La Revue de la Presse anglophone de Nidra Poller. Etats-Unis / guerre contre l’Ukraine / le débat / Suite

Nidra Poller

C’est à nous de reculer afin de sauver Poutine ?

William Hawkins / American Thinker / 12 octobre


Depuis le début de la crise en Ukraine, des isolationnistes divers et variés clament leur opposition à l’assistance fournie à cette nation envahie par l’irrédentiste Vladimir Poutine. Citons, par exemple, le socialiste révolutionnaire Rainer Shea, ouvertement pro-Russe et anti-« l’establishment capitaliste/impérialiste », qui accuse l’équipe Obama d’avoir imposé un gouvernement d’extrême droite en Ukraine. Shea se réjouit de voir Poutine déjouer les impérialistes en brandissant le menace de guerre nucléaire. Dans un autre registre, des libertaires opposés à l’empiètement des questions sécuritaires sur la liberté individuelle d’entreprendre font cause commune avec des gauchistes qui exigent la baisse des dépenses militaires en faveur du budget social. Ludwig von Mises (Omnipotent Government) croit savoir que « … sous un régime de libre échange et de libre migration, personne ne se soucie de l’étendue territoriale de son pays ». Faible consolation pour les Ukrainiens vivant à Marioupol occupée.
L’invasion russe pataugeant, les opposants à l’ingérence OTANo-américaine, désespérés, redoublent d’efforts pour prouver qu’il faut ne rien faire (et laisser gagner Poutine).
Stephen M. Walt a publié dans la revue Foreign Policy un essai intitulé « La défaite russe poserait problème à l’Amérique : une victoire en Ukraine se traduirait facilement en hubris à Washington ». Pas question de prendre au sérieux notre rôle de leadership international ! L’analyse tordue de Walt, un intellectuel de haut rang, est déclinée dans des ouvrages tels que The Israel Lobby and U.S. Foreign Policy (2007 ) et The Hell of Good Intentions: America’s Foreign Policy Elite and the Decline of U.S. Primacy (2018) Dans ses cours à la Harvard Kennedy School, il dénonce « l’ambitieuse stratégie d’hégémonie liberal ».
Walt emprunte à son collègue Graham Allison un argument en faveur de la capitulation devant la Chine, basé sur le récit de Thucydide sur la guerre du Péloponnèse [ Destined for War: Can America and China Escape Thucydides’s Trap ? 2017]. Selon Allison, la guerre est souvent la conséquence des efforts d’une puissance établie (la Sparte alors, les Etats-Unis aujourd’hui) pour résister à une puissance émergente, l’Athènes antique, la Chine contemporaine. Il vaut mieux plier devant la puissance montante, quitte à accepter des « accommodements énormes » et s’avouer que la Chine va dépasser l’Amérique. D’où son conseil décadent : il vaut mieux perdre sans se battre. Allison écrit, dans un papier publié le jour où Poutine a annoncé les annexions, dans le cas d’une éventuelle guerre limitée pour défendre Taiwan, on sera vaincu ou bien entraîné dans une escalade, à son avis inacceptable. Par contre, nous sommes tenus de respecter les menaces d’escalade venant de Poutine ! Allison établit, semble-t-il, une équivalence morale entre la menace nucléaire de Poutine et l’engagement américain à soutenir ses alliés de l’OTAN.
Or, dans les douze exemples de conflit entre une puissance dominante et une puissance émergente présentés par Allison, c’est toujours l’émergente qui déclenche, par des actes d’agression, les hostilités. En effet, Thucydide raconte que pendant 30 ans à l’abri d’un traité de paix, Sparte n’a pas agi pour empêcher Athènes de s’imposer sur quasiment tout le territoire grec. La puissance dominante, ayant suivi la politique conseillée par Allison, n’a point obtenu la paix. Au contraire, la politique de capitulation avait invité l’agression. Voilà la vraie leçon de l’Histoire.
Robert Belfer a fait fortune sur le marché du pétrole, figurant dans le classement du Fortune 400 comme le plus gros actionnaire d’Enron avant que le scandale ne précipite la faillite de l’entreprise. Des milliardaires controversés défendent un autre think tank défaitiste, the Quincy Institute for Responsible Statecraft (QIRS ou « curse » [malédiction]), fondée en 2019 avec le soutien financier de deux libertaires, le gauchiste George Soros et le conservateur Charles Koch. Soros, qui déteste tout ce qui relève de la sécurité nationale, milite pour affaiblir la police, les procureurs, les prisons, les militaires et les gardes-frontières. Koch, isolationniste classique accroché à ses petits intérêts, finance également le Cato Institute, dont l’associé Doug Bandow a déclaré le 12 septembre qu’il ne faut pas intégrer l’Ukraine à l’OTAN parce que les Américains ne veulent pas être mêlés au killfest russo-ukrainien et sont opposés à l’assistance militaire fournie par Washington, qui devrait s’occuper en priorité de ces citoyens.
Aujourd’hui, alors que les Russes reculent, QIRS demande un accord négocié qui évitera « l’humiliation » à Poutine. En menaçant de réduire l’assistance militaire, les Américains devraient presser Kiev à accepter des concessions territoriales et à renoncer définitivement à son intégration dans l’OTAN. Ce serait, en effet, la porte ouverte à de futures agressions. L’invasion de l’Ukraine a confirmé les craintes qui ont incité des pays de l’Europe de l’Est à rejoindre l’OTAN, mais le vocabulaire du QIRS se limite à la soumission. La dissuasion est trop risquée et exige des efforts. De non-interventionniste à apologiste puis à collabo, il n’y a qu’un pas.
Le même raisonnement est appliqué aux relations avec l’Iran et la Chine. Interviewé sur CNN, QIRS VP Trita Parsi a dénoncé l’alignement d’Israël et des Arabes contre Téhéran, qui « renforce les divisions et réduit le potentiel d’avancées diplomatiques ». Il s’oppose au même titre à l’intégration de la Corée du Sud dans une coalition défensive contre l’agression chinoise. Pour QIRS, la diplomatie n’a d’autre rôle que d’amadouer nos ennemis.
Pour l’un des fondateurs du QIRS, Andrew Bacevich, il est fâcheux d’appeler Poutine un « fasciste » parce que cela incite à intensifier les actions agressives contre lui. La vraie menace pour notre démocratie, dit-il, vient de l’intérieur, pas d’un « fascisme » russe ou chinois. En effet ! Le danger vient des groupes comme QIRS qui veulent que démocratie soit synonyme de faiblesse au lieu d’être une force d’unification de la société dans la défense des intérêts et des valeurs nationaux.
La foule d’experts affichée par QIRS est un who’s who de défaitistes qui nous disent de nous cacher sous le lit alors que nous sommes visés par tout une gamme d’ennemis, déterminés à réduire notre indépendance et notre prospérité et à nous rejeter dans les ténèbres moyenâgeuses. Les prédateurs observent Poutine qui se dirige vers le grand large. Ils seraient peut-être découragés s’il faisait naufrage.
Must the U.S. Retreat to Save Putin? – American Thinker


Il nous faut de toute urgence changer de voie en Ukraine
Josh Hammer / Newsweek / 6 octobre

Sept mois après l’incursion regrettable de Vladimir Poutine en Crimée et dans l’est de l’Ukraine, la position américaine n’a guère évolué au-delà du manichéisme simpliste, autrement dit du maximalisme ukrainien : Poutine est le mal, Volodymyr Zelensky est noble et on soutiendra, donc, le combat ukrainien pour reprendre à son adversaire nucléarisé, chaque centimètre du Donbass et de la Crimée, peu importe le coût pour le contribuable américain.
Cela ressort clairement du verbatim de la conversation téléphonique entre Biden et Zelensky mardi : les Etats-Unis ne reconnaîtront jamais la prétendue annexion des territoires ukrainiens. Traduction : on défendra votre guerre pour reprendre chaque centimètre de ces territoires historiquement contestés, ethniquement mélangés et ceci peu importe la volonté exprimée des résidents et malgré le fait que le régime de Zelensky à Kyiv est en sécurité.
Ces âneries sont contreproductives pour l’intérêt national américain dans les territoires contestés. Notre intérêt ne s’accorde nullement avec la posture absolutiste de Zelensky. Pour nous, c’est la désescalade, la détente, la paix. Comment y arriver quand la menace de guerre nucléaire éclate et que trop d’Occidentaux poursuivent l’exigence imprudente de l’ascension de l’Ukraine à l’OTAN alors que le “war-hungry” [“goulu-de-guerre”] Zelensky demande une “frappe préemptive” par l’OTAN. Biden doit reconnaître la réalité et changer de stratégie immédiatement.
Depuis le premier jour de l’incursion russe, nous avons tenus ici le raisonnement suivant : 1) L’Ukraine, tout comme la Russie, est un pays oligarchique et corrompu et Zelensky est un chef d’Etat gravement défectueux, mais 2) malgré ses nombreux défauts et son rôle comme pion de la Davos/ONG classe globaliste, il vaut mieux que ce soit lui qu’un Etat pantin de Moscou du style Lukashenko. Toujours est-il que la Russie, à part quelques rares échauffourées dans le voisinage, s’est retirée de Kiev déjà au mois de mai. A savoir, c’est clair comme l’eau de roche : Zelensky et son gouvernement ne bougeront pas. Le sort de Kiev est assuré.
A l’heure qu’il est, le combat et le simulacre d’annexions sont localisés dans quatre lointaines sous-régions à l’est de l’Ukraine et, à un moindre degré, en Crimée. Voilà les terres disputées que l’administration Biden et, plus largement, les gars du club de la « démocrate occidentale liberal» considèrent d’une importance existentielle pour l’Ukraine et pour l’intégrité de « l’Occident ». Si bien que la reconquête vaudrait n’importe quel prix militaire, économique et humanitaire jusqu’à et y compris l’atroce spectre d’une guerre nucléaire entre l’OTAN et la Russie.
Qui plus est, selon un sondage Gallup fiable de 2014, l’année où Poutine est entré en Crimée, 73,9 % des sondés estimaient que leur vie serait améliorée par l’incorporation à la Russie. Quant aux enclaves du Donbass, comme Louhansk et Donetsk, elles sont ethniquement divisées entre Ukrainiens et Russes. Pour Louhansk, par exemple, c’est 50-50.
Disons-le clairement : Le citoyen américain lambda ne se soucie pas et ne devrait pas se soucier de savoir si une ou deux régions slaves divisées ethniquement, contestées historiquement et sans importance stratégique sont gérées par Kiev ou par Moscou. Dans un tweet très critiqué, Elon Musk a tracé le bon chemin. La meilleure façon de faire la paix entre l’Ukraine et la Russie est : un nouveau scrutin dans les régions annexées, surveillé cette fois-ci par l’ONU. La Russie s’en va si c’est la volonté du peuple. La Crimée reste russe comme elle l’a été depuis 1783 (et jusqu’à l’erreur de Kroutchev). L’approvisionnement en eau de la Crimée est assuré. L’Ukraine reste neutre (entre la Russie et l’OTAN).
Mise à part quelques détails discutables—on ne peut pas faire confiance à l’ONU—Musk montre la piste que devrait suivre les US et, plus globalement, l’Occident. L’administration Biden, si elle était sensée, mettrait tout son poids pour amener Zelensky et Poutine à la table des négociations et écarter une fois pour toutes le risque de guerre nucléaire, libérant les Etats-Unis et l’OTAN de la perspective épouvantable qu’aucun président au temps de la guerre froide aurait envisagée : une confrontation directe et ouverte avec le pays doté du plus grand arsenal nucléaire au monde. Le désaveu de toute possibilité d’intégration de l’Ukraine à l’OTAN est un préalable pour l’éviter.
Que notre classe dirigeante ne s’intéresse point à la désescalade, s’alignant au contraire sur le maximalisme territorial ukrainien, nous montre s’il le fallait à quel point les dirigeants sont déconnectés du réel. On devrait espérer au moins que le people américain s’exprime dans les urnes le mois prochain et commence à freiner notre sordide war-hungry classe dirigeante.

https://www.newsweek.com/us-needs-change-course-right-now-ukraine

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Josh, un conservateur qui n’a pas sa langue dans sa poche, donne son opinion sur des tendances intellectuelles conservatrices, le débat sur la politique intérieure et étrangère, des questions juridiques et constitutionnelles et le l’intersection de la loi, la politique et la culture. Il est publié par des médias prestigieux dont : le Los Angeles Times, le New York Post, Newsweek, National Affairs, American Affairs, The National Interest, National Review, First Things, City Journal, Public Discourse, Tablet Magazine, Deseret Magazine, The Spectator, The American Mind, The American Conservative, American Greatness, American Compass, Townhall, The Daily Wire, The Epoch Times, Fortune, Fox Business, The Jerusalem Post, The Times of Israel, The Forward, Jewish Telegraphic Agency and le Jewish Journal. Il a publié également des textes de recherche juridique dans the Harvard Journal of Law & Public Policy et the University of St. Thomas Law Journal.

Three justifications for Kevin McCarthy’s Ukraine aid stance | Washington Examiner

© Nidra Poller


Nidra Poller, née aux Etats-Unis dans une famille d’origine mitteleuropéenne et posée à Paris depuis 1972,  est une romancière devenue journaliste, le 30 septembre 2000, par la force des choses, dit-elle, par  l’irruption brutale, dans mon pays d’adoption, d’un antisémitisme génocidaire, Nidra Poller est connue depuis comme journaliste, publiée entre autres dans  CommentaryNational Review OnlineNY SunControversesTimes of IsraelWall Street Journal EuropeJerusalem PostMakor Rishon , Causeur,  Tribune JuivePardès …

Elle rédigea longtemps le vendredi une Revue de la Presse anglophone pour la newsletter d’ELNET.

Elle est l’auteur d’une œuvre élaborée en anglais, en français, en fiction et en géopolitique, dont L’Aube obscure du 21e siècle (chronique), madonna madonna (roman), So Courage & Gypsy Motion (novel)

J’assume la contradiction, ajoute Nidra, me disant romancière mais pas auteure.

Observatrice des faits de société et des événements politiques, elle s’intéresse particulièrement aux conséquences du conflit israélo-palestinien et aux nouvelles menaces d’antisémitisme en France. Elle fait partie des détracteurs de Charles Enderlin et France 2 dans la controverse sur l’Affaire Mohammed al-Durah  et soutient la théorie d’Eurabia (en particulier avec Richard Landes).

Elle a fondé les Éditions Ouskokata.

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1 Comment

  1. Pas lu. Novlangue sans intérêt. Si seulement les tensions avec l’Allemagne pouvaient faire éclater le “couple franco-allemand” (qui n’existe que dans la propagande nord coreenne des médias français : jamais les Teutons ne parlent de “couple franco-allemand” !!!), si seulement la crise énergétique pouvait favoriser un printemps des peuples européens et notamment français afin de renverser leurs dirigeants et leurs chiens de garde médiatiques…C’est devenu pour moi un rêve…presque érotique.

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