Joëlle Galimidi. Moi Rahel Iménou, ma sœur, notre mari et les mandragores 

© Via WIKIMEDIA COMMONS

Je suis une des quatre matriarches du peuple juif, fille de Laban, un homme qui n’a de blanc que son nom.

Quand mon cousin Jacob est arrivé chez nous à Haran, pour échapper à son frère Esav, il est tombé amoureux de moi. Ça tombait bien car ses parents l’avaient justement envoyé là pour épouser une fille de Laban, non pas une Cananéenne comme Esav. 

Jacob a dû travailler pour Laban comme berger sept ans pour obtenir ma main. Mon filou de père, au lieu de lui payer une dot, s’est enrichi ! Et par deux fois, car en plus, il lui a refilé en cachette ma sœur aînée Léa qui n’était pas encore mariée: après le festin des noces, il a dit à Léa de prendre ma place pendant la nuit de noce. 

Vous voulez savoir si Jacob ou moi étions au courant que Léa avait pris ma place? Et bien non, je ne vais pas vous raconter les secrets d’alcôve de notre ménage à cinq (Jacob, Léa, moi et nos deux servantes, deux filles de concubines de notre père).  

C’est glauque n’est-ce pas ? la Torah interdira ensuite d’épouser des sœurs. 

Alors on dit : « Jacob a épousé Léa puis Rachel », mais quand il s’est trouvé marié avec Léa, il aurait très bien pu refuser de retravailler sept ans pour m’épouser. 

Ou il aurait pu donner le Guett à la pauvre Léa le lendemain de la nuit de noce !

Dans les deux cas, il aurait manqué des tribus au peuple juif!

Mais Jacob avait trop bon cœur pour faire ça. Et il s’est dit que c’était la volonté d’Hashem. En tant que cadet, il avait trompé son propre père pour prendre la place de son frère aîné Esav, et là un autre père l’a trompé pour mettre l’aînée, Léa, à la place de la cadette Rachel…

Moi je n’arrivais pas à avoir d’enfants, pendant que Léa et nos servantes pondaient des fils comme des lapines. 

J’étais trop malheureuse ! 

Et quand j’ai demandé à Jacob « Donne moi des fils, autrement je suis morte!”, vous savez quoi? Il s’est fâché contre moi et m’a dit: “Suis-je à la place de Dieu, qui t’a refusé la fécondité ?”

Ah les hommes!

C’est comme Hannah qui n’avait pas d’enfant avant d’avoir son petit Samuel, qui deviendra prophète. 

Elkana, son mari, qui avait des enfants d’une autre femme, lui disait: “Hannah, pourquoi pleures-tu? Pourquoi ne manges-tu point, et pourquoi ton cœur est-il affligé ? Est-ce que je ne vaux pas, pour toi, plus que dix enfants ?”.

Les femmes remarquables de notre peuple sont souvent stériles au début : Sarah, ma belle-mère Rebecca, moi, mais pas Léa. 

Léa et moi avons toujours eu peur d’avoir à épouser notre cousin Esav, elle parce qu’elle était l’aînée et moi si Jacob ne m’épousait pas après Léa, ou s’il me répudiait pour stérilité. 

C’était assez tendu avec Léa. Par exemple, quand je lui ai demandé de me passer des mandragores que son fils avait trouvées, elle a eu le toupet de me répondre : « N’est-ce pas assez que tu aies pris mon époux, sans prendre aussi les mandragores de mon fils?” alors que notre mari m’aimait plus qu’elle. 

J’ai dû lui céder une de mes nuits avec Jacob pour avoir ces mandragores !

Léa lui a dit : « Tu viendras avec moi car je t’ai salarié contre les mandragores de mon fils », et il est allé avec elle cette nuit. 

Jacob était un peu un homme objet…

J’ai eu deux fils:

– Joseph, beau comme un di… euh (pardon je viens d’une famille païenne, parfois ça ressort), bref très beau, qui a très bien réussi, il est devenu vice-roi d’Égypte. Il n’a pas de tribu à son nom mais en a deux au nom de ses fils,

– et Benjamin, le seul père de tribu né en Israël, qui ne s’est donc pas prosterné devant Esav quand nous l’avons croisé sur le chemin vers Israël. Les parties les plus saintes du Temple seront construites sur son territoire. 

Je n’ai pas survécu à l’accouchement et je repose au bord du chemin à Beth Lehem, et pas à Hébron avec les autres… c’est Léa qui repose avec Jacob, et pas moi. 

En fait c’est sur ordre divin que Jacob m’a enterrée là en – 1568 pour que je vienne au secours de nos descendants: lorsque Nabuchodonosor les enverra en exil en -596 et qu’ils passeront près de mon tombeau, j’implorerai pour eux en pleurant la miséricorde divine, et le Saint béni soit-Il me répondra : « Tes enfants retourneront dans leur frontière ». 

Mes enfants reviennent (lentement, faut encore que je pleure) mais ils sont toujours entourés d’ennemis : les murailles de Jérusalem, à 7km de mon tombeau, ont été maintes fois abattues et reconstruites, il parait qu’on fait des murailles et des dômes en fer maintenant. 

Mon tombeau ressemble à un bunker et plus au joli petit tombeau d’antan, mais des milliers de femmes juives y viennent prier Hashem. 

Alors que, à cause des terroristes arabes, elles ne vont pas chez Léa à Hebron…

Tombeau de Rahel à Beth Lehem en Judée 

La tombe de Rachel peinte en 1911

© Maître Joëlle Galimidi

Maître Joëlle Galimidi, avocate depuis 32 ans, est Associée du Cabinet d’avocats HM Galimidi, Avocats à la Cour d’Appel de Paris.  

Impliquée dans des associations juives (le kibboutz de Paris, Hilel Campus), sensibilisée par la professeure Liliane Vana au problème des femmes en attente de Guett , Joëlle Galimidi participe à des ateliers et conférences sur le Guett (l’ECUJE, Adath Chalom, Graines de Psaumes, Assises du judaïsme du Consistoire de Bordeaux de novembre 2019) 

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