Maxime Tandonnet. “Ces gens-là” : les polémiques à répétition, signes de l’impuissance ou de l’abêtissement politique?

La vie politique française semble poursuivre son inexorable effondrement comme le prouve la dernière grande polémique de l’été. La victime en a été Madame Cayeux maire de Beauvais, venue de LR, ministre nouvellement nommée du gouvernement d’Elisabeth Borne. Ses prises de positions de jadis contre « le mariage pour tous » la rendaient suspecte aux yeux d’une partie de la classe politique, dite progressive, venue de la gauche et convertie au macronisme.

Revenant sur les critiques que lui valait cet engagement, cette personnalité s’en est publiquement démarquée avant de provoquer un tollé en évoquant ses amis parmi « ces gens-là » c’est-à-dire les couples de même sexe, mariés sur le fondement du mariage pour tous.

Cette formule « ces gens-là » a été ressentie comme humiliante voire dégradante par une partie du monde médiatique et politique français. Et l’affaire a pris des proportions démesurées. Une pétition réclamant sa démission a recueilli des centaines de signatures. Plusieurs membres du gouvernement ont condamné ces paroles. Ainsi, comme s’il ne suffisait pas au pouvoir exécutif d’avoir perdu la majorité absolue aux législatives, il aura suffi d’une anecdote pour ébranler la solidarité gouvernementale… tout juste quelques semaines après les élections nationales.

La formule « ces gens-là » mérite-telle en effet un pareil tollé ? Elle renvoie bien évidemment à la célèbre chanson de Jacques Brel qui fustige une famille bourgeoise rancie. A ce titre, elle peut-être en effet taxée de maladresse. Mais qu’une maladresse de langage tourne à l’affaire d’Etat souligne la fébrilité de ce qu’il est convenu d’appeler « la France d’en haut », ou une grande partie d’entre elle et sa dégradation au rang de cour de récréation d’école primaire.

Les mêmes qui jugent cette formule méprisante envers une partie de la population française se sont-ils formalisés quand des chefs de l’Etat ont parlé avec, au moins autant de légèreté, d’une autre partie de cette population avec des mots bien plus explicites : sans dents, gaulois réfractaires, fainéants, illettrés, ceux qui ne sont rien et ne peuvent même pas se payer un costume ou les chômeurs auxquels il suffirait de traverser la rue pour trouver un emploi ?   Non ; alors, pourquoi ce deux poids deux mesures dans l’indignation ?

Pendant ce temps-là, le monde continue d’avancer dans le plus grand chaos. La guerre se poursuit en Ukraine, la paupérisation gagne du terrain en Afrique. En France les classes populaires sont frappées de plein fouet par l’inflation tandis que le chômage continue de toucher plus de 5 millions de personnes selon pôle Emploi, la dette publique poursuit sa vertigineuse progression avec la remontée des taux d’intérêt et une grave récession menace le pays. Dans un climat de banalisation de la violence quotidienne, trois jeunes joueurs de rugby ont été massacrés à Angers, au cœur du « jardin de la France » pour avoir pris la défense d’une jeune fille importunée… Et ce drame fait infiniment moins de bruit…

© Maxime Tandonnet

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3 Comments

  1. A propos des petites phrases de nos présidents : La formule “sans dents” moqueuse et extrêmement méprisante, voire cynique, (puisqu’elle réussit à faire rire à la fois de la pauvreté et du résultat désastreux qu’elle entraîne sur le physique de ceux qui n’ont pas les moyens – contrairement à celui qui utilise la formule – de faire remplacer leurs dents abîmées ou perdues) était celle que le bon Hollande, socialiste, utilisait avec un humour bien particulier dans l’entre-soi pour désigner les pauvres.
    Le peuple des sans-dents n’en aurait rien su si Mme Trierweiler, alors compagne dudit Hollande, furieuse d’avoir été répudiée publiquement par celui-ci qui cette fois s’est plutôt conduit comme un pacha chassant une favorite ayant cessé de lui plaire, n’avait fait cette révélation en mesure de représailles, pour que le bon peuple sache à qui il avait affaire en réalité, qui était le vrai socialiste nommé Hollande.

  2. “Ces gens-là” : Si on se réfère à la célèbre chanson de Jacques Brel, et à la façon dont il l’utilise dans cette chanson, la formule “ces gens-là” véhicule en effet une certaine froideur.
    Mais uniquement dans ce cas, compte tenu du contexte.
    En dehors de ce contexte, il n’y a absolument rien d’humiliant dans ces trois mots. On peut parfaitement assortir cette expression de remarques tout à fait positives.
    Pour parler cash, je dirais qu’analyser des propos de cette façon, ça s’appelle “enculer les mouches”. Rien à voir avec par exemple l’expression “les gens qui ne sont rien”. Là, aucun doute sur le mépris qui y est exprimé.

  3. L’auteur prétend : qu’une maladresse de langage tourne à l’affaire d’Etat souligne la fébrilité de ce qu’il est convenu d’appeler « la France d’en haut ».

    Que nenni. Cela n’a rien à voir avec « la France d’en haut » (ni « d’en bas ») mais avec le métabolisme des journaillons et des politicards.
    Les journaillons, et dans une certaine mesure les politicards, ont besoin de manger tous les jours.
    MAIS ils sont payés pour parler. Pour manger faut-il donc qu’ils nous racontassent quelque chose tous les jours.

    Quitte, lorsqu’il n’y a rien à nous dire, à broder. A inventer. A mentir ; au moins par omission, sinon par exagération.
    Et comme ils sont nombreux à se battre pour une parcelle de notre attention ils vocifèrent ; c’est à celui qui ferait le plus de bruit à partir de la bricole la plus insignifiante.
    « Tous qui est excessif est insignifiant », n’est-ce pas. Mais ignorants, nos journaillons et politicards ignorent Talleyrand.

    Ils vocifèrent donc à propos de tout et de n’importe quoi. D’où la moindre maladresse de langage qui tourne à l’affaire d’Etat.
    L’arène publique en est devenue un cirque assourdissant avec un bruit ambiant intolérable.

    Il nous appartient de faire le tri ; de filtrer ; d’affamer les fâcheux et les nuisibles qui tonitruent dans nos oreilles.

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