Hamid Enayat. Nouvelles manifestations en Iran

Iran : l'équipe nationale de football soutient les manifestants et s'élève  contre le pouvoir
Les coéquipiers de Sardar Azmoun, star du football iranien, ont masqué leur maillot national, en protestation contre le régime de leur pays, alors que les manifestations suite à la mort de Mahsa Amini se poursuivent malgré la répression.  JOHANNES FRIEDL / GEPA / PANORAMIC

Depuis le 16 septembre 2022, une nouvelle vague de manifestations anti-régime a éclaté en Iran. A l’origine ; un fait divers. La police des moeurs, bras armé de la répression faite aux femmes en Iran, s’est rendue coupable de l’arrestation arbitraire, de la torture et du meurtre de la jeune Mahsa Amini (22 ans), parce qu’une mèche de ses cheveux avait osé dépasser son hijab…  La goutte de trop pour un peuple lassé de souffrir et de se soumettre aux ordres d’une théocratie en totale perdition.

Une nouvelle vague de détermination populaire

Dès les premières heures, les revendications populaires ont largement dépassé le cadre du décès de la jeune Mahsa alors qu’elle était sous la bonne garde de la police des mœurs. Partout dans le pays, des “Mort au dictateur !“, “Mort au tyran, Shah ou Guide Suprême !“ ou encore “Mort à Khameneï !“ fleurissaient dans les rues, scandés par les manifestants en colère. Une colère qui couve depuis longtemps et qui gronde dans les rues de la capitale et des grandes villes depuis quelques années déjà. Le dimanche 25 septembre, le soulèvement avait gagné au moins 145 villes dans chacune des 31 provinces du pays. 16 universités étaient occupées et l’on a compté jusqu’à 30 manifestations par jour dans la seule ville de Téhéran, la révolte se répandant dans tous les quartiers de la capitale comme une traînée de poudre.

Certes, l’Iran a déjà connu certains remous populaires en 2019. Mais s’il y a trois ans, la répression avait fini par remporter le combat de la rue, il semble que les choses soient différentes cette fois. Les femmes se placent en tête de cortège et n’hésitent pas à enlever leur foulard alors même que le port du voile est un des piliers fondamentaux de la république islamique. Il ne s’agit pas d’une rébellion que l’on calme d’une punition ou d’une promesse politique. Le peuple dans son entièreté est solidaire et ne désire plus qu’une chose : le renversement du régime. Alors que le président Français et Ebrahim Raïssi sourient de concert devant les photographes du monde entier réunis à New-York[i], le peuple d’Iran assure, déterminé, que “même si nous mourrons, nous reprendrons l’Iran.“ On peut difficilement faire plus clair.

Les joueurs de l’équipe nationale de football en soutien

De surcroît, la communauté politique internationale ne pourra pas longtemps rester sourde aux revendications des iraniens. Le 27 septembre, c’est l’équipe nationale de football qui s’est érigée contre la répression de l’état envers le peuple. Dans un geste fort lors d’un match amical contre le Sénégal se déroulant en Autriche, la sélection iranienne a décidé de se présenter sans logo ni blason lors des hymnes. Un geste symbolique suivi de messages qui ne laissent aucun doute sur les intentions des joueurs qui devront représenter le pays millénaire lors de la prochaine coupe du monde au Qatar, dans moins de deux mois. En leader de ce mouvement de contestation implanté jusqu’au plus profond  des organes de propagande[ii], Sardar Azmoun assume pleinement ses propos affichés sur Instagram : « L’ultime sanction est d’être expulsé de l’équipe nationale, ce qui est un petit prix à payer pour même une seule mèche de cheveux d’une femme iranienne. Ça ne sera jamais effacé de notre conscience. Je n’ai pas peur d’être évincé. Honte à vous d’avoir si facilement tué le peuple et vive les femmes d’Iran. Si ce sont des musulmans, que Dieu fasse de moi un infidèle ! » La coupe du monde Qatarie pourrait finalement faire beaucoup de bruit…

La répression brutale, source de motivation de la contestation 

A ce jour, la répression est d’une brutalité sans précédent. (Dans une interview accordée au journal Le Monde, l’actrice primée à Cannes Zar Amir Ebrahimi évoque le tir d’un militaire sur un enfant observant la situation depuis sa fenêtre… !)  Diverses ONG parlent de 76 morts parmi les manifestants quand d’autres sources avancent le nombre de 180 décès et plus de 8 000 arrestations. La police, l’armée et les milices Bassidj interpellent à tour de bras mais, fait nouveau, pour chaque arrestation, une nouvelle manifestation éclate. Les familles des prisonniers se regroupent devant les portes des prisons, dont la tristement célèbre prison d’Evin. Des contre-interpellations s’organisent, sous la houlette des unités de résistance et il arrive fréquemment que les forces de l’ordre battent retraite, abandonnant leurs prisonniers. La pure détermination du peuple et en particulier celle affichée par la jeunesse, et son action résolue contre le régime a conduit à l’émergence d’un esprit combatif, omniprésent et visible, en contraste frappant avec une attitude servile, défaitiste et passive. Mais plus encore que la colère, la lassitude de la servitude et la détermination, c’est le caractère organisé des différentes manifestations et autres actions visant les symboles de la république islamique qui font que celles-ci persistent… Jusqu’au renversement tant attendu ?


[i] Le 20 septembre 2022, lors de l’assemblée générale des Nations Unies

[ii] Le football est une arme diplomatique souvent utilisée par la république islamique

© Hamid Enayat

Hamid Enayat est un analyste iranien basé en Europe. Militant des droits de l’homme et opposant au régime de son pays, il écrit sur les questions iraniennes et régionales et en faveur de la laïcité et des libertés fondamentales.

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