Lecture d’été. Le “Manuel” d’Épictète ou le bonheur par le détachement

Livre portatif, ce classique du stoïcisme  invite à distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas pour ne pas soumettre notre bonheur au hasard des circonstances et nous agiter inutilement. À garder sous la main en toute circonstance !

Un style très direct

Rappelons les circonstances de rédaction de ce Manuel . Il n’a pas réellement été écrit par Epictète  (v. 50-v.125) lui-même qui, pas plus que Socrate , n’a jamais rien rédigé.

C’est l’un de ses éphémères étudiants, Arrien (v. 85-après 146), qui a pris l’initiative de transcrire le contenu des leçons que le philosophe stoïcien dispensait oralement.

Mais à la différence des Entretiens, également de la main d’Arrien, le Manuel a un style très libre, frontal et presque familier, qui donne l’impression qu’il s’adresse directement au lecteur, en le tutoyant, en l’exhortant à agir, parfois sous la forme d’aphorismes du type : « Tu peux être invincible si tu ne te risques dans aucun combat où il ne dépend pas de toi d’être vainqueur » ou « En te promenant, tu veilles à ne pas marcher sur un clou, à ne pas te tordre le pied ; de même, veille à ne pas blesser la raison, qui guide la marche de ton être ». Autant de leçons de sagesse qui doivent nous aider à rester maîtres de nous-mêmes grâce à leur mise en pratique.

Choses et représentations

Le cœur de la morale  que contient le Manuel repose sur la distinction entre les choses mêmes d’une part, qui sont hors de notre portée, et les représentations que nous formons à leur propos d’autre part, lesquelles sont paradoxalement capables de nous faire souffrir alors qu’elles sont en notre pouvoir. C’est ainsi que « ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions qu’ils en ont. Par exemple, la mort n’est point un mal, car, si elle en était un, elle aurait paru telle à Socrate ; mais l’opinion qu’on a que la mort est un mal, voilà le mal. Lors donc que nous sommes contrariés, troublés ou tristes, n’en accusons point d’autres que nous-mêmes, c’est-à-dire nos opinions ». Or, nous sommes responsables de nos opinions et nous pouvons agir sur elles…

Bonheur et liberté

L’enseignement d’Épictète s’étend non seulement au bonheur – puisqu’il nous montre comment nous pouvons cesser de nous tourmenter inutilement – mais aussi à la liberté – puisqu’il nous invite également à nous détacher de tout ce qui est extérieur à nous. On n’en attendait pas moins d’un philosophe qui vécut esclave, vendu comme tel à Rome, avant d’être affranchi quelques années plus tard… comme si la puissance de sa pensée avait initié, provoqué ou au moins accompagné sa propre libération. Qui osera encore contester que la pensée soit un instrument de libération et la philosophie une arme ? D’ailleurs, certains interprètes prétendent que le terme originel grec, enchiridion (ἐγχειρίδιον), qui est traduit par « manuel », c’est-à-dire « ce qu’on a sous la main », pourrait tout aussi bien être traduit par « ce qu’on a dans le poing »… c’est-à-dire « poignard ».

© Frédéric Manzini

https://www.philomag.com/articles/le-manuel-depictete-ou-le-bonheur-par-le-detachement

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2 Comments

  1. Une morale d’esclave et de soumission à rapprocher de ce que l’on trouve dans une PARTIE de la morale chrétienne. De purs sophismes (“ce qui trouble les hommes ce ne sont pas les choses mais les opinions qu’ils en ont”…) ou au mieux des platitudes. La Rome antique n’a pas produit grand chose de génial en philosophie, contrairement à l’extrême orient, à la Grèce (Héraclite et Platon), et à la France : La Rochefoucauld et Vauvenargues (dont plus tard Nietzsche s’est fortement inspiré) sont infiniment supérieurs à Épictète et Saint Augustin. Le marquis de Sade, Stendhal, André Breton…

    Mais ensuite d’un seul coup le naufrage intellectuel total à partir de Sartre puis des débiles mentaux de la French theory.

    Il se pourrait bien que ce regain de popularité d’Epictete en France depuis quelques décennies soit en rapport avec la mentalité française contemporaine…

  2. J’ai écrit “de purs sophismes” or à proprement parler il ne s’agit pas de sophismes mais de paralogismes. Donc je corrige : “de purs paralogismes”.

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