Jérôme Enez-Vriad. Un mur à Jérusalem הכותל המערבי

On peut s’engager pour ou contre un gouvernement, pour ou contre ses dirigeants, pour ou contre sa politique intérieure et internationale, mais la réalité d’un pays et de son peuple n’est jamais négociable ; l’assertion semble évidente, sauf en ce qui regarde Israël où, voudrait-on nous faire croire, sont droit inaliénable d’exister n’est manifestement pas incontestable pour tous. D’autant mieux (ou pire) lorsqu’on l’oppose à la Palestine qui (j’entends déjà les cris d’orfraie) n’a jamais été un pays, ni même une « terre » au sens liturgique du terme.

          En effet, la Palestine est au Moyen-Orient ce que la Scandinavie est aux pays nordiques. Un espace géopolitique indéterminé depuis sa création, lieu-dit volé au peuple juif par l’empereur Hadrien d’un simple trait de plume sur une carte. En outre, l’utilisation moderne du nom Palestine est dévoyée comparativement à celle qu’en fait d’Hérodote lorsqu’il évoque « une étendue proche-orientale située entre la Méditerranée, le désert du Jourdain et le Sinaï. »

          Bref, avec la redoutable efficacité qu’ont les adolescents à viser l’essentiel, j’optais très jeune pour un soutien radical envers Israël, ne serait-ce que par contraste avec ses adversaires qui me sont toujours apparus plus idiots que ses partisans. Je n’ai depuis jamais changé mon fusil d’épaule.         

     Bien avant d’être un pays ou une nation – j’entends un territoire habité par des hommes et femmes conscients d’une unité historique, sociale, culturelle et religieuse – bien avant cela, Israël est une Terre. Promise diront certains. Sainte pour d’autres. Je lui préfère l’adjectif Natale, il réunit les deux options relatives à une genèse qui remonte en terre de Canaan.

          Un peu d’Histoire.                        

          Nous sommes au Xe siècle avant Jésus-Christ. Hiram 1er, roi phénicien de Tyr, impressionne David et Salomon, respectivement père et fils, mais aussi troisième et quatrième rois d’Israël. La bienveillance d’Hiram à l’égard de son peuple lui vaut attention et respect de David, avec qui il entretient des liens amicaux et commerciaux. Ce dernier lui sollicite aide et conseils en vue de construire un temple majestueux à Jérusalem. Les finances royales l’y autorisent. Hélas ! David meurt avant le début des travaux. Hiram tient cependant parole et fait parvenir du bois, des architectes, des appareilleurs et des poseurs à Salomon, afin qu’il bâtisse le temple initié par son père en l’honneur de Yahvé, Dieu d’Israël.

          C’est l’une des ruines de ce temple (un soutènement en pierre sèches) que l’on appelle aujourd’hui Mur des lamentations (ou Kotel Amaravi – Mur Occidental). Dates et désaccords varient sur sa légitimité. Les hypothèses vont bon train. Des plus sérieuses aux plus farfelues. On lui prête même d’avoir été construit au Ier siècle de notre ère par Hérode Le Grand.  Qu’importe. Les religions sont avant tout affaire de symboles et, de nos maîtresses morales, la foi est incontestablement une des moins discutables. Elle construit l’intimité qui nous habite, faisant de nous des Juifs, des Chrétiens ou autres. L’essentiel est dans la volupté de croire et de savoir courber dignement la tête face à plus grand que soi. Celui qui n’a pas cette humilité est une sorte de monstre social et moral. Une fripouille égoïste. Parfait représentant du monde actuel à se vautrer dans les charmes de l’indifférence ou du fanatisme.

          La religion n’est pas la foi, elle n’est qu’un excipient bureaucratique pour l’atteindre. En ce sens, le Mur des lamentations est un des barreaux de l’échelle de Jacob et, pour cette raison, il n’est à mes yeux pas discutable en tant que symbole judaïque, puisqu’antérieur à toutes références palestiniennes.

          Cessons d’entretenir Jérusalem comme un enjeu politique alors qu’elle ne devrait être que spirituelle. Bien égal si les religions nous aident à vivre, au moins ne doivent-elles pas nous autoriser à nous entretuer. La paix à Jérusalem est celle au pied du Mur. De tous les murs. 

Jérôme ENEZ-VRIAD

© Juin 2022 – J.E.-V. & Tribune Juive

Jérôme Enez-Vriad. Photo Matthieu Camile Colin

Jérôme Enez-Vriad, Producteur et chroniqueur culturel, est auteur, notamment de Berlin : La frontière de nos jours, et Shuffle: journal devenu roman



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