Lettre au Président de la République Française, en faveur de l’Afghanistan, contre la barbarie des Talibans

Monsieur Macron, intervenez pour mettre fin au martyre du peuple afghan!

Depuis le retrait des troupes américaines, les Afghans sont abandonnés à leur sort tragique. Dans cette lettre ouverte, les signataires insistent pour que le président français initie des sanctions contre le pouvoir afghan, sous l’égide des Nations unies et avec le concours de l’Union européenne.

Ahmad Sahel Arman/AFP

Monsieur le Président de la République Française, Emmanuel Macron,

Un peuple tout entier – près de 40 millions de victimes innocentes, toutes ethnies confondues – est en train, à l’heure où nous vous adressons ces lignes, de subir quotidiennement, dans une indifférence quasi générale au sein de nos démocraties modernes, les horreurs, indicibles, de la barbarie la plus rétrograde, inconcevable, par sa cruauté, à l’aune de la simple mais nécessaire Raison : cette Raison dont nous, enfants de l’illustre Siècle des Lumières, de Voltaire et son indépassable Traité sur la Tolérance à Montesquieu et son précieux Esprit des Lois, nous ne cessons de nous revendiquer à juste titre.

Ce pays en proie aujourd’hui à une violence sans nom, où le fanatisme religieux sert d’injustifiable alibi idéologique au fascisme politique, est, Monsieur le Président, l’Afghanistan qui, depuis la chute de sa capitale, Kaboul, le 15 août 2021, il y a donc près de dix mois, se voit désormais abandonné, victime d’un indécent silence par la plupart de nos médias occidentaux, aux sanguinaires mains des talibans : de fanatiques islamistes qui, prônant une obscurantiste charia en guise de seule loi, ont profité du désastreux retrait de troupes américaines pour y instaurer, au mépris de toute considération des droits de l’homme, du respect de toute liberté, la pire des tyrannies. Ces mêmes talibans n’ont, du reste, aucune légitimité politique, encore moins démocratique puisqu’ils ont pris le pouvoir par la seule force des armes, sans la moindre consultation populaire, laquelle lui est, par ailleurs, notoirement, et en très grande majorité, hostile. Seul le peuple afghan, et surtout les femmes, privées aujourd’hui de leur existence même, devenues soudain invisibles, sous cette prison ambulante qu’est la burqa, connaît le tragique prix de pareille dictature !

Les droits quotidiennement bafoués

Cette tyrannie politico-religieuse qu’exercent impunément, sous une impitoyable férule, les talibans sur ce pauvre, quoique digne, peuple d’Afghanistan, n’a aujourd’hui, Monsieur le Président, aucun équivalent, fût-il le plus sordide ou scandaleux, dans le monde : les femmes y sont interdites de toute profession, du droit même de s’instruire à l’école ou de sortir, sans la tutelle d’un homme, de leur mari ou de leur frère, de leur maison ; les homosexuels y sont pourchassés, kidnappés, mutilés, trucidés ; les intellectuels et artistes y sont bâillonnés, battus, emprisonnés, torturés, souvent jusqu’à ce que mort s’ensuive ; les opposants de tous bords, contraints de se cacher pour survivre un tant soit peu, y sont persécutés sans relâche, châtiés par des dizaines de coups de fouet, avant d’être ensuite réduits à des ombres craintives, errant, faméliques et sans plus d’identité réelle, aux confins de ce gigantesque oubli où l’indifférence du monde les a ainsi relégués sans même daigner les regarder, encore moins les écouter ; les malfaiteurs, ou considérés comme tels, y sont pendus, leur cadavre exhibé à des potences de fortune, en place publique ; la pauvreté, la misère et la famine y croissent de manière exponentielle sans aucune perspective d’une quelconque amélioration en ces terres, souvent ingrates de surcroît, des conditions normales de vie ; des mères y sont parfois obligées de vendre leurs propres enfants, sur le marché, dans l’espoir de les voir achetés par des familles plus aisées et donc capables de les nourrir à leur faim ; les jeunes filles, souvent pré-pubères, y sont mariées de force, sans leur consentement, avec des hommes adultes ; de jeunes garçons, n’ayant parfois même pas atteint l’âge de l’adolescence, y sont violés par des mercenaires en armes, de la façon la plus brutale, sinon bestiale, qui soit ; et nous pourrions, certes, allonger, davantage encore, la douloureuse liste de ces terribles exactions, en tous points contraires, par leur indescriptible sauvagerie, à toute civilisation digne de ce nom, y compris celle de l’islam même – cette grande et belle civilisation que nous ne confondons évidemment pas ici, la nuance conceptuelle est importante, avec l’islamisme, qui n’en est, quant à lui, que l’abject, aveugle et criminel dévoiement totalitaire ! De nombreuses vidéos, insoutenables, circulent, à ce sujet, sur les réseaux sociaux.

Appel au réveil des consciences

Comment donc nos consciences pourraient-elles rester insensibles, sans éprouver le moindre sentiment de honte, face à un tel drame humain, devant pareilles abominations, que même l’esprit embrumé des nazis ne put, en ses délires les plus monstrueux, concevoir au seuil de sa fatale, barbare et inique, nuit ? Car, oui, l’Afghanistan est devenu aujourd’hui un vaste camp de concentration où même les musulmans sont désormais pris en otages, jusqu’à se faire massacrer en leurs propres mosquées par les attentats kamikazes de cet infâme groupe de terroristes qu’est, précisément, l’obscure mouvance des talibans ! Oui, en Afghanistan, ultime mais stratégique bastion de la lutte contre le terrorisme international, se commet à l’heure actuelle, en un silence aussi assourdissant qu’insupportable, celui des médias comme de nos politiques, un immense, incommensurable, crime contre l’humanité !

Ainsi, Monsieur le Président, est-ce au nom même, à l’inverse, de la civilisation, sans laquelle il n’est point de démocratie qui vaille ni ne tienne, que nous, intellectuels pour qui l’humanisme tient lieu d’indéfectible principe universel, d’inaliénable valeur morale et d’imprescriptible critère philosophique tout à la fois, nous vous demandons, instamment, d’intervenir au plus vite, sans plus attendre tant cette déplorable situation s’avère désormais urgente, en faveur de ce nouveau peuple martyr qu’est le peuple afghan, en contribuant donc, sous l’égide des Nations unies (ONU) et avec le concours de l’Union européenne (UE), à mettre enfin un terme, par les moyens que vous jugerez les plus réalistes et estimerez les plus adéquats en la circonstance (dont un éventail de sanctions économiques, associées à l’interdiction de voyager à l’étranger, à l’encontre des leaders talibans), à ses innommables souffrances, inacceptables à tous points de vue.

La France, patrie des droits de l’homme, modèle de démocratie en ce qu’elle a de plus noble et dont l’admirable devise, « liberté, égalité, fraternité », est inscrite au fronton même de sa naissance républicaine, se verrait ainsi élevée, d’historique mémoire, à la hauteur de cet immortel phare éclairé qu’elle est censée représenter aux yeux du monde moderne et contemporain !

Le danger du terrorisme islamiste

Ce serait par ailleurs aussi là une efficace manière, par son très louable sens de la compassion aussi bien que du devoir, de nous protéger anticipativement, nous qui avons déjà vécu, en un douloureux passé, les tragédies de Charlie Hebdo, du Bataclan ou de l’Hyper Casher, d’un possible terrorisme à venir dont nous n’osons imaginer les terribles conséquences et que nous condamnons certes vigoureusement, puisqu’il est de notoriété publique, ainsi que nous en avait déjà averti feu le commandant Massoud lors de ses différents passages au cœur de nos capitales européennes (dont Paris, Strasbourg et Bruxelles), que ces mêmes talibans sont de fait alliés, quoi qu’ils en disent derrière leurs démagogiques discours de façade destinés seulement à amadouer l’opinion publique internationale tout autant que les responsables politiques occidentaux afin d’en obtenir en échange d’hypothétiques faveurs, avec cette nébuleuse qu’est, pour le malheur de notre humanité, Al Qaïda et, plus globalement encore, Daesh ou l’Etat islamique !

Vive la résistance afghane

Les signataires de la présente lettre se tiennent par ailleurs résolument debout, fermes, lucides, fidèles et déterminés, aux côtés de la vaillante Résistance afghane, celle-là même qu’appela naguère de ses vœux, jusqu’à la victoire, l’héroïque commandant Massoud. Pour un Afghanistan libre, souverain, moderne, démocratique et pacifié, mais où se joue également l’avenir, sinon le sort, de l’humanité tout entière !

Car ce combat, vous ne l’ignorez certes pas, est avant tout, sur un plan plus stratégique quant à l’ordre international, un combat pour la paix, la liberté, la démocratie – les droits de l’homme et de la femme, en général – mais aussi, non moins essentiellement, pour la sécurité de l’Europe elle-même. C’est dire si son véritable enjeu dépasse largement, comme tel, les seules frontières de l’Afghanistan : c’est, de fait, un combat planétaire !

Nous espérons donc de tout cœur, Monsieur le Président de la République française, que cet appel, que nous nous permettons de vous adresser ici, sera entendu à sa juste valeur et véritable portée. C’est là, en tout cas, notre devoir moral, cet « impératif catégorique » si cher au grand Emmanuel Kant tel qu’il l’énonce, avec cette rigueur mâtinée de profondeur que l’on sait, en sa Critique de la raison pratique.

Mais, plus généralement encore, il en va là aussi, et peut-être surtout, de l’honneur de la France et, dans son prestigieux sillage, de cette Union européenne qu’elle préside en ces jours !

Daniel Salvatore Schiffer et les cosignataires qui suivent:

Amri Aminov, ambassadeur de bonne volonté auprès de l’Unesco ; Daryoush Ashori, philosophe, écrivain, traducteur, chercheur ; Abdul-Azam Azizi, responsable, pour la France, d’« Azadi » (principale association socio-culturelle afghane en Europe) ; Dominique Baqué, agrégée de philosophie, ancienne élève de l’Ecole normale supérieure (rue d’Ulm, Paris), critique d’art ; Siddiq Barmak, producteur, réalisateur, scénariste, Caméra d’or au Festival de Cannes (2003), « Sutherland Trophy » (2003), meilleur film en langue étrangère de la 61e cérémonie des « Golden Globes » (Hollywood, Los Angeles), médaille Federico Fellini de l’Unesco, membre de l’« Academy of Motion Picture Arts and Science » et du « Network for the Promotion of Asian Cinema » ; Rachid Benzine, écrivain, politologue ; Véronique Bergen, philosophe, écrivain ; Marie-Jo Bonnet, historienne, écrivaine ; Hélène Bravin, écrivaine, journaliste, consultante internationale ; Jean-Marie Brohm, sociologue, professeur émérite des Universités (Paris) ; Carino Bucciarelli, écrivain, président de l’AEB (Association des écrivains belges de langue française) ; Reza Deghati, photographe et journaliste (photoreporter) ; Nadine Dewit, artiste-peintre, activiste pour les droits humains ; Emmanuel Dupuy, président de l’Ipse (Institut Prospective et Sécurité en Europe) ; Ahmad Chah Farid, responsable, pour l’Allemagne, d’« Azadi » (principale association socio-culturelle afghane en Europe) ; Renée Fregosi, philosophe, politologue ; Angela Ghayour, militante des droits de l’homme, activiste féministe, fondatrice de l’Ecole en ligne de la ville d’Herat (Afghanistan) ; Guy Haarscher, professeur émérite à l’Université libre de Bruxelles (ULB), professeur au Collège d’Europe ; Nathalie Heinich, sociologue ; Marie Holzman, sinologue, Solidarité Chine (Paris) ; Mohammed Hussain Jafarian, journaliste, spécialiste de l’Afghanistan et, en particulier, de la vallée du Panjshir ; Farchine Kazeminia, biologiste moléculaire, Université Pierre et Marie Curie ; Hoda Khamosh, poétesse, écrivaine, journaliste, figure de proue du féminisme afghan, désignée par la BBC et le magazine anglais Time comme l’une des cent personnalités féminines les plus influentes de l’année 2021 dans le monde ; Catherine Louveau, sociologue, professeure émérite des Universités ; Christian Lutz, président-directeur général des éditions Samsa (Bruxelles) ; Muhaiuddin Mahdi, historien, écrivain, professeur de littérature à l’Université de Kaboul, ancien membre du Parlement d’Afghanistan ; Obaid Mahdi, architecte, écrivain, activiste politique, membre de la Résistance afghane ; Amina Zia Massoud, activiste politique, diplomate, fille d’Ahmed Zia Massoud (ancien vice-président d’Afghanistan) et nièce du commandant Massoud (Ahmed Shah Massoud) ; Attia Mehraban, militante pour les droits de l’homme, une des leaders du mouvement féministe en Afghanistan ; Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue, chercheuse en sciences sociales (Paris) ; Maryam Namazie, porte-parole de « One Law For All » – Comité international contre la peine de mort et la lapidation (Londres), militante pour les droits de l’homme et de la femme ; Yves Namur, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique ; Fabien Ollier, directeur des éditions QS ? et de la revue Quel Sport ?  ; Gilles Perrault, écrivain ; Laetitia Petit, maître de conférences et directrice de recherches à l’Université d’Aix-Marseille ; Atiq Rahimi, écrivain (prix Goncourt, 2008), réalisateur, lauréat de nombreuses récompenses internationales et cinématographiques, dont le prix « Regard pour l’avenir » au Festival de Cannes (2004) et l’« Ours de cristal » à la Berlinale (2020), commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres (2021), docteur honoris causa de l’Université de Rouen ; Robert Redeker, philosophe ; Fahimeh Robiolle, vice-présidente du club France-Afghanistan (CFA), chargée de cours à l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), ainsi que dans les universités françaises de Téhéran et de Kaboul ; Lailuma Sadid (Afghanistan), journaliste à Brussels Morning et présidente de Nadoe (Network of Afghan Diaspora Organisations in Europe) ; Jean-Loup Seban, poète classique, prix Victor Hugo (décerné par la Société des poètes français) ; Annie Sugier, présidente de la Ligue du droit international des femmes (association créée par Simone de Beauvoir) ; Pierre-André Taguieff, philosophe, historien des idées, directeur de recherches au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) ; Mezhgan Trabzadah (Afghanistan), activiste féministe en France et en Afghanistan ; Valérie Trierweiler, journaliste, écrivaine ; Patrick Vassort, sociologue, maître de conférences à l’Université de Caen, directeur de publication de la revue Illusio  ; Olivier Weber, écrivain, réalisateur, grand reporter ; Zarqa Yaftali, avocate pour le droit des femmes en Afghanistan, directrice du Women and Children Legal Research Foundation (WCLRF), coprésidente du Child Protection Action Network (CPAN) ; Hussain Yasa, écrivain, journaliste, politologue ; Charles Zorgbibe, professeur honoraire à la Sorbonne, ex-doyen de la faculté de droit à l’Université de Paris-Sud, ex-recteur de l’Université d’Aix-Marseille ; Jean-Claude Zylberstein, écrivain, avocat, éditeur.

Daniel Salvatore Schiffer est philosophe, écrivain, auteur du livre “Afghanistan – Chroniques de la Résistance” aux Editions Samsa

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