une protestation avec des mots, pas avec de la poésie, pas avec des écrits, pas avec de l’art, pas avec des slogans, pas avec des rassemblements. Vous ne l’accepterez pas non plus avec des manifestations ou des cris la nuit sur les toits des maisons. »

Amir Nasr-Azadani, prochaine victime de la folie meurtrière des mollahs ?

Il y a quelques jours, le joueur de football professionnel Amir Nasr-Azadani s’est fait interpellé, lui aussi, pour avoir manifesté contre le régime. A peine emprisonné, il a été reconnu coupable de “rébellion armée contre l’État ou la République Islamique“. Un chef d’accusation passible de la peine de mort. Le guide suprême continuera-t-il à s’enfermer dans sa logique mortifère, creusant toujours plus profond dans la haine et la rancœur, en exhibant le corps sans vie d’Amir Nasr-Azadani, pendu par le cou en haut d’une grue, dans les faubourgs peuplés de Téhéran ? 

Depuis 90 jours, le soulèvement national a creusé un fossé irrémédiable entre le peuple et le gouvernement. Cette révolution d’un peuple souverain a révélé plus que jamais que le refus de l’exécution signifie la négation de l’intégrité du régime iranien. Alors, faisons résonner le cri de ” Non à l’exécution !” contre le principal outil politique et religieux du régime médiéval iranien dans le monde entier !

© Hamid Enayat

Hamid Enayat est un analyste iranien basé en Europe. Militant des droits de l’homme et opposant au régime de son pays, il écrit sur les questions iraniennes et régionales et en faveur de la laïcité et des libertés fondamentales.


[i] Régime du guide suprême

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