Judith Waintraub. Assassinat d’Alban Gervaise, médecin militaire et catholique : l’incroyable omerta

Médecin militaire, Alban Gervaise avait été fait chevalier de l’ordre national du Mérite le 22 avril. Capture écran Twitter

ANALYSE – Ce père de famille a été tué en mai au nom d’Allah, devant une école catholique. Depuis, c’est l’indifférence médiatique et politique.

Le 27 mai, une dépêche de l’Agence France-Presse annonce le décès d’un «parent d’élèves qui avait été grièvement blessé début mai lors d’une attaque avec un couteau suisse devant un établissement scolaire de Marseille». L’AFP précise que la victime est médecin militaire, que l’agresseur est «de nationalité française», qu’il a dit avoir agi “au nom de Dieu” et que “l’hypothèse terroriste a été définitivement écartée par les enquêteurs“. Selon l’agence, “l’homme souffre apparemment de troubles psychologiques“.

Condoléances du ministre des Armées et du maire de Marseille comprises, la dépêche fait 225 mots. Quelques jours plus tard, l’AFP nous apprend que les images d’un cigogneau attaqué par une cigogne ont suscité une intense émotion sur les réseaux sociaux. Elle y consacre 352 mots…

L’AFP alimente les quotidiens régionaux. La plupart ont au mieux mentionné l’égorgement d’Alban Gervaise, puisque c’est de lui qu’il s’agit, en quelques lignes à la rubrique “faits divers”. A l’exception notable de L’Union, quotidien de l’Ardennais, qui a publié le 31 mai un éditorial intitulé “Alban Gervaise, un nom qui ne vous dit rien“, pour s’indigner du traitement médiatique réservé à son assassinat.

Qu’on en juge: dans la presse écrite nationale, Le Figaro, Le Point et Valeurs Actuelles ont été les seuls à traiter le sujet pour ce qu’il est, un meurtre commis au nom d’Allah. Le Monde, Libération et Le Parisien-Aujourd’hui en France n’en ont pas dit un mot, ni dans leurs éditions papier, ni sur leur site. Dans le reste de la presse, à part France info.fr et TF1 Info, les rares grands médias à s’y être réellement intéressés sont Europe 1, Sud Radio et CNEWS.

Alban Gervaise a été agressé le 10 mai, un mois et un jour avant le premier tour des législatives, donc en pleine campagne. Le contexte électoral explique-t-il que le caractère islamiste, sinon terroriste, du meurtre ait été à ce point occulté ?

L’épouse de la victime a refusé toute médiatisation, pour protéger ses trois enfants. Mais le respect de leur drame personnel n’empêchait pas que les médias fassent leur travail, comme les militaires sont les premiers à le demander. “J’aimerais comprendre pourquoi le meurtre barbare de notre camarade Alban Gervaise a été aussi peu traité par la presse, lance un officier supérieur de l’armée de Terre en poste à Paris. Est-ce parce qu’il était militaire ? Par idéologie ou pour nier la réalité ? Nous sommes nombreux autour de moi à nous poser la question. Et nous voulons une réponse car ce silence médiatique est comme une deuxième mort.

Depuis l’annonce de son assassinat, les mêmes interrogations tournent en boucle dans ma tête, assure un chef d’escadron récemment breveté de l’École de Guerre. Que vaut vraiment la mort d’un militaire dans notre pays ? En nous engageant, nous savons et assumons les risques que nous prenons. En servant les armes de la France, nous n’attendons aucune reconnaissance particulière. Nous faisons notre devoir sans nous plaindre. Mais là, je ne comprends pas pourquoi la mort du médecin chef Alban Gervaise, victime du terrorisme, a été occultée à ce point. C’est une honte.

En matière de discrétion, les politiques n’ont rien à envier aux médias. À gauche, le silence a été presque total. Seul Julien Dray, ex-député socialiste qui vient de lancer son mouvement, “Réinventez!”, a osé affirmer publiquement qu'”on a voulu cacher les choses“, en se demandant si ce “deux poids, deux mesures” venait “de la presse locale, qui n’a pas voulu donner les premiers éléments dont elle disposait, ou d’une décision de l’institution judiciaire“. Personne au PS ni chez les Nupes de Jean-Luc Mélenchon n’a relayé ces interrogations.

À droite, la sénatrice des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer a été l’une des rares à évoquer cette omerta chez Les Républicains, avec Guy Teissier, député LR sortant du même département et Éric Ciotti, qui se représente aux législatives dans les Alpes- Maritimes. “Les mots manquent pour décrire le chagrin et la colère à l’annonce de l’agression au couteau par Mohamed L. 23 ans puis du décès d’#AlbanGervaise à #Marseille, a-t-elle écrit sur Twitter. Le silence médiatique de la mort de ce père de famille dévoué à la France, à son prochain, rend son décès encore plus cruel“.

Alban Gervaise était catholique, militaire, il s’est fait égorger devant une école catholique, énumère Valérie Boyer. Pour la plupart des médias, ce n’est pas la “bonne” victime. En parler, ce serait “faire le jeu des extrêmes”. Au contraire, dès lors que des problèmes psy sont évoqués, c’est toujours dramatique mais ça devient du fait divers. On n’a pas à se demander pourquoi ces “fous” ont des profils proches, des modes opératoires similaires – le couteau – et choisissent leurs victimes selon des critères bien déterminés“.

44.000 victimes d’agressions à l’arme blanche entre 2015 et 2017

À l’Assemblée puis au Sénat, l’élue des Bouches-du-Rhône a interpellé sans relâche les ministres de l’Intérieur et de la Justice sur ces sujets. Après la mort d’Alban Gervaise, elle a renvoyé sa dernière question écrite qui datait de juillet 2021. Elle y demandait une “cartographie détaillée et précise» des agressions à l’arme blanche, avec notamment le «profil des agresseurs (âge, nationalité, motifs, antécédents judiciaires et psychologiques)”. Selon l’étude 2020 de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), que Valérie Boyer citait dans sa question, 44.000 victimes d’agressions à l’arme blanche ont été recensées entre 2015 et 2017, soit plus de 120 par jour.

Le Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti n’a toujours pas répondu à la sénatrice. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, de son côté, n’a fait aucune déclaration depuis la mort d’Alban Gervaise. Le 10 mai, il avait tweeté : “Un homme a été violemment agressé au couteau à Marseille devant un collège en fin d’après-midi. L’auteur a été interpellé. Merci aux passants et aux services de police pour leur réaction rapide“.

Gérald Darmanin, on le sait depuis le fiasco du Stade de France, refuse d'”essentialiser” les auteurs de délits. Apparemment, la règle vaut aussi pour les auteurs de crimes. Outre l’assassinat du médecin militaire, un octogénaire juif est mort après avoir été défenestré par son voisin, Rachid K, le 17 mai à Lyon. Le 27 mai, le procureur a élargi la saisine des juges d’instruction “afin de déterminer si les faits relèvent d’un caractère antisémite“. Ce meurtre a très peu été traité dans les médias et le ministre de l’Intérieur n’en a pas parlé. Il n’a pas réagi publiquement, non plus, à l’agression sexuelle suivie d’un égorgement d’une septuagénaire de Mulhouse, dont le corps a été découvert le 9 juin dans son appartement. Les auteurs présumés, interpellés, sont trois Algériens en situation irrégulière, dont deux faux mineurs. Tous sont “défavorablement connus des services de police”. Dans cette affaire, la justice n’a rien caché, au contraire, puisque la procureure de la République chargée de l’affaire a fait une conférence de presse.

Les médias et les politiques, en revanche, n’ont pas été très prolixes. Y compris Marine Le Pen et Éric Zemmour. En juin 2021, Jean-Luc Mélenchon avait provoqué un tollé avec sa prédiction complotiste. “Vous verrez que dans la dernière semaine de campagne pour la présidentielle, nous aurons un grave incident. Ça a été un meurtre, ça a été Mohammed Merah en 2012, l’attentat sur les Champs-Élysées, (…) tout ça, c’est écrit d’avance“, avait assuré le chef de La France insoumise. Avant de rétropédaler en assurant qu’il voulait seulement parler d’une instrumentalisation d’actes “décidés par des assassins et des terroristes“. Il avait tort de s’inquiéter: la peur d’être accusé de “récupération” est aujourd’hui plus forte que le devoir de réalité.

© Judith Waintraub

https://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/assassinat-d-alban-gervaise-l-incroyable-omerta-mediatique-et-politique-20220614

Merci à D. K.

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7 Comments

  1. Agiter l’épouvantail d’un fascisme imaginaire ne sert qu’à favoriser un fascisme bien réel qui menace directement nos libertés et nos vies. En Macronie comme en Bidenerie la vie des citoyens ne vaut absolument rien. Nos dirigeants (ce qui inclut les médias dominants) n’ont aucune considération pour la vie humaine. Ils n’en ont d’ailleurs pas davantage pour la vie animale : n’est ce pas Macron qui a renoué avec la chasse à cours et refusé de placer des caméras dans les abattoirs ? Il y a quelque chose d’inhumain et barbare chez ces individus qui prétendent incarner le “camp du bien”. Le fascisme n’est il pas la formulation politique de la psychopathie ?

  2. Quand des ” journalistes ” trient les informations en fonction d interets politiques , sont ils encore des journalistes ?
    Quand tout un pays accepte que les realités soient occultées pour ne pas deranger la quietude des possedants , peut on encore parler de democratie ?

    Ou en est la France de 2022 ? A mi chemin entre la societe libre et le regime pré petainiste !

  3. @ T Amouyal Il n’existe plus de journalisme (sauf sur le web comme ici) ni de démocratie en France et dans la totalité du monde dit “occidental” (Amérique du nord et Europe de l’ouest).

    Le Macronisme est un néo pétainisme et d’ailleurs j’y repense… en 2018 ou 2019 un internaute avait établi un parallèle fort pertinent entre la rhétorique de Macron et celle de Petain. C’était malheureusement sur le forum d’un organe de propagande macroniste (l’obs) : l’abonné avait été bloqué et ses commentaires pertinents avaient été effacés…

    • (L’abonné en question ce n’était pas moi…Je n’ai jamais été abonné à l’obs ni même à aucun autre journal). Donc impossible de retrouver l’analyse sémantique en question.

  4. @Sylvain :
    Il suffit d ecouter Macron promettre au peuple apeuré par le covid ou la guerre qu il fera tout pour le ” proteger” pour me faire penser aux discours de Petain apres le desastre de 1940 !
    Ce type qui etait pret a se sauver en helicoptere lorsque 200 citoyens en gilet jaune hurlaient dans une rue proche de l elysée pretend nous ” proteger ” , ce serait presque risible ……a moins d avoir mal interpreté le sens qu il donne a ce verbe , car il existe differents types de ” protecteurs” dans ce bas monde .

    • En effet ! Mais comparer la France actuelle et a la macronie à un certain type de profession serait insultant… envers les membres de cette profession car elles m’inspirent bien plus de respect que la France macroniste.

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